Par Florent GBONGUE,
Les actuaires sont unanimes sur la contribution de la courbe des taux sans risque dans le développement de l’assurance. Pour preuve, le passage de Solvabilité I à Solvabilité II dans la zone EURO, en est une illustration1 . Dans la littérature, nous rencontrons deux courants de pensées : la méthode actuarielle traditionnelle et la méthode « Fair Value ».
LA METHODE ACTUARIELLE TRADITIONNELLE
Dans l’approche actuarielle traditionnelle, les actuaires utilisent un taux d’actualisation fixe pour leurs calculs2 . En pratique, ce taux est égal au taux de rendement des actifs sur le long terme. Ainsi, nous comprenons que chaque compagnie peut disposer d’un taux d’actualisation unique, dépendant de la performance de ses actifs financiers3 .
Si cette approche a comme objectif principal la stabilité du taux de cotisation et du ratio de solvabilité au cours du temps, en revanche, la prudence est généralement prise en compte par un ajustement à la baisse subjective de ce taux (cf. KORTLEVE et al. [2006]). Dans ce contexte, il n’existe pas de lien direct entre la solvabilité de la compagnie et les marchés financiers. Plus récemment, cette approche fut critiquée par de nombreux auteurs (cf. EXLEY et al. [1997], CHAPMAN et al. [2001], BADER et GOLD [2002]) car elle n’est pas en adéquation avec les nouvelles règles internationales4 de comptabilité et de surveillance, qui prônent une transparence accrue via la communication financière, basée sur les principes de « juste valeur5 ».
Si cette approche a comme objectif principal la stabilité du taux de cotisation et du ratio de solvabilité au cours du temps, en revanche, la prudence est généralement prise en compte par un ajustement à la baisse subjective de ce taux (cf. KORTLEVE et al. [2006]). Dans ce contexte, il n’existe pas de lien direct entre la solvabilité de la compagnie et les marchés financiers. Plus récemment, cette approche fut critiquée par de nombreux auteurs (cf. EXLEY et al. [1997], CHAPMAN et al. [2001], BADER et GOLD [2002]) car elle n’est pas en adéquation avec les nouvelles règles internationales4 de comptabilité et de surveillance, qui prônent une transparence accrue via la communication financière, basée sur les principes de « juste valeur5 ».
LA METHODE «JUSTE VALEUR»
L’introduction récente du concept «juste valeur / Fair Value» ou «valeur de marché / Market Valuation» a changé les habitudes6 . Ce choix stratégique a permis d’harmoniser les pratiques7 des compagnies d’assurance de la zone EURO, en vue d’une surveillance améliorée du secteur. Le concept de «juste valeur» implique que le passif actuariel peut être assimilé à un contrat financier. Autrement dit, la valeur du passif peut être valorisée comme une obligation. L’approche «juste valeur» repose sur des méthodes de la théorie financière et des techniques en vigueur sur les marchés financiers.
En assurance, si l’objectif principal est de faire une analyse plus fine de la solvabilité et des risques inhérents en vue du respect des engagements pris, en revanche, l’inconvénient de la méthode «juste valeur» réside dans la volatilité des marchés financiers. Dans ce contexte, l’approche «juste valeur» peut induire une volatilité dans la valeur des passifs ou des actifs sous gestion. Cette situation s’explique par le fait que, dans l’évaluation du passif8 , le taux d’actualisation est remplacé par une courbe des taux nominaux ou réels9 . En outre, l’avantage de cette En outre, l’avantage de cette approche réside dans la mise en place d’une politique de placement10 cohérente basée sur un adossement des flux actif / passif11 .
APPORT DE LA COURBE DES TAUX AU DEVELOPPEMENT DE L’ASSURANCE DANS LA ZONE CIMA
Si l’approche actuarielle traditionnelle est appliquée dans la zone CIMA au regard de l’utilisation d’un taux d’actualisation fixé { 3,5% par le régulateur, en revanche, l’utilisation de la courbe des taux sans risque participera au développement de l’assurance dans cette zone12. En effet, elle permettra d’introduire le concept de « FAIR VALUE » ou de « juste valeur » dans le pilotage technique des compagnies d’assurance de la zone CIMA, améliorant ainsi les pratiques en terme de tarification, de provisionnement et de gestion actif-passif (cf. GBONGUE et PLANCHET [2017]). Notons que la juste valeur est une pratique recommandée par les règles comptables internationales (IFRS / IAS, etc.) et de surveillance (Bâle II, Solvabilité II). Par conséquent, la courbe des taux est utile pour les assureurs de la zone CIMA car elle participera à la convergence rapide du dispositif prudentiel actuel vers le dispositif Solvabilité II13 . Autrement dit, elle constituera un outil actuariel, soutenant14 le passage progressif15 du dispositif de solvabilité de la CIMA vers le nouveau dispositif Solvabilité II, en vigueur dans l’union européenne.
CONCLUSION
La courbe des taux est un véritable outil au service de l’émergence de l’assurance et présente des avantages pour les pays de la zone CIMA. Comme dans les pays développés, le développement de l’assurance en zone CIMA16 entrainera de profondes mutations sur le long terme, notamment dans le pilotage technique de l’activité d’assurance. Ces mutations devront être accompagnées d’outils techniques et opérationnelles17 qui soutiendront la mise en place de ses réformes. A la lecture de l’expérience européenne, nous pensons que la courbe des taux, est un outil important du dispositif prudentiel de solvabilité en ce sens qu’elle contribue { la stabilité du secteur de l’assurance, leur offre une opportunité de pilotage technique de leurs activités et constitue un outil technique et opérationnel, participant à la convergence du dispositif prudentiel actuel vers le dispositif prudentiel Solvabilité II. Par conséquent, nous proposons son utilisation par les assureurs de la zone CIMA.
Ces mutations devront être accompagnées d’outils techniques et opérationnelles17 qui soutiendront la mise en place de ses réformes. A la lecture de l’expérience européenne, nous pensons que la courbe des taux, est un outil important du dispositif prudentiel de solvabilité en ce sens qu’elle contribue { la stabilité du secteur de l’assurance, leur offre une opportunité de pilotage technique de leurs activités et constitue un outil technique et opérationnel, participant à la convergence du dispositif prudentiel actuel vers le dispositif prudentiel Solvabilité II. Par conséquent, nous proposons son utilisation par les assureurs de la zone CIMA
Florent GBONGUE est actuaire & Risk-Manager et docteur en Actuariat de l’Université de Lyon.
1 -Ce changement de dispositif prudentiel permet d’améliorer la solvabilité des compagnies d’assurance et l’utilisation d’une courbe des taux est un élément important de ce dispositif.
2 -Par exemple, pour évaluer leur passif.
3 -Cette pratique ne tient pas compte des questions comptables et d’évaluation.
4 -Nous faisons référence aux normes IFRS, aux dispositifs Bâle II et III et Solvabilité II.
5- En anglais, le terme « Fair Value » est utilisé.
6-De nos jours, les associations des actuaires recommandent l’utilisation d’une courbe des taux pour estimer la valeur présente d’un flux financier.
7 -Nous faisons référence aux pratiques comptables, de solvabilité, etc.
8 -La stratégie gestion actif-passif se base sur la valeur du passif.
9 -Le choix entre taux nominaux ou réels dépend de la prise en compte ou non de l’inflation dans l’évaluation des engagements.
10- C’est la gestion actif-passif
11 -L’adossement actif / passif est possible en ce sens que les actifs et le passif sont évalués de façon égale.
12- Immédiatement, nous avons vu qu’elle peut être utilisée par les assureurs de la zone CIMA pour estimer la valeur économique de leur passif et optimiser leur politique d’investissement
13 -Solvabilité 2 recommande aux assureurs vie d’évaluer leurs engagements via une courbe des taux pertinente.
14 -Immédiatement ou sur le moyen et long terme
15 -Ce passage progressif doit s’accompagner d’outils techniques et la courbe des taux est l’un de ses outils.
16- Cette mutation profonde de l’assurance sera inévitable.
-17 Il s’agit des taux d’intérêt et des tables de mortalité (cf. KAMEGA et PLANCHET [2011] dans le contexte de la mortalité dans la zone CIMA).
BIBLIOGRAPHIE
ANDERSON A.W. (1992) « Pension Mathematics for Actuaries », Actex Publications. BOWERS N.L., GERBER H.U., HICKMAN J.C., JONES D.A., NESBITT C.J. (1996), Actuarial Mathematics, second ed., Society of Actuaries, Schaumburg, IL. Cairns A.J.G. (1997) « Descriptive Bond-Yield and Forward-Rate models for the british government securities market», Institute of actuaries. Dert C. (1995) « Asset Liability Management for Pension Funds », PhD thesis, Netherlands. Faleh A., Planchet F., Rulliere D. « Allocation stratégique d’actifs et ALM pour les régimes de retraite », ISFA, Thesis Gbongué, F. (2015e) « Un modèle de projection des taux sans risque dans la zone CIPRES ». Financial Afrik. Gbongué, F., Planchet, F. (2015f) « Analyse comparative des modèles de construction d’une courbe des taux sans risque dans la zone CIPRES». Bulletin Français d’actuariat (BFA), Vol 15 n°30, pp 129-168. Gbongué, F., (2017) « Outils actuariels adaptés au pilotage technique des risques en Afrique subsaharienne francophone – Application aux régimes de retraite ». Thèse de doctorat, IFSA. Sous la supervision de Planchet, F. Martellini L. (2006) « Managing Pension Assets: from Surplus Optimization to Liability-Driven Investment », EDHEC Risk and Asset Management Research Centre. Nelson C.R., Siegel A.F. (1987) « Parsimonious modelling of yield curves », Journal of Business, 60, 473-489. Svensson. L.E.O (1994) « Estimating and interpreting forward interest rates: Sweden 1992-1994 », International monetary fund, IMF Working Paper, 1994/114.