Par Adama Wade
Les conditions sociales de l’indépendance algérienne, acquise chèrement le 5 juillet 1962, après 8 ans de guerre acharnée, ont imposé la ligne nationaliste arabe comme norme absolue dans les champs de la politique, de la diplomatie, de l’économie, de la culture (les kabyles sont arabisés) voire de la religion.
L’idéal révolutionnaire a engendré une frénésie successorale au Palais (Ben Bella, Boumedienne, Chadli, Zeroual, Boudiaf puis Bouteflika connaîtront diverses fortunes à la tête du pays) puis s’est cristallisé dans le champ de l’Economie.
Les diverses tentatives marxistes ou keynésiennes de développer l’Algérie ont accouché d’un droit des affaires poussant le législateur, à plusieurs reprises, à ériger la règle des 51/49 comme une digue de protection contre les investisseurs étrangers vus comme de nouveaux envahisseurs.
Dans les facultés des Sciences Économiques, il n’est pas rare que des professeurs relèvent l’effet pervers et inflationniste des IDE, du tourisme ou encore du crédit à la consommation. L’endettement public n’est pas encore admis par les apparatchiks soucieux de garder les manettes. Et à voir ce qui se passe en Grèce, l’on ne peut pas entièrement leur donner tort.
Reste que le consumérisme boulimique des générations héritières de la révolution et du butin de guerre que constitue, en paraphrasant Kateb Yacine, la langue française, risque fort de déséquilibrer les comptes publics. L’Algérie qui importe 95% de ses besoins alimentaires sera-t-elle forcée d’emprunter ?
Ce processus passera certainement par la notation, ce qui sera historique dans un pays où le marché de la dette, même privée, connaît des restrictions.
La méfiance des autorités vis-à-vis du système financier mondial et de la Bourse en particulier traduit bien cette attitude post-traumatique du pays d’un million de martyrs qui veut s’ouvrir au capitalisme sans perdre sa souveraineté.
Bref, la nation algérienne porte encore les stigmates des sacrifices qui lui ont permis de venir à bout du projet colonial. De cette guerre meurtrière, l’appareil de FLN puise encore sa légitimité, un peu comme l’ANC de Mandela ou le Zanu PF de Mugabè.
Mais jusqu’à quand durera ce désir compulsif d’encadrer l’espace public nourri par la frange conservatrice au pouvoir, les anciens combattants, les Moujahid et leurs héritiers ?
À Alger plus qu’ailleurs, l’idéal révolutionnaire restreint le champ des possibles et encourage plutôt les extrémismes politiques. N’est ce pas ce refus d’ouverture et cette gestion sécuritariste du pouvoir qui ont accéléré la métamorphose de l’islamisme militant style FIS (Front Islamique du Salut) des années 90 en salafisme combattant des années 2000 puis en AQMI des années 2010?