Par Maria Nadolu, Bucarest
A la rencontre de l’inventeur de la Smog Free Tower
Mettre à jour la réalité comme l’affirmait Daan Roosegaarde à un TEDx talk Binnenhof en 2012. Aujourd’hui, à moins de 40 ans, il est en train de le faire en purifiant l’air de nos villes . Sélectionné par Forbes et Good 100 comme agent créatif de changement, la jeune star du social design, repéré par le World Economic Forum, partage ses idées révolutionnaires dans des conférences qui se déroulent à travers le monde. Son credo, le «paysage de demain». Il a déjà remporté plusieurs médailles d’innovation et design à Londres, en Hollande, en Chine… Son travail est exposé dans les musées en Europe et en Asie.
Parmi ses best-sellers qui correspondent à des besoins urgents, sa Tour Smog Free, sorte d’immense purificateur extérieur, qui a été déjà présentée en Hollande, en Chine et en Inde. A l’heure où la pollution tue 12 millions de personnes par an, selon les estimations, comment le monde peut-il se réinventer ? C’est en quelque sorte la réponse de ces tours qui utilisent un procédé d’ionisation positive pour aspirer l’air ambiant, à raison de 30000 mètres cubes par heure. Au final, plus de 75 % des particules fines PM2,5 et PM10, les plus dangereuses pour nos poumons, sont extirpées de l’air.
Les tours de Daan Roosegaarde utilisent une technologie brevetée d’ionisation, qui nettoie l’air. Utilise de le préciser, les tours fonctionnent avec l’énergie éolienne et ne consomment pas plus que l’énergie d’une bouilloire(1170 watts).
Une équipe de l’Université de Technologie d’Eindhoven a montré que les gens peuvent profiter d’un air nettement plus propre à proximité des tours. Pour préciser, les chercheurs ont constaté qu’à moins de 20 mètres d’une tour, on respire 45% moins de PM10. Pour co-financer le projet et offrir un charmant souvenir, Roosegaarde a conçu la ligne de bijoux Smog free (des anneaux, des boutonnières) encadrant de particules de smog compressées en diamant. Il aime rappeler les vers du Madonna «We live in a material world», tout en souriant.
Dans un nouveau monde, les déchets ne sont pas des déchets; ce sont des facilitateurs, faisant partie d’un cercle. Comme dans la nature, tout se recycle. Ce qui est plus important, les ventes des bijoux aux diamants soutiennent les futurs développements du projet : en achetant un bijou, on fait un don de 1000 m3 d’air pur à la ville ; ou bien on soutient l’organisation des dialogues où chercheurs et fabricants évaluent des solutions novatrices pour combattre la pollution. En 2017, Roosegaarde a présenté une nouvelle addition au Smog Free Project : les bicyclettes Smog free, inspirées de l’atelier Smog Free qui présentait l’artiste Matt Hope et le Prof. Yang de l’Université Tsinghua. Le vélo innovant inhale l’air pollué, il nettoie et libère l’air pur autour du cycliste. A présent, des gouvernements, mairies, industriels et scientifiques participent au projet Smog Free .
L’idée c’est de répandre l’air pur et l’énergie propre dans les villes ; de créer de villes Smog free. Récemment, lors d’une conférence de presse au World Economic Forum / AMNC17 à Dalian, Roosegaarde a annoncé un partenariat exclusif avec OFO, le programme chinois de partage de vélo avec plus de 20 millions d’utilisateurs enregistrés, et la plate-forme de design TEZIGN, pour développer la bicyclette Smog Free Chine.
Son studio à Rotterdam, appelé «Dream Factory» (La fabrique des rêves), a l’esprit d’un laboratoire de conception sociale dans une usine de verre restaurée des années 1930. Une équipe de designers et d’ingénieurs s’y affaire, bien équipée pour explorer la relation dynamique entre nature, technologie et espace. Il y a aussi le pop-up studio à Shanghai.
Un des principaux axes de recherche du Studio Roosegaarde est la symbiose entre la nature et la technologie de manière émotionnelle, la manière d’harmoniser ses deux mondes tout en « customisant » le monde autour, en gardant l’enthousiasme créative d’un enfant en train de construire sa hutte dans les forêts. «Comment pouvons-nous créer endroits bénéfiques pour les gens», dans des villes comme Bombai, Beijing, Le Caire?
Une solution, selon Daan, c’est de commencer par les matériaux qu’on trouve dans la nature. Fasciné par les dons de la nature tel que la lumière émise par les lucioles et les méduses, en partenariat avec les scientifiques, le jeune inventeur a réfléchi sur la façon dont le matériau photo-luminescent pourrait être utilisé dans les infrastructures, réduisant la pollution lumineuse et la consommation d’énergie. Son studio a commencé à travailler avec la société de construction néerlandaise Heijmans sur la peinture émettrice de lumière.
Ensuite, Roosegaarde a reçu un appel de la Fondation Van Gogh Europe, qui, en 2015, recherchait des moyens permanents pour marquer le 125e anniversaire de la mort de Vincent Van Gogh. Roosegaarde et Heijmans ont suggéré de repasser une section d’un kilomètre sur le chemin, près de Nuenen, pour en faire une piste cyclable. Ils les ont dotés de cailloux photo-luminescents, complétés par une aspersion judicieuse de diodes électroluminescentes (pour les jours où le soleil néerlandais n’avait pas fourni suffisamment de lumière luminescente). Les cailloux ont été disposés dans des tourbillons vigoureux de la nuit étoilée de Van Gogh.
Comme Daan le mentionne, plus que l’œuvre en soi, ce qui importe le plus, c’est ce qu’il génère dans le « matrix urbain » et, par la suite, au niveau de la perception humaine. Ils ont reçu des demandes de Dubaï, de Chine et de Turquie concernant l’installation. Le chemin a également était présenté dans le livre des enfants néerlandais, Stoere Steffie op bezoek bij van Gogh ; donnant à des nouvelles générations la possibilité d’intégrer l’idée de cailloux photo-luminescentes comme tout à fait possible et « normale » ; en même temps Roosegaarde et Heijmans continuent à expérimenter et à tester des idées pour des infrastructures éco- énergétiques. La collaboration avec les techniciens, aussi bien que le milieu universitaire et les chercheurs, est au cœur de l’approche, tout en étant convaincu qu’aujourd’hui, il nous faut plus de créativité, pas forcément plus de technologie.
Pour Daan, la forme la plus élevée dela technologie est quand elle devient intuitive. Dans un monde où la technologie risque de tout drainer vers l’écran, de nous transformer, comment nous percevons les autres, la façon dont nous interagissons et communiquons? En bref, comment nous faisons de l’expérience une réalité ?
Daan signale la possibilité d’emmener cette numérisation en dehors de l’écran, de l’intégrer dans notre espace urbain, réel. Une possible matérialisation, les paysages interactifs du futur. Comme son projet Dune, une promenade lumière, installé initialement dans un tunnel sombre de la ville de Rotterdam en 2007 (Maastunnel), qui maintenant est demandé partout autour du monde, du château du Harry Potter jusqu’en Slovénie. Cette œuvre interactive réagit aux sons et mouvements des gens qui passent quotidiennement, changeant sa forme, sa luminosité, créant du son. Elle enregistre, donnant des updates en temps réel sur le nombre de passants etc.
Daan est intéressé à montrer comment le monde se transforme, à «catcher» juste ce moment de transformation et à le matérialiser en design intelligent. « Vous pouvez parler de la ville intelligente (…), mais allons au-delà des buzz words et commençons à incorporer cette élégance dans le monde physique», dit-il.
Est-ce que l’idée de capital change aussi en parlant de paysage de demain ? Ses projets nécessitent de gros investissements. C’est clair, money talks, comme d’habitude. Ce qu’on appelle le «hard capital» est fondamental ; et ici on traite de tout: du financement gouvernemental, de fonds entrepreneuriaux, de campagnes sur Kick starter ; de pré-vente et des prépaiement des 60. 000 bagues aux diamants. Quand même, il y a un autre type d’aspect qu’anime également Daan et son équipe : le capital humain («soft capital») : comme la création de ce livre d’enfants inspiré de leur travail. Pour Daan, la clé du design consiste à améliorer la vie; il est en train de répandre sa vision, en collaboration avec les maires, les scientifiques, les investisseurs – comment améliorer nos lieux, et par la suite mettre à jour notre réalité: comment la rendre plus poétique et plus pratique?