Par prof Amath Ndiaye, économiste Université Cheikh Anta Diop de Dakar
La Côte d’Ivoire a affiché, ces dernières années, des résultats économiques spectaculaires qui contredisent tous les arguments politico-idéologiques portés contre le Franc CFA. Il suffit de comparer ses performances économiques à celles du Ghana et du Nigéria, avec qui elle partage la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Il est important de noter que, grâce à son dynamisme, elle est devenue, depuis 2023, la deuxième économie de la CEDEAO, derrière le Nigeria et devant le Ghana.
Taux de croissance élevés et faible inflation
La Côte d’Ivoire a enregistré des taux de croissance économique largement au-dessus de la moyenne africaine. Ci-dessous, le graphique représentant l’évolution du taux de croissance du PIB pour la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria de 2013 à 2023. Vous pouvez y voir les tendances et variations pour chaque pays.
Source : WDI Banque Mondiale
Les moyennes des taux de croissance du PIB sur la période 2013-2023 sont :
· Côte d’Ivoire : 6,69 %
· Ghana : 4,4 %
· Nigeria : 2,44 %
Les chiffres se passent de commentaires (il n’y a pas photo comme dit Yao !).
En regardant de plus près le graphique ci-après, l’on se rend compte que le revenu par tête de la Côte d’Ivoire est en hausse et a dépassé ceux du Nigéria et du Ghana depuis 2021, alors qu’elle était derrière eux en 2013. Le revenu par tête du Nigéria est en déclin durant la dernière décennie et celui du Ghana a tendance à stagner.
Source : WDI Banque Mondiale
L’inflation en Côte d’Ivoire est parmi les plus bas du continent pour ne pas dire du Monde. Sur la période 2013-2023, elle est en moyenne de 1,9% pour la Côte d’Ivoire et respectivement de 16% et 14% pour le Ghana et le Nigéria.
Source : calculs de l’auteur à partir de WDI Banque Mondiale
Une économie en bonne voie de transformation structurelle
Ces bonnes performances économiques, la Côte les doit à son processus de transformation industrielle de ses matières premières qu’elle ne se contente plus d’exporter à l’état brut.
En tant que premier producteur mondial de cacao et premier producteur africain de noix de cajou, le pays s’efforce d’accroître la transformation locale afin de maximiser la valeur ajoutée et de créer des emplois.
Traditionnellement, la Côte d’Ivoire exporte la majorité de son cacao sous forme de fèves brutes, laissant aux industries étrangères le soin de la transformation en chocolat et en produits dérivés. Cependant, le gouvernement ivoirien a mis en place plusieurs initiatives pour accroître la transformation locale. En conséquence, la part de cacao transformée localement a augmenté ces dernières années, atteignant environ 35% en 2022.
Elle est le premier producteur africain et le deuxième mondial d’anacarde. Longtemps, les noix étaient majoritairement exportées brutes vers l’Inde et le Vietnam pour être décortiquées. Afin d’inverser cette tendance des investissements dans des unités de transformation ont permis de multiplier le nombre d’usines locales. Ce qui a permis d’atteindre environ 20% de transformation locale.
Autrefois grand producteur de café, la Côte d’Ivoire cherche à relancer la filière en favorisant la transformation locale. Des entreprises locales comme Couma Coffee et Tosca Café torréfient et emballent du café prêt à la consommation.
Le pays est un producteur de coton, mais la majorité des fibres étaient exportées brutes. Des initiatives visent à développer l’industrie textile locale et la confection de vêtements « Made in Côte d’Ivoire ». La création en 2014 de la zone industrielle PK24 à Abidjan devrait stimuler la production locale de tissus et vêtements.
La Côte d’Ivoire est l’un des principaux producteurs d’huile de palme en Afrique. Des entreprises comme PALMCI et SANIA (filiale du groupe SIFCA) transforment l’huile brute en produits finis comme du savon, de la margarine et de l’huile raffinée. La production locale alimente aussi l’industrie cosmétique et agroalimentaire.
Le manioc est transformé en attiéké, un mets traditionnel largement consommé et désormais exporté. Des industries développent des produits dérivés comme la farine de manioc, les biscuits à base de manioc et l’alcool de manioc (koutoukou).
La Côte d’Ivoire est le premier producteur africain de caoutchouc naturel. Au lieu d’exporter uniquement du latex brut, des entreprises comme SAPH et SIFCA produisent du caoutchouc semi-fini pour l’industrie automobile et manufacturière.
Ces initiatives montrent une volonté d’ajouter de la valeur aux matières premières locales et de stimuler l’économie ivoirienne.
Une stabilité monétaire base du progrès économique
En effet, tous ces bons résultats économiques ont été favorisés par stabilité monétaire contrairement au Ghana et au Nigéria qui connaissent de fortes volatilités et dépréciations monétaires. Sur la période 2010-2023, Il apparait clairement sur le graphique ci-dessous que le Naira du Nigéria a perdu 64% de sa valeur, le Cedi du Ghana 76%. Le CFA (Côte d’Ivoire) , grâce à son ancrage à l’Euro, ne s’est déprécié que de 21%.
Source : WDI Banque Mondiale
Source : calculs de l’auteur d’après les données WDI Banque Mondiale
En approfondissant l’analyse, l’on se rend compte que les régimes de change flexibles du Nigéria et du Ghana ne leur ont pas permis de redresser leurs balances commerciales qui restent structurellement déficitaires sur la période. Tandis que celle de la Côte d’Ivoire, avec son régime de change fixe, reste structurellement excédentaire. Comme quoi un régime de change flexible n’engendre pas automatiquement une compétitivité structurelle de l’économie.
Source : calculs de l’auteur à partir des données de WDI Banque Mondiale
Par ailleurs, l’analyse révèle que la création monétaire en Côte d’Ivoire a été plus dynamique que chez ces deux voisins, comme en attestent les données sur les crédits à l’économie accordés par les banques. Ces données contredisent toutes les thèses soutenant que le CFA et son régime de change fixe freinent la création monétaire.
Source : WDI Banque Mondiale
En conclusion, nous dirons que le franc CFA n’a pas été un handicap à la croissance économique de la Côte d’Ivoire, sur la période 2013-2023, loin s’en faut. Grâce au franc CFA et son régime de change fixe la Côte d’Ivoire a connu une stabilité monétaire et une inflation faible ; ce qui a protégé le pouvoir d’achat et encouragé les investissements.
Grâce à cette stabilité monétaire, la Côte d’Ivoire est perçue comme un environnement plus sûr pour les investissements directs étrangers (IDE).Le pays attire des capitaux pour des infrastructures, l’agriculture et l’industrie. La transformation structurelle de l’économie est en bonne voie.
A propos de Pr Amath NDiaye, FASEG-UCAD
Prof. Amath Ndiaye est un éminent économiste sénégalais, titulaire d’un Doctorat d’État en Sciences Économiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (2001) et d’un Doctorat de 3e cycle en Économie du Développement de l’Université de Grenoble, France (1987). Depuis 1987, il enseigne à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Expert reconnu, il a collaboré avec des institutions prestigieuses telles que la Banque Africaine de Développement, la Banque Mondiale, et le FMI, se spécialisant notamment dans les domaines des taux de change, de la croissance économique, et du développement institutionnel. Il était expert-membre du comité de pilotage de la Commission de l’Union Africaine pour la Création de la Banque Centrale Africaine.. Prof. Ndiaye est l’auteur de nombreuses publications influentes, notamment sur les régimes de change et la croissance économique en Afrique de l’Ouest. Trilingue, il maîtrise le wolof, le français et l’anglais.
4 commentaires
Ce n’est pas que le garrot qui vous tient aux pieds soit sans effet parce qu’on court plus vite que certains concurrents.. en enlevant ce garrot on retrouvera encore plus d’élégance et de vivacité pour aller encore plus vite. Le fcfa est un impôt dangereux qui compromet dangereusement la marche des pays qui en sont utilisateurs..
On ne nous a pas dit que la Côte d’Ivoire pouvait engranger plus que ce qu’elle gagne !
Vous n’êtes que des imbéciles vous les Ivoiriens. Aller jusqu’à dire que le FCFA n’est pas un problème, il faut être fou pour dire une chose pareille.
Dans la zone CFA si c’est la Côte d’Ivoire seul qui est Prosper, sais que c’est une échec, depuis 1960 c’est en 2023 que l’économie de la Côte d’Ivoire dépasse le Ghana??? Prenez les gens au sérieux