Par Dov Zerah
A Washington, le 25 septembre 1999, le G7 finances, groupe des ministres des finances des sept pays les plus riches de la planète, crée le G20 sur proposition du ministre canadien Paul Martin. L’objectif poursuivi avec cette nouvelle structure est d’associer les pays émergents à la gouvernance mondiale pour favoriser la stabilité financière internationale.
Mais cette structure censée favoriser le dialogue entre les pays industrialisés et les pays émergents ne va pas fonctionner. Il faut attendre la crise de 2008 pour que cette instance trouve une nouvelle actualité et soit mise à contribution pour articuler une réponse mondiale au séisme qui secoue l’économie mondiale.
Le 15 novembre 2008, pour la première fois de son histoire et à l’initiative de Nicolas Sarkozy et de Gordon Brown, premier ministre britannique, le G20 réunit ses chefs d’États et de gouvernements.
Le G20 regroupe les membres G8, dix pays à économies émergentes plus l’Australie, la Corée du Sud et L’Espagne. Le G20 accueille également les présidents de l’Union européenne et de la commission européenne, ainsi que le directeur général du FMI, le président de la Banque mondiale, celui du comité monétaire et financier international et celui du comité de développement du FMI et de la Banque mondiale.
Le 2 avril 2009, le G20 se réunit à Londres avec à son agenda quatre sujets de coordination quatre domaines : plans de relance économique, assainissement du système bancaire, dispositifs et règles de surveillance du secteur financier et aide aux pays émergents les plus touchés par la crise. La réunion porte plus particulièrement sur la lutte contre le secret bancaire et les paradis fiscaux.
Veux pieux, objectifs utopiques, le scepticisme le plus total a accueilli ces conclusions.
L’enjeu est de taille. Il porte certes sur les pertes pour les administrations fiscales évaluées à 130 Mds€ sur un volume de fonds dissimulés estimés à près de 6 000 Mds€. Mais, toute lutte contre le terrorisme et les trafics exige une levée du secret bancaire.
Pourtant, petit à petit, la communauté internationale va faire un progrès considérable, impensable il y a cinq ans, sous la houlette de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et de sa structure spécialement dédiée à cet effet, le Forum mondial pour d’informations et la transparence à des fins fiscales, également dénommé le Forum fiscal mondial. Il regroupe 123 pays et territoires.
La gouvernance a suffisamment progressé pour affirmer que le compte à rebours de la fin du secret bancaire est programmé pour 2017-2018, avec la généralisation de l’échange automatique d’information, l’arme jugée la plus efficace contre l’évasion fiscale.
Mercredi 29 octobre, lors de la réunion annuelle du Forum mondial, un peu moins d’une centaine de pays ont signé à Berlin une «convention multilatérale des autorités compétentes».
C’est une étape juridique importante après la finalisation de la nouvelle Norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers présentée par l’OCDE aux ministres des Finances du G20 au cours de la rencontre de Cairns en septembre dernier. Elle prévoit l’échange automatique de toutes les informations financières sur une base annuelle. Aucun flux financier, aucune transaction, aucun compte opaque n’échappera aux contrôles des administrations fiscales.
Au 1er janvier 2017 pour 58 pays ou début 2018 pour 34 autres, toutes leurs banques et institutions financières transmettront l’information sur les détenteurs de comptes, qu’il s’agisse de personnes physiques ou d’entités de type trust, fiducie ou fondation. Elles communiqueront les soldes bancaires, intérêts et dividendes, produits d’assurance-vie et plus-values.
Le changement est radical. On passe de l’échange sur demande, à savoir en cas d’enquête administrative ou de justice sur des soupçons de fraude, dont le fonctionnement dépend du bon vouloir des Etats, à l’échange spontané, contrôles fiscaux à l’étranger, contrôles fiscaux simultanés et aide au recouvrement de l’impôt.
De nombreuses citadelles fiscales tombent ainsi : l’Autriche, les Bahamas, les Emirats arabes unis, le Liechtenstein, le Luxembourg, les îles Vierges britanniques, les Caïman, les Bermudes, Jersey, la Suisse…
Néanmoins, l’accord de Berlin présente encore au moins trois grandes faiblesses.
Tout d’abord, au moins six pays font encore de la résistance : le Panama qui pourtant s’était engagé dès 2009 à la transparence, Bahreïn, Singapour et trois États insulaires du Pacifique, les îles Cook, Nauru et Vanuatu.
Ensuite, les pays en développement, et principalement les pays d’Afrique sub-saharienne devraient se rallier au mouvement. C’est pourquoi, le forum mondial invite la communauté internationale à apporter l’assistance technique nécessaire pour la mise au point des procédures et systèmes d’information. Les représentants africains sont convenus de lancer une nouvelle « Initiative africaine» de sensibilisation aux avantages de la transparence en Afrique.
Enfin, sous la très forte pression des États-Unis et de l’Union européenne, la Suisse a accepté d’échanger certains renseignements fiscaux sous réserve qu’ils s’inscrivent dans le cadre d’accords bilatéraux approuvés par le parlement fédéral.
Au-delà de ces limites, sera mis en place un processus d’examen par les pairs destiné à garantir la mise en œuvre effective de l’échange automatique de renseignements.
Il a fallu un krach financier sans précédent, la pression de certains pays comme l’Allemagne, la France et surtout les Etats-Unis. Washington qui n’a pas hésité à adopter une législation pour forcer certains Etats comme la Suisse à communiquer des informations bancaires, et même à engager des procédures contre des banques comme l’Union des banques suisses ou la Banque israélienne la Léumi.
Cet exemple démontre qu’il ne faut pas désespérer de la coopération internationale.
La prochaine étape sera d’établir une fiscalité pour les multinationales et limiter le rôle des paradis fiscaux. Ce sujet sera un des thèmes de la prochaine réunion du G20 à Brisbane les 15 et 16 novembre prochains.
Un commentaire
LA FAIM DU SECRET BANCAIRE ?
Je remercie Dov Zerah pour son engagement soutenu en faveur du continent africain et qui s’est poursuivi après son passage à la tête de l’AFD.
A première lecture, le titre de son article m’a tout de suite surpris et je me suis hâté à découvrir le contenu.
La fin du secret bancaire ? ou La faim du secret bancaire ? me suis-je dit.
Car si on devrait retenir le premier ce sera aussi « La fin du secteur bancaire ». Certes l’inclusion financière est très faible en Afrique, donc l’apport du continent africain dans les mouvements de capitaux mondiaux (licites et illicites) demeure aussi faible que marginal. Mais il y a deux facteurs inquiétants: le poids interne et son évolution.
Interrogeons-nous sur deux pans de l’activité bancaire en Afrique : la banque privée et la banque off-shore. Aucune étude sérieuse ne s’est intéressée à comprendre leur statut, leur fonctionnement et leur organisation.
S’agissant du second titre, le secret bancaire n’est pas une notion statique. Il est parfaitement corrélé à l’activité bancaire. Donc il vit, et a ses moments de satiété et de diète.
Je proposerai un article sur le sujet avec des exemples concrets pour mieux me faire comprendre.
En attendant, deux indices: Comment les banques qui constituent l’anti-chambre de l’économie pour laquelle elles sont créées n’en financent que 20% en Afrique d’une part et enregistrent un taux de croissance à deux chiffres dans ses compartiments d’activités alors que l’économie dans certains pays africains est en dépression (taux de croissance négatif) d’autre part ? Deuxième indice: suivant les derniers rapports officiels disponibles, l’Afrique est saignée en moyenne de 100 milliards de dollars par an représentant les fuites de capitaux. Pourtant, une bonne partie de cette évasion passe par les dédales des circuits formels(dont les banques), recyclés dans la moulinette, pour prendre ensuite des destinations extérieures connues… Je dis bien « connues » des intermédiaires agréés car aucun virement ne peut s’effectuer par swift ou tout autre moyen usité sans que la destination exacte (pays, banque et coordonnées bancaires complètes) soit connue, précisée et établie par l’établissement ordonnateur du transfert financier et commercial.