«L’Afrique a besoin d’établir sa crédibilité et respecter l’adage: qui paie ses dettes s’enrichit », nous dit Alassane Bâ. Pour l’ancien haut cadre de la Banque Africaine, premier CEO du fonds Africa 50, il est temps de changer de paradigme. Tribune.
COVID-19 est une vraie crise avec son lot de dévastations et surtout d’interrogations sur le monde post COVID-19. J’espère que les dirigeants africains sauront tirer les bonnes leçons à savoir la nécessité d’avoir des pouvoirs légitimes capables de protéger les populations contre tous les risques en offrant des systèmes de santé de qualité accessibles à tous, un bon système éducatif qui prend en charge tous les enfants et combattre sérieusement la corruption, les détournements et autres malversations. Un seul appel sied à la situation: gérons vertueusement. Chaque unité monétaire des deniers publics doit être utilisée là il faut avec le maximum d’impacts sur les populations.
Je suis choqué d’entendre à ce stade de la pandémie les demandes incessantes d’annulation de la dette bilatérale. Il faut que nos dirigeants nous montrent où a été utilisé cet argent et quels sont les impacts sur les populations. Des États responsables ne doivent pas reposer sur des demandes incessantes d’annulation de la dette bilatérale.
Continuer à s’endetter auprès des pays et ensuite demander en cas de changement significatif de l’environnement économique et financier l’annulation est inacceptable et crée de mauvaises incitations à plus de rigueur.
Les promoteurs de l’annulation de la dette sont en train de favoriser l’aléa moral dans la gestion de la dette. Il est plus pertinent de demander le report d’échéances ou la restructuration de la dette ou d’autres innovations mais pas l’annulation. L’Afrique a besoin d’établir sa crédibilité et respecter l’adage: qui paie ses dettes s’enrichit. Nous ne voulons plus être des mendiants. Nous voulons emprunter plus pour financer nos économies dans la transparence et l’efficacité. Si nous demandons l’annulation de la dette, pourrions-nous emprunter plus? Aucun pays au monde ne s’est développé avec des demandes incessantes d’annulation de la dette.
Après cette crise sanitaire, le nouveau feuilleton qui s’ouvrira sera le nouvel ordre économique mondial. L’Afrique doit y prendre sa place dans une posture de confiance nourrie de la certitude que c’est le temps de l’Afrique qui gagne parce qu’elle a recouvré son estime de soi.
Alassane BA
Un commentaire
Monsieur Alassane Bâ,
Merci pour votre chronique. J’ai toutefois quelques interrogations au regard de votre sentiment de personne choquée. Je m’attendais plutôt à une révolte de voir l’Afrique demander l’annulation de sa dette, et l’appeler à l’annuler elle-même.
Vous êtes économiste, et pourtant il est manifeste que la dette africaine dont vous parlez est une infine partie de la dette des prêteurs.
Il est aussi manifeste que cette dette des prêteurs ne sera JAMAIS remboursée, tellement elle est abyssale. On nous parle de covid 19 qui serait à l’origine de l’actuelle crise financière. Faux, ce n’est qu’un bouc émissaire, très bien ficelé, afin de faire marcher la planche à billets de plus belle. Ah, l’assouplissement monétaire auquel l’Afrique est exclue.
Sans vouloir rentrer dans tous ces mécanismes et techniques monétaires et financières complexes qui renvoient à de l’escroquerie, je vous demande de m’expliquer pourquoi l’Afrique devrait rembourser de l’argent fabriqué à partir de rien ? Ce que j’ai bien compris, c’est que la dette occidentale ne sera jamais remboursée, mieux elle va simplement être annulée. Une deuxième raison pour que l’Afrique annule sa dette.
Au mieux, nos banques centrales devraient aussi engager un « quantitative easing » illimité. La vertu financière que vous évoquez devrait s’imposer à tout le monde, alors à la guerre comme à la guerre.