Au Togo, politique et affaires ne font toujours pas marche commune. Et Alberto Olympio, ex-PDG d’Axxend Corporation et opposant togolais l’aurait peut-être appris à ses dépens.
L’affaire a fait grand bruit dans les couloirs politiques et judiciaires du Togo. Alberto Olympio, leader du Parti des Togolais, une formation de l’opposition et ex-PDG d’Axxend Corporation, une start-up spécialisée dans l’ingénierie informatique basée à l’Iles Maurice, fait depuis février 2015, l’expérience de la justice togolaise, à la faveur d’une plainte d’un des ses partenaires, en l’occurrence, Cauris Management, entré au capital de la société depuis 2013.
Aux termes de la plainte déposée contre le concerné, il lui est reproché, entre autres accusations, d’avoir à Lomé et à Abidjan, en sa qualité d‘administrateur de Axxend Corporation Maurice, « frauduleusement » disposé de la somme de 6 milliards de FCFA au mépris des statuts de la société, et d’avoir obtenu d’un organisme de crédit privé (Fonds Cauris Croissance II), un crédit dont l’usage serait autre que celui déclaré.
En outre, on accuse Alberto Olympio – mis en examen le 25 février 2015 – d’avoir contrefait et falsifié «un acte privé ou un document bancaire ou de commerce contenant reconnaissance, contre obligation ou décharge, en l’espèce un relevé bancaire avec la circonstance que le faux a été commis par un professionnel dans l’exercice de ses fonctions».
Après enquêtes menées par l’appareil judiciaire togolais, un procès est prévu pour le 17 août prochain à Lomé au grand dam de son conseil. Et pourquoi ?
Au commencement était une entrée au capital
Le dossier remonte en mai 2013, lorsque le fonds Cauris Croissance Limited II, géré par Cauris Management, la société ouest africaine de gestion de fonds de capital-investissement, investit dans Axxend Corporation, un montant de 5 millions d’euros (3,3 milliards F CFA) afin de financer la première étape de son programme de développement. Ainsi devient-il l’un des principaux actionnaires de la société qui était en pleine expansion sur le continent, avec 20 millions d’euros de chiffre d’affaires.
En février 2015, une procédure pénale a été diligentée contre la personne d’Alberto Olympio, fondateur et président directeur général d’Axxend depuis sa création en novembre 2009 jusqu’en juillet 2014, époque à laquelle l’intéressé se jette dans le landerneau politique togolais, avec son « parti des Togolais ». La plainte porte les griffes de Cauris Management (dirigé par le Togolais Noël Eklo) qui a porté en justice une affaire de remboursement d’une somme de 2 millions d’euros.
« Il ne faut pas oublier que je n’ai pris aucun crédit chez personne », a-t-il indiqué en mars 2015 dans une interview accordée à Golfe Info, un journal local. « C’est une affaire commerciale entre une société et une autre. Elle ne concerne pas Alberto Olympio en tant qu’individu. C’est Axxend qui a signé un contrat avec une autre société. En principe, le remboursement de ces frais sera fait par la société, et non Alberto Olympio, qui n’a rien à y avoir personnellement ».
Terrain d’entente
Contraint d’abandonner le management de sa société après son entrée en politique, l’accusé avait indiqué à la même occasion que « c’est dans ce cadre que Axxend et Cauris sont en négociation pour voir comment faire rembourser. En principe, c’est un contrat sur 5 ans, remboursable sur ces 5 années. Nous ne sommes même pas à deux ans de l’échéance, et on le réclame parce que j’ai commencé la politique. Peut-être, mais ça n’a rien à voir avec ça. (…) De toutes les façons, ce n’est pas à Alberto de rembourser un franc. C’est la société Axxend, et on va continuer les négociations pour trouver un terrain d’entente ».
A noter que juste avant le début de ce feuilleton, le nouvel engagé en politique – et premier candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2015 à laquelle il n’a pas participé – exigeait l’audit du fichier électoral. « Mon seul crime à l’heure actuelle est d’avoir refusé de me compromettre avec l’adversaire politique, en faisant le choix de la facilité du « gouverner ensemble » , de refuser de trahir la confiance des militants en participant à un simulacre de scrutin et d’exiger que le faisceau de lumière soit activé sur les laboratoires de la CENI (Commission électorale nationale indépendante, Ndlr) », avait-t-il indiqué sur sa page facebook.
Tant bien que son conseil affirme ne pas vouloir politiser l’affaire, « sur sa demande ».
« Ennuis judiciaires »
Le procès prévu le 17 août 2016 n’est pas du goût du conseil qui dénonce des accusations dénudées de tout fondement. Me Celestin Agbogan parle de « graves anomalies constatées dans le dossier ».
En effet, explique-t-il, « le 11 mars 2015, nous avons déposé au dossier du juge d’instruction chargé du deuxième cabinet, en charge du dossier, un mémoire aux fins de non-lieu. Après près d’un an d’enquête, le dossier fut transmis au parquet courant décembre 2015 pour ses réquisitions. Le cinquième substitut du procureur à qui le dossier a été confié pour ces diligences, a pris un réquisitoire définitif de non-lieu daté du 11 Janvier 2016 (…) ».
En avril et mai derniers, indique Me Agbogan, le réquisitoire définitif de non-lieu a été substitué par « un nouveau réquisitoire signé cette fois-ci par le procureur lui-même et dont les conclusions ne correspondent en rien au réquisitoire définitif de non-lieu ».
Un réquisitoire daté du même jour que le premier, et que le juge d’instruction explique par un changement d’avis du parquet. « Ceci, alors qu’aucune élément nouveau n’ait été apporté au dossier de mon client pouvant justifier un prétendu changement d’avis », s’indigne l’avocat qui constate que « le contentieux qui nous opposait n’était plus d’ordre purement judiciaire, mais que l’on manœuvrait contre la réalité des faits pour causer des ennuis judiciaires à Alberto Olympio ». Une affaire à suivre.
Par Nephthali Messanh Ledy