Par Baudoin de Petiville*
Alors que la situation politique se tend au Sénégal, l’économie nationale du pays continue d’afficher une forme indécente à l’échelle du continent. Quels sont ses secrets ?
Un taux de croissance à 5,5%, une augmentation constante du PIB par habitants, des dizaines de grands projets d’infrastructures mis en chantier, une réduction du taux de pauvreté en zone rurale, une augmentation de l’espérance de vie… Il y a quelques jours, dans les colonnes de Jeune Afrique, le ministre de l’Économie sénégalais Doudou Ka soulignait la dynamique à l’œuvre dans son pays. Et même si, de son propre aveu, de nombreux défis et difficultés attendent encore le Sénégal, ses perspectives économiques suscitent l’admiration et la curiosité.
Une croissance robuste et résiliente
Après avoir ralenti à 4,7 % en 2022, principalement en raison de la pandémie et des répercussions de la guerre en Ukraine, la croissance économique du Sénégal a rebondi à plus de 5,3 % en 2023. « Nous avons aussi connu une augmentation significative de la croissance moyenne, passant de 3,5 % à 5,5 % au cours des dix dernières années » se félicite d’ailleurs Doudou Ka. Un chiffre d’autant plus remarquable qu’il place le Sénégal parmi les économies à la croissance la plus rapide d’Afrique subsaharienne.
Ce rebond est en partie attribuable à la rapide montée en puissance du secteur gazier et pétrolier ces dernières années. Mais cette manne doit être utilisée à bon escient afin d’éviter à tout prix la « malédiction des matières premières », quand l’accès à d’importantes ressources fossiles déséquilibre toute l’économie. Pour contrer cette dérive qui pénalise aujourd’hui tant de nations africaines, les autorités sénégalaises ont adopté depuis plusieurs années une approche prudente en mettant en place une nouvelle règle budgétaire qui prévoit de mettre de côté les recettes supplémentaires générées par les exportations de pétrole et de gaz. Cette mesure vise à maintenir un niveau de dépenses publiques responsable tout en effectuant une transition progressive vers les énergies renouvelables.
Stabilité des investissements, stabilité politique, stabilité règlementaire
De plus, fait remarquable : sous la politique de Doudou Ka, le Sénégal a réussi à maintenir des flux stables d’investissements directs étrangers (IDE), avec 2,6 milliards de dollars enregistrés, reflétant la confiance continue des investisseurs dans le potentiel économique du pays. Cette stabilité des IDE est d’autant plus significative qu’elle contraste avec la chute généralisée des investissements observée dans d’autres régions d’Afrique.
Une exception qui s’explique certainement en partie grâce à la réputation de stabilité politique du pays qui rassure les investisseurs et qui contribue à un environnement d’affaires serein, malgré la situation actuelle. Le pays a d’ailleurs mis en œuvre de nombreuses politiques d’ouverture économique, telles que le Plan Sénégal Emergent (PSE) qui vise à accélérer le développement économique et à intégrer davantage le Sénégal dans l’économie globale.
Ces efforts pour améliorer l’environnement des affaires, la gouvernance, et la stabilité macroéconomique font désormais du Sénégal une destination de plus en plus attrayante pour les investissements étrangers, notamment dans les secteurs clés de l’agriculture, du pétrole et gaz, et du tourisme.
Stabilité, une gestion macroéconomique rigoureuse, une ouverture stratégique au monde… Le Sénégal se démarque de plus en plus. Et pour solidifier les fondations de l’économie, le pays mise sur l’éducation : dans Jeune Afrique, Doudou Ka rappelait que le budget de l’éducation et de la formation avait plus que doublé en dix ans, passant de 518 milliards en 2014 à 1200 milliards en 2023.
*A propos de Baudouin de Petiville
Baudouin de Petiville est journaliste indépendant et expert en intelligence économique. Diplômé d’Assas-Paris 2 en droit public, il est spécialiste des sujets de défense mais aussi du secteur minier et des infrastructures. Il a déjà écrit pour Conflits, Économie Matin, Valeurs Actuelles et La Tribune.