Jean-Marie Ackah, président de la Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), répond à nos questions. Le successeur de Jean Kacou Diagou présente son plan d’action, ses objectifs et ses ambitions. S’inscrivant en digne héritier d’une longue lignée de grand patron des patrons, M. Ackah entend consolider les acquis. Entretien.
FA : Vous avez été élu à la tête de la CGECI, le Patronat Ivoirien. Quelles sont les réformes prioritaires que vous allez engager ?
Grâce au travail accompli par mes prédécesseurs et en particulier par le Président Jean Kacou Diagou, auquel je succède directement, la CGECI est aujourd’hui clairement reconnue comme le principal porte-voix du secteur privé de la Côte d’Ivoire, tant auprès du gouvernement que des institutions. En nous appuyant sur cet acquis indéniable, nous poursuivrons l’œuvre d’accompagnement, de soutien et de représentation des entreprises ivoiriennes en orientant notre action sur trois axes principaux :
-Consolider notre rôle de force de proposition vis-à-vis du gouvernement et des partenaires au développement ;
-Participer eu renforcement des capacités des membres de la CGECI en leur apportant des services répondant à leurs besoins ;
– Créer les conditions d’une densification du tissu des entreprises ivoiriennes, en particulier des PME/ PMI permettant l’éclosion de nombreux champions nationaux et régionaux.
La réalisation de ces trois principaux chantiers sera sous-tendue par un renforcement de la gouvernance de l’organisation.
FA : Toute politique étant conditionnée aux moyens, la CGECI a-t-elle les finances nécessaires pour mettre en œuvre ses réformes ?
En l’état actuel de ses ressources, oui la CGECI peut avoir les moyens de sa politique en général, et singulièrement pour mener à bien les principaux axes indiqués tantôt. Du point de vue des finances de l’organisation, l’enjeu pour l’avenir est plutôt de développer des ressources propres. La dynamique à ce niveau est déjà amorcée. La Maison de l’entreprise offre des perspectives de revenus pour la CGECI. Il s’agira d’amplifier cette dynamique et concomitamment d’opérer un profond ajustement du train de vie de l’organisation. Dans cette logique mon mandat à la tête du patronat, va avoir une forte inclinaison de gestion consistant donc à capitaliser les actifs.
FA : Votre prédécesseur, M. Jean Kacou Diagou est resté environ 12 ans à la tête de la CGECI. Comment qualifiez-vous son bilan ?
Le bilan du Président Jean Kacou Diagou est globalement positif. Comme je l’ai dit tantôt, j’hérite d’une CGECI qui s’est positionnée comme le principal porte-voix du secteur privé ivoirien, un partenaire avec lequel les pouvoirs publics et les Institutions Régionales et Internationales comptent aujourd’hui. Ceci dit, j’aime à préciser qu’il n’y a pas de bilan du Président Jean Kacou Diagou. Il y a un bilan de la CGECI que l’ensemble des membres assument. Et ce bilan est globalement positif. Ma philosophie consiste à appréhender la gestion des organisations associatives comme une course de relais continue, donc une succession d’efforts, bien sûr chacun avec ses atouts et ses faiblesses, pour atteindre un objectif commun, qui dans notre cas est le développement du secteur privé. Ainsi pour imager, je dirais que le président Marcel Zadi Kessy a assis le mouvement patronal qu’il a reçu en héritage des fondateurs Feu Meyer et Joseph Aka-Anghui ; son successeur à lui, feu le président Diack Diawar l’a stabilisé, le président Jean Kacou Diagou l’a fortement développé. Le relais m’échoit pour capitaliser les acquis et consolider le mouvement.
FA : La Côte d’Ivoire évolue avec un taux de croissance de 8,5% depuis quelques années. Cette croissance profite-t-elle au secteur privé ?
Bien sûr que cette forte croissance profite globalement au secteur privé. Les effets sont, bien entendu, ressentis dans certaines branches plus que dans d’autres. Cette forte croissance, des secteurs d’activités tels que le BTP, l’immobilier, la cimenterie, la banque, la plasturgie, l’agriculture en général, l’agroalimentaire, les transports, les assurances, les TIC, le commerce, l’électricité… en tirent parti. L’enjeu pour la Côte d’Ivoire au regard de son ambition d’être un pays émergent à l’horizon 2020, est de pouvoir engager une transformation structurelle de son économie, en l’orientant vers une plus grande industrialisation. Et cela est rendu difficile par le fait qu’en dépit des progrès accomplis par le pays ces dernières années, de réelles faiblesses subsistent sur le plan de la compétitivité des entreprises. Notamment en terme de coûts de facteurs élevés, charges fiscales assez prégnantes, difficultés d’accès au crédit, coûts élevés des transports internationaux… Ces goulots d’étranglement structurels de l’activité économique demandent à être corrigés. Le gouvernement en est conscient et y travaille déjà nous semble-t-il.
FA : Quelles sont vos attentes vis-à- vis de l’Uemoa et de la Cedeao en termes de réformes pour la fluidité des échanges ?
Le corollaire de la transformation structurelle de nos économies par une plus grande industrialisation, qui est un impératif économique pour l’ensemble de nos pays, est un élargissement des marchés domestiques par l’existence de véritables marchés communautaires. Dans cette optique, le secteur privé ivoirien, comme celui de l’ensemble des pays de l’Uemoa et de la Cedeao, attendent des autorités communautaires, qu’elles créent un environnement régional des affaires propice au développement des échanges entre les entreprises des pays membres. Le très faible niveau des échanges intra-régionaux, très souvent évoqué, est la conséquence de ce que les infrastructures régionales sont insuffisantes, les coûts des facteurs de production tels que les communications, les transports, l’électricité… sont élevés, les contextes juridiques ne garantissent pas de sécurité, des filets de protection de leur marché sont régulièrement érigés par certains contre des produits communautaires au mépris des textes communautaires, les coûts des transactions intra-communautaires sont importants… Il nous paraît donc important que les autorités communautaires améliorent significativement l’environnement des affaires. C’est plutôt urgent pour doper la compétitivité des entreprises et bien plus encore, pour consolider la forte croissance que connaît la région Ouest africaine et ne pas fragiliser les perspectives.