Des dizaines de chefs d’État et de têtes couronnées assisteront, samedi 26 avril, aux funérailles à Rome du Pape François, sous haute sécurité. Parmi eux, le président américain Donald Trump, ses homologues français Emmanuel Macron et ukrainien VolodymyrZelensky ou encore le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Le roi Felipe VI et la reine Letizia d’Espagne, le prince William, Albert II de Monaco et son épouse Charlène seront aussi présents. En revanche, une dizaine seulement de dirigeants africains ont confirmé leur venue, parmi lesquels, le Cap-verdien José Maria Neves, le Centrafricain Faustin-Archange Touadéra, le Congolais Felix Tshisekedi, l’Angolais Joao Lourenço, le Gabonais Brice Oligui Nguema et… le ministre burkinabé des Affaires étrangères !
Par Christine Holzbauer, à Paris
Si les condoléances n’ont pas tardé à arriver de tout le continent, lundi 21 avril, à l’annonce du décès du Pape Francois, en pleine célébration des fêtes de Pâques, au final peu de Chefs d’Etats africains feront le déplacement à Rome. A l’instar des obsèques de Jean Paul II en 2005, la ville sainte a été placée sous haute surveillance et les prix ont explosé dans l’attente d’un « surtourisme » pour des funérailles dites « planétaires » qui seront retransmises, en direct, par la quasi-totalité des télévisions.
La ferveur des fidèles africains n’est pas non plus cause puisque, selon le Vatican, sur les 1,4 milliards de Catholiques dans le monde, 20% vivent sur le continent. Le plus grand nombre se trouve en République démocratique du Congo, au Nigeria, en Ouganda, en Tanzanie et au Kenya. On comprend mieux, dans ces conditions, que François, un pape jésuite qui a fait vœu de pauvreté, ait effectué pas moins de cinq voyages en Afrique pendant son Magistère (2013-2025) au cours desquels il a visité dix nations différentes. Certains de ces voyages, de la Centrafrique à la RDC en passant par l’Egypte, ont été particulièrement marquants.
Un Pape qui aimait l’Afrique
Pour Mario Giro, membre de longue date de la Communauté de Sant ’Egidio et ancien vice-ministre italien des Affaires étrangères, la raison de ce tropisme africain est à chercher dans les origines sud-américaines du Souverain pontife. « François était un Pape qui venait du Sud et ça se sentait dans ses prises de position en faveur de la paix, non seulement en Ukraine et au Moyen-Orient mais jamais il n’a oublié de mentionner le Soudan, le Kivu ou les pays du Sahel ! », a-t-il déclaré à Financial Afrik. Sans surprise, la plus grosse délégation viendra d’Argentine d’où était originaire François, -de son vrai nom Jorge Mario Bergoglio-, et dont le président Javier Milei a décrété sept jours de deuil national.
Les thèmes que le Chef de l’Eglise catholique a abordés durant ses voyages en terre africaine sont d’ailleurs ceux qui ont marqué son pontificat : le dialogue entre les religions, l’immigration clandestine, la corruption et le colonialisme économique. Lors de son dernier voyage sur le continent en 2023, à Kinshasa, il a interpelé la communauté internationale avec des mots très durs : « Retirez vos mains de la République démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévalise », avait-il lancé.
Mario Giro ne nie pas qu’il y ait eu des tensions entre Rome et l’épiscopat africain à propos de la possibilité pour les prêtres de bénir des couples homosexuels, ce qui avait provoqué une véritable levée de bouclier dans les archevêchés africains. « L’Afrique n’évolue pas avec la même morale que l’Occident ! Mais quant à un Pape noir pour succéder à Francois, je ne vois aucun problème. Tout le monde l’accepterait et le regarderait avec bienveillance, surtout en Italie », commente-t-il.
Un conclave qui s’annonce serré
De fait, parmi les « favoris » pour succéder au Souverain pontife figure le Guinéen Robert Sarah, le Congolais Fridolin Ambogo Besungu, le Ghanéen Peter Turkston, ainsi qu’un « Africain de cœur et d’esprit », l’Italien Matteo Maria Zuppi de la Communauté de Sant’Egidio. Pour le politologue Emmanuel Dupuy, qui préside l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), François a certes nommé de nombreux cardinaux africains, mais à ce stade c’est le cardinal issu de la Communauté de Sant’Egidio, l’archevêque de Bologne et président de la Conférence épiscopale italienne, qui est le plus « papabile. »
Mattéo Zuppi semble, en effet, cocher toutes les cases pour rallier les suffrages des 135 cardinaux électeurs qui ont entre le 5 et le 10 mai pour élire un nouveau Papedans le plus grand secret. Progressiste, portant la voix des églises africaines et de celles des pays du Sud, Il ferait, selon Emmanuel Dupuy, une parfaite symbiose entre « un évêque de Rome, italien, dont le discours urbi e orbi porte l’espoir et les doléances d’une majorité de catholiques qui se situe désormais dans ce qu’on appelle le Sud global. »
De nombreuses voix s’élèvent, toutefois, pour espérer que le cardinal Robert Sarah, 79 ans, qui défend des positions extrêmement rigoristes sur l’homosexualité, l’immigration, le célibat des prêtres ou encore la liturgie en latin soit l’heureux élu.
Pour Mario Giro, cette opposition entre « progressistes » et « rigoristes » n’est pas nouvelle au sein de l’Eglisecatholique. Il estime, toutefois que ce sera « difficile de retourner en arrière » pour succéder à François.
Pour l’instant, toutefois, le tiercé gagnant des papabilesexclut l’Afrique. Selon les derniers sondages, l’Italien Pietro Parolin, 70 ans, arriverait en tête à une écrasante majorité (29%) devant le Philippin Luis Antonio Taglin, 67 ans (22%) et.. Matteo Maria Zuppi, 69 ans (13%).