À la tête des opérations du groupe Accor dans une région en pleine expansion, Daniel Karbownik, Vice-Président des Opérations pour l’Afrique subsaharienne, pilote avec rigueur et vision le développement d’un portefeuille hôtelier ambitieux à l’échelle du continent.
Dans cet entretien, il partage sa lecture des dynamiques qui façonnent le secteur, décrypte les spécificités du marché africain et esquisse les perspectives de croissance de l’hôtellerie sur un territoire devenu stratégique pour le groupe Accor.
Quelles sont les implantations actuelles du groupe Accor en Côte d’Ivoire ?

Daniel Karbownik : La Côte d’Ivoire est aujourd’hui l’un de nos marchés les plus stratégiques en Afrique subsaharienne. Le pays compte actuellement neuf hôtels sous gestion Accor, ce qui en fait l’un des territoires où nous sommes les plus représentés dans la région.
À Abidjan, nous opérons huit établissements, répartis sur plusieurs segments :
- Le Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire, un fleuron de notre portefeuille luxe ;
- Le Pullman Abidjan ;
- Le Novotel Abidjan Plateau ;
- Les deux dernières ouvertures : le Novotel Abidjan Marcory et l’Adagio Abidjan Marcory, positionnés sur l’axe du développement urbain ;
- Deux Ibis Styles, récemment rebrandés et rénovés offrant un nouveau design et de nouvelles expériences, situés respectivement à Marcory et au Plateau
- Et enfin, le Mövenpick Abidjan, positionné sur le haut de gamme.
Par ailleurs, nous préparons l’ouverture d’un nouvel établissement sur la côte Est, à Assinie : un Mövenpick, actuellement opéré en marque blanche sous le nom de Palm Resort, en attendant son repositionnement officiel.
Pourquoi Abidjan est-elle devenue un pilier de développement régional pour Accor ?

Abidjan s’impose naturellement comme un hub de croissance pour Accor en Afrique subsaharienne. Le groupe est déjà le premier opérateur hôtelier sur le continent, et il est logique que notre développement s’intensifie dans les capitales économiques les plus dynamiques.
Plusieurs facteurs expliquent cette concentration :
- Une position géostratégique majeure en Afrique de l’Ouest ;
- Une stabilité politique et économique, propice à l’investissement hôtelier à long terme ;
- Un marché domestique et régional en pleine expansion, porté par la croissance des classes moyennes et le développement des infrastructures ;
- Une forte activité événementielle et MICE, avec de nombreuses conventions internationales ;
- Et un flux croissant de voyageurs d’affaires, dont les besoins en hospitalité haut de gamme sont constants.
Historiquement, Abidjan a été pionnière dans l’implantation d’hôtels de standing. L’Hôtel Ivoire aujourd’hui opérée sous la marque Sofitel en est un parfait exemple. Il symbolise à la fois l’ancrage patrimonial du groupe et sa capacité à se renouveler pour accompagner l’évolution des attentes des clientèles locales et internationales.
Cet ancrage durable est également facilité par l’implication des autorités locales, en particulier le Ministère du Tourisme dirigé par Monsieur Siandou Fofana, dont le dynamisme et la vision à travers le projet Sublime Côte d’Ivoire créent un environnement propice au développement touristique. Un cadre favorable aux affaires qui permet à des acteurs comme le Groupe Accor de grandir en toute sérénité et d’investir sur le long terme.
Accor développe de plus en plus d’initiatives locales et de partenariats publics-privés autour de l’art ou de la formation professionnelle. Quelle est la philosophie derrière cette stratégie ?

Nous partons d’une conviction forte : un voyageur qui vient d’Europe ou d’Amérique du Nord ne souhaite pas retrouver, à Abidjan, à Dakar ou à Nairobi, ce qu’il connaît déjà. Il vient pour découvrir la culture, la richesse, l’authenticité du pays. C’est pourquoi nous investissons aux côtés d’artistes locaux dans plusieurs pays : Côte d’Ivoire, Sénégal, Bénin, RDC, Kenya, etc. Nos hôtels ne sont pas de simples lieux d’hébergement. Nous voulons en faire de véritables lieux de vie. Il est important que nos clients puissent découvrir une exposition d’art contemporain, assister à un concert de jeunes artistes ou goûter à des spécialités locales comme le fameux Thiéboudienne Sénégalais ou l’incontournable poisson braisé Ivoirien. C’est aussi cela l’hospitalité selon Accor : valoriser les cultures locales à toutes les étapes de l’expérience client.
Et côté formation ?
La même logique s’applique : nous avons vocation à former et faire grandir des talents locaux. Plus de 95 % de nos collaborateurs en Afrique subsaharienne sont issus des pays dans lesquels nous opérons. Pour y parvenir, il faut investir dans la formation, dès le départ. C’est tout le sens du partenariat que nous avons signé ici en Côte d’Ivoire avec le ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, ainsi qu’avec le ministère du Tourisme. Ces partenariats nous permettent d’accueillir chaque année de nombreux stagiaires. Et chez nous, un stage est un vrai stage, pas une mission de machine à café. Nous considérons nos stagiaires comme les talents de demain. Ceux qui font un bon stage ont toutes les chances de rejoindre nos équipes. C’est aussi pour eux une porte d’entrée vers une carrière internationale.
Peut-on estimer le montant des investissements d’Accor en Afrique ?
Il est difficile de vous donner un montant global, car les investissements varient selon les hôtels et les pays. En revanche, je peux vous donner un chiffre significatif : chez Accor, nous consacrons 3 % de la masse salariale à la formation. Ce chiffre reflète notre engagement profond dans le développement des compétences, y compris en Afrique subsaharienne.
Focus Sénégal et Côte d’Ivoire
Le Mövenpick Saly est un projet emblématique du groupe. Quelle est sa singularité ?
Ce projet s’inscrit dans un lieu déjà iconique : l’ancien Lamantin Beach, que tout le monde connaît au Sénégal. Saly possède l’une des plus belles plages d’Afrique, et nous avons voulu y développer un resort capable de fonctionner à la fois comme destination de loisirs le week-end, et comme hôtel d’affaires en semaine. Grâce à la proximité de l’aéroport Blaise Diagne, à mi-chemin entre Dakar et Saly, cela devient une vraie réalité.
La société Kasada, après en avoir fait l’acquisition, en a confié la gestion à notre groupe. L’hôtel est actuellement en rénovation, mais déjà ouvert. Nous avons même introduit un concept novateur en Afrique : des houseboats, des chambres-bateaux installées dans la marina qui rencontrent un franc succès.
Comment Accor collabore-t-il avec les acteurs du tourisme pour redynamiser la Petite Côte?
Notre rôle est clair : nous sommes un opérateur hôtelier. Ce sont les propriétaires qui investissent et nous confient ensuite l’exploitation. En ce sens, nous pouvons jouer un rôle de catalyseur dans la redynamisation de destinations comme Saly, qui ont un potentiel énorme. Et si le modèle fonctionne, il peut s’étendre à l’ensemble de la Petite Côte.
Développement continental
Combien d’ouvertures sont prévues d’ici 2026 ?
Nous avons plusieurs projets en cours. À Abidjan, un Ibis Styles à Angré ouvrira en 2026. Le Mövenpick Palm Resort à Saly est prévu pour début 2027. D’autres ouvertures importantes incluent un Novotel nouvelle génération avec notre partenaire CHIC à Kolwezi, en République Démocratique du Congo, dans les prochaines semaines, ainsi qu’un Mövenpick à Kigali, au Rwanda, qui ouvrira à l’été 2025. Nous avons aussi des projets au Nigeria, notamment à Lagos avec un Ibis, un Novotel et un Pullman. L’Ibis de Lagos devrait ouvrir début 2026. Ce sont des projets très stratégiques pour nous.
Quelles sont les marques Accor les plus adaptées aux marchés d’Afrique subsaharienne ?
Historiquement, nous pensions que la gamme Ibis serait la plus adaptée. Et en effet, elle fonctionne bien, notamment avec le renouveau des Ibis Styles qui séduisent une clientèle plus jeune et plus urbaine. Mais ce sont les Novotel qui restent les plus performants : ce sont des marques très connues, capables de répondre à la fois à une demande business et loisir. Pullman s’adresse quant à lui à une clientèle en quête de services premium et de connectivité.
Enfin, Mövenpick, encore peu connu en Afrique il y a quelques années, monte en puissance. Nous avons aujourd’hui des établissements à Saly, Nairobi, Accra, Lagos, Windhoek et Abidjan. C’est une marque qui séduit de plus en plus, avec une identité artistique et culturelle forte.
Fidélisation et écosystème
Vous célébrez les 100 millions de membres du programme ALL Accor. Quels sont les piliers de votre écosystème de fidélité en Afrique de l’Ouest ?
Le programme ALL – Accor est un pilier stratégique pour nous. Il s’adresse historiquement aux clients individuels, et nous venons de franchir la barre symbolique des 100 millions de membres dans le monde. Mais nous avons aussi développé des déclinaisons spécifiques pour nos partenaires B2B, notamment les meeting planners, avec un programme dédié.
Ce programme permet de cumuler des points pour des séjours, mais aussi pour des expériences uniques : assister à un match au Stade de France, un concert à l’Olympia, ou encore un événement culturel à Rabat ou Abidjan. Ici, nous collaborons aussi avec des partenaires comme Nespresso, Corsair, Pathé, etc.
Les avantages du programme sont nombreux : meilleurs tarifs garantis (-10 % par rapport aux plateformes de réservation), conciergerie dédiée dès le statut Platinium, et même garantie de réservation à 24h pour les membres Diamond Limitless.
Propos recueillis
par Issouf Kamagaté, Abidjan