Le sommet sur la migration qui vient de se tenir dans l’Ile de Malte consacre le triomphe de la vision sécuritaire de la migration. L’Europe s’engage sur un fonds fiduciaire d’un peu moins de 2 milliards d’euros pour «aider» les pays africains à mieux gérer la question migratoire.
En échange, l’Afrique s’engage à accueillir des camps de rétention et à accepter d’accueillir les immigrés dont l’Europe n’en voudrait pas. Nous venons donc d’assister le temps de deux jours au recul de 4 principes fondamentaux:
1- L’abandon du principe de la liberté de circulation des personnes au nom d’un fonds fiduciaire riche de vœux pieux. Ainsi, l’Europe continuera à ne souhaiter recevoir de l’Afrique que les fleurs coupées, les minerais, le bois non transformé. Mais, et surtout pas, les africains et les produits finis. Tout ça pour 1,8 milliard d’euros.
2- L’acceptation de camps de rétention et d’incarcération des individus qui n’ont pas commis de délit. En fait, l’Afrique accepte de sous-traiter une problématique délicate pour une Europe dotée d’une Cour des droits de l’homme avant-gardiste et qui ne voudrait pas contredire ses propres principes.
3-L’acceptation du principe de l’immigration choisie. L’Europe puisera dans la main d’œuvre et les cerveaux africains, le juste nécessaire à la réduction de ses coûts de facteurs et au maintien de la compétitivité.
4- L’abandon, par les africains, du principe de la réciprocité, socle du droit international est, dans le fond, une renonciation claire à l’égalité des peuples, combat de Mandela. L’Afrique accepte que ses flots d’immigrés ou candidats au voyage fassent d’abord l’objet d’un tri. Dans le même temps, l’européen qui débarque en Afrique continue à voir se dérouler le tapis rouge. Nous y voilà, avec un traitement inégal qui donne un avantage comparatif à l’européen devant l’embauche et les opportunités d’affaires.
Beaucoup de multinationales ajoutent le terme «mobilité» à leurs critères de recrutement. Autrement dit, le passeport africain devient une tare. Comment voudrais-t-on construire un nouveau partenariat Europe-Afrique si les uns et les autres sont soumis à des règles de circulation différentes ? Si un différentiel consacre en droit la supériorité des uns par rapport aux autres ?
Bref, à Malte, c’est finalement le principe des securocrates qui aura prévalu sur celui de la souveraineté. L’Europe de droite a négocié avec des élites africaines bonnes élèves et (à la notable exception de la présidente de la commission africaine, Dlimani Zuma, trop isolée cependant face à un Macky Sall et Alassane Ouattara qui pensent que l’émergence est un agrégat de chiffres) coupées des aspirations de leurs peuples.
En conséquence, l’immigration illégale a encore de beaux jours devant elle. Car, en relevant les barricades européennes (déjà hautes) l’on donne aux passeurs les arguments pour surenchérir un peu plus leur commerce morbide.
L’on donne finalement aux élites et à la bourgeoisie africaine le choix rationnel de détourner leur argent et celui du peuple et de l’investir en Europe pour acquérir une nationalité signe de l’affranchissement et de la liberté de circuler dans le monde. À Malte, l’Afrique s’est encore couchée. Et c’est dommage.