L’annonce des poursuites contre l’américain Goldman Sachs par la Libyan Investment Authority sonne la réouverture de l’un des dossiers sombres des rapports de la grande finance avec la Libye de Kadhafi.
Le corps du délit est contenu dans des documents confidentiels livrés à l’opinion publique internationale par Global Witness, publiés par le très sérieux Wall Street Journal et que nous évoquions le 13 jullet 2011, pour notre part dans Les Afriques .
En juillet 2008, Goldman Sachs, qui s’était vu confier 1,3 milliard de dollars américains par la Libyan Investment Authority (LIA), a perdu 98% du montant reçu…dans des investissements risqués. Une perte qui entache la réputation de la banque d’affaires américaine fondée au 19ème siècle. Comment une institution aussi respectable peut-elle perdre un tel montant en quelques mois ?
Pour étouffer l’affaire, Goldman Sachs propose au fonds souverain libyen une prise de participation de 5 milliards de dollars sous forme d’actions non convertibles. La Libye refuse et menace d’intenter un procès international. Le dossier a évolué depuis février 2011, quand l’Otan et quelques pays européens ont décidé de déloger le maître de Tripoli.
Combien de fonds d’investissements, de banques et de multinationales détenant de l’argent libyen ont vu leurs comptes s’améliorer par les frappes de la coalition ?
Pourquoi, comme le rapporte l’ONG Global Witness, les institutions comme NotzStucki, Permal, Palladyne, BNP, Credit Suisse et Millennium Global Investments funds, qui géraient de l’argent libyen, ont toutes enregistré de mauvais résultats sur le compte LIA, sous-performant le marché ?
Le fonds libyen en question, qui avait son siège à Londres, aurait investi depuis 2007 quelque 40 milliards de dollars d’actifs dans 25 institutions financières pour des résultats décevants qui révèlent les pratiques de mauvaise gestion de l’argent libyen. Les pertes enregistrées à chaque fois sont inimaginables.
Selon un autre journal américain, le New York Times, Permal, société de gestion d’actifs basée à Baltimore, a pris sous gestion 300 millions de dollars de fonds souverains libyens en janvier 2009. En septembre 2010, ce montant a perdu 40% de sa valeur. Permal a reçu tout de même 27 millions de dollars pour ses prestations.
Un autre gestionnaire, Palladyne, qui avait reçu 300 millions de dollars sous gestion, a perdu 30 millions de dollars et perçu 18 millions pour ses prestations. De son côté, la Société Générale aurait perdu dans des produits financiers « structurés » plus de la moitié d’un montant de 1,8 milliard de dollars venant de Tripoli.
D’autres institutions comme la HSBC, la JP Morgan, Carlyle ainsi que la défunte Lehmann Brothers ont aussi été touchées par la grâce de l’argent libyen pour des résultats décevants.
Ces pertes sèches montrent le danger qu’il y a à se lancer dans les grands placements et les financements structurés sans y être préparé. Cela montre aussi – est-il besoin de le rappeler ? – que ce n’est pas l’Afrique subsaharienne qui a bénéficié le plus des largesses du Guide.
Aujourd’hui que, de par le monde, des Etats gèlent les avoirs libyens dans une opacité digne de l’âge de la pierre, il serait de mauvais aloi de demander à ces honorables institutions financières ce qu’elles feront de l’argent libyen qu’elles détiennent encore ?
Vont-elles l’utiliser pour acheter des médicaments, des vivres et des armes pour le Conseil national de la transition (CNT) ?
Au final, la guerre en Libye n’aura qu’un gagnant : la grande finance. Car, tandis que les Etats engagés militairement se plaignent du coût de l’intervention militaire, des institutions réputées, dont HSBC, sont venues, sous bonne escorte, débarquer à Benghazi pour y créer la Central Bank of Libya. Un nouveau cycle de profits commence.