Par Maria Nadolu, Bucarest.
…30h30: «Bonne nuit» dit-il, et il disparut dans la jungle de Malaisie …
Tout en tournant autour du monde en mode jet set, entre Paris, New York, Bangkok, et Casablanca, un leitmotive revient. Plusieurs fois, en écoutant les histoires de mes voyages, les sourcils se levèrent, en me demandant ironiquement: «es-tu une espionne?» Si cela vous est arrivé aussi, vous pourriez être familièr(e)s avec la sensation: entre l’éblouissement du moment et l’éternel appétit pour le mystère, inspirant des histoires fantastiques. En réalité, je ne suis qu’un mortel ordinaire, et je ne sert aucune cause secrète, mais j’aime laisser le suspens trainer pendant deux secondes avant de me confesser. Si ces deux secondes peuvent se dilater, et apparemment des fois elles le peuvent, il suffit de projeter l’interlocuteur dans Story-Land où même moi, je peux être une espionne. Si je serais une espionne, j’aimerai être la version féminine de Jim Thompson (James Harrison Wilson Thompson), et avoir un super plan pour re-booster un des anciens héritages de l’Afrique.
Son histoire est assez édifiant; spécialement dans un moment où nous sommes en train de revisiter les valeurs politiques et sociales de nos mondes. Jim, enfant terrible de la génération américaine de la «belle époque», est né le 21 mars 1906 dans une famille de riches fabricants de textiles. Il fut diplômé de l’Université de Princeton en 1928. Au cours des années 30, il a pratiqué l’architecture à New York avec Holden, McLaughlin & Associés, faisant le design d’élégantes résidences pour les élites de East Coast ; avec une vie sociale brillante dans les années 1930, il fut même admis au conseil d’administration du Ballet Russe de Monte-Carlo.
En 1941, il quitte son emploi et se fait enrôler avec le régiment de la garde nationale du Delaware. Il est devenu offcier commandant peu de temps après l’attaque japonaise contre Pearl Harbor. Au milieu de la Seconde Guerre mondiale, Thompson a été recruté pour servir au Bureau des services stratégiques. Après des missions en Afrique du Nord, en Europe et au Sri Lanka, il est arrivé en Thaïlande peu de temps après la capitulation du Japon et a organisé le bureau d’intelligence Office of Strategic Services de Bangkok. Il a quitté officiellement l’armée en 1946, mais est resté à Bangkok ou il s’est lancé dans le monde des affaires. Il s’est avéré être non seulement un bon stratège et connaisseur des informations militaires ; mais aussi un n connaisseur de patterns culturels et de la soie. Étant fasciné par la soie tissée à la main, il s’est engagé à la faire sortir des maisons thaïlandaises, où elle reste une affaire presque domestique, et la promouvoir au niveau international, à travers ses réseaux, sur la scène de la mode à New York, à Londres et à Paris. On dit que son succès vient justement du fait qu’il n’était pas un homme d’affaires de formation classique. La légende dit que grâce à son tempérament, il aurait pu prendre plusieurs coups dramatiques et s’y remettre à plein enthousiasme.
Aujourd’hui on reconnait sa contribution à la création d’une nouvelle page de la modernisation de Thaïlande et de sa promotion internationale. En 1948, il s’est associé à George Barrie pour fonder la ai Silk Company, qui jusqu’à aujourd’hui est une référence respectable dans la production de soie. A l’époque de la création de l’entreprise, l’artisanat de soie était bien répandu en aïlande selon Bill Klausner, président de la Fondation Jim omspon, une maison sur deux avait un métier à tisser, mais la production restait locale, et son potentiel commercial limité.
Saisissant un besoin sur le marché international de textiles qui était en manque de soie, Jim s’est jeté dans un processus de reconfiguration du potentiel de cet artisanat, avec tout l’enthousiasme d’un entrepreneur passionné. Cr fut un coup de génie que de comprendre la dynamique culturelle du pays, et effectivement organiser la production sur un système basé sur le travail à domicile ; cela a déterminé un changement social et économique, amenant des milliers de personnes défavorisées hors de la pauvreté. Des dizaines et centaines des femmes sont devenues tisseuses de l’entreprise, tout en conservant leur rôle au sein du foyer et pouvant soutenir financièrement leurs familles. Thai Silk Company n’ a abandonné le tissage à domicile en faveur des usines qu’au début des années 1970, après la mort de Jim.
En plus, Jim s’est impliqué activement au niveau de la création des designs, et c’est là où on reconnait sa signature incontestable. Jim avait un goût chromatique impressionnant et s’en est imprégné pour revisiter les couleurs et les motifs traditionnels d’une manière surprenante et rafraichissante, qui interpelait l’esthétique occidentale; il a aussi innové par rapport aux dimensions. A la base , on n’utilisait la soie que pour faire de petites pièces, plutôt des ornements ; lui, il est intervenu en créant des grand formats, des tissus de plus de 40 m. La manière avec laquelle laquelle il approcha le style, le design et la couleur fit le succès international de l’affaire, commentait en 2010 Gerald W. Pierce, Design Director de Thai Silk Company.
Personnalité polyvalente, avec un talent inné du marketing, Jim s’est lancé activement dans la promotion de ses tissus. Selon ceux qui ont travaillé avec lui, il a vécu l’expérience pleinement: une de ses agents de vente raconte qu’un jour il s’est même aventuré
sur le dock à l’heure de l’arrivée de la première croisière à Bangkok, en chantant un hit pop des années 60s: «I’m the piped pieper» pour attirer les voyageurs. L’établissement a reçu une touche de Hollywood glam et a augmenté considérablement son chiffre d’affaires dès 1951 lorsque la designer Irene Shara a utilisé ses tissus pour le musical de Rogers et Hammerstein « The King and I ».
Gracieux, urbain, charmant, cosmopolite, il avait lui-même l’aura d’un personnage de Hollywood, rayonnant dans des jardins tropicaux en tant qu’amphitryon parfait des personnages historiques et du beau monde passant par Bangkok. Raffiné collectionneur d’œuvres d’art, il s’était entouré des pièces de monnaie chinoises bleues et blanches chinoises, du verre belge, des sculptures cambodgiennes, des lustres victoriens, des faïences Benjarong, des sculptures en pierre thaïlandaises, des statues birmanes. Il habitait une maison paradis à Bangkok, une sorte de puzzle faite en remontant six anciennes maisons thaïlandaises dans un complexe discret, au milieu d’un luxueux jardin aux orchidées et aux palmiers. Sa maison, appréciée comme une mise en scène, fut faite pour recevoir, plein de vie, des cocktails et des extensions de sa vision et de ses rêves, elle est devenue le centre de la vie sociale et culturelle ; parmi ses invités, les Fords, Truman Capote, Grace Kelly, Liz Taylor, Sophia Lauren, les Kennedy.
Le 27 mars 1967, pendant une visite en Malaisie Jim Thompson a disparu, et ni même aujourd’hui, 50 ans plus tard, on n’a pas réussi à résoudre le mystère ; un après-midi de Pâques, il a inexplicablement disparu à l’heure de sa promenade dans la jungle, où il allait cherchez des orchidées sauvages. Même si ses proches était sûrs que ce n’était que l’un de ses épisodes épiques, et qu’il apparaitra comme si de rien n’était. Jim n’est jamais revenu. En dépit des recherches des polices malaisienne et thaïlandaise, du FBI, de la CIA, des passionnés qui s’aventurent à la recherche des traces et évidences, aucune certitude n’a été révélée dans les années suivantes.
A Bangkok, on célèbre toujours le jour de sa naissance; on parle de lui avec plein d’affection et respect, tout en reconnaissant sa valeur humaine, son caractère charismatique et sa contribution au développement social et esthétique de la Thaïlande. L’industrie de soie a continué à se développer suite à sa disparition ; à la fin des années 60, il y avait déjà 50 entreprises produisant de la soie et son entreprise reste toujours un leader, employant à peu près 3000 personnes. Sa maison, fut convertie en musée ; aujourd’hui il y en aussi un centre d’art; et les boutiques Jim Thomspon. Une touche de mystère reste en l’air, comme unefl eur d’orchidée qui s’ouvre à l’aube.
’origine roumaine et citoyenne du monde, Maria Nadolu parcourt la vaste terre et consigne dans ses carnets des histoires sans clichés et sans fards qui sortent souvent de l’ordinaire et renvoient à cette humanité que nous avons en partage. Maria Nodolu travaille notamment dans la communication, l’événementiel et les projets économiques à caractère culturel. Elle est intervenu dans ce qui n’était alors que « le projet Financial Afrik » et, à ce titre, a participé à la promotion du support auprès d’un public qualifié au Maroc, en Europe et dans le monde en général. Africanophile naturelle, Maria Nadolu milite pour une nouvelle Afrique et un nouveau monde où le juste prix dans les échanges remplacerait l’aide et les dons.