Le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé jeudi avoir repris sa coopération avec le Mali qui était suspendue depuis mai et l’achat d’un nouvel avion présidentiel pour 40 millions de dollars de dollars.
« Préoccupé » par cette acquisition du président malien Ibrahim Boubacar Keïta et par des contrats passés sans appels d’offres, le Fonds avait gelé son plan d’aide au pays en attendant un audit indépendant et le renforcement des procédures de marchés publics.
« Les autorités ont commencé à mettre en oeuvre ces mesures », a affirmé un porte-parole du FMI, Bill Murray, ajoutant que cela « ouvrait la voie » au dégel du plan d’aide au Mali, déstabilisé par une profonde crise politique et économique.
En décembre, le FMI avait accordé à Bamako une ligne de crédit de 46 millions de dollars dont le versement par tranches est conditionné à des audits trimestriels des comptes publics.
« Des équipes du FMI se trouvent actuellement à Bamako pour mener ces audits », a déclaré M. Murray lors d’une conférence de presse.
Si ces évaluations s’avèrent positives et si le FMI donne son feu vert, le Mali pourrait recevoir deux tranches de prêts combinés d’un montant total de 12 millions de dollars, selon des documents publiés sur le site du Fonds.
Le FMI avait déjà accordé deux aides d’urgence au Mali totalisant 33 millions de dollars en 2013.
L’affaire de l’avion du président Keïta, élu en août 2013, avait fait des vagues au Mali alors que le pays, l’un des plus pauvres du globe, se relevait doucement d’une longue période d’instabilité politique et d’une insurrection islamiste au nord.
AFP
6 commentaires
La dépêche de l’AFP prête à confusion.
– En fait, il n’y a jamais eu de rupture de coopération entre le Mali et le FMI. Donc on ne peut pas parler de reprise de coopération. Il y a eu effectivement la décision du FMI de suspendre le décaissement de l’appui budgétaire à l’Etat malien. Mais de cette date à aujourd’hui, les deux parties n’ont pas arrêté de travailler à aplanir les points d’incompréhension qui se résument à deux points essentiels : revoir le code de marchés publics en son article 8 (qui a été formulé en des termes indûment larges) et l’imputation dans le Budget d’Etat des dépenses incriminées (l’achat de l’avion présidentiel et du contrat d’achat du ministère de la Défense) avec affectation des ressources nécessaires à leur couverture. Et au-delà de leur imputation, se rassurer de la bonne moralité de leur engagement.
– Si la reprise de coopération fait aussi référence au dégel de l’appui budgétaire, cela n’est pas encore acquis. Même si l’optimisme semble être partagé par les deux parties. Une série d’audits a été demandée à la partie malienne (BVG) sur les dépenses sus visées et la mission du Fonds qui vient d’être dépêchée à Bamako dans le cadre de la deuxième revue 2014 du Programme triennal (FEC), procèdera certainement à un recoupement pour se rassurer de la bonne gouvernance des finances publiques au Mali. A la fin de la mission, l’équipe du Fonds ferra probablement une conférence de presse comme il est d’usage sauf si elle juge les conclusions de l’audit assez préoccupantes pour réserver la primeur de l’information à ses administrateurs. Et ce n’est qu’en décembre 2014 que le Mali sera situé définitivement sur son sort lors de la réunion du conseil d’administration du FMI sur les conclusions de la 1ère (elle n’a pas pu en statuer) et 2ème revues de la Facilité élargie de crédit (FEC). En ligne de mire 12 millions de dollars de décaissement attendus. Et l’enjeu va au-delà de cette somme modeste.
– Le label du FMI est indispensable aujourd’hui pour le Mali dont le financement de l’économie est principalement de source externe. C’est un gage de confiance pour les investisseurs et développeurs occidentaux.
– En vérité, cette situation est un avertissement sans frais pour nos gouvernants qui gèrent une économie très fragile et convalescente. Il faut donc rapidement développer des sources de financement alternatives (internes et externes) ou observer le statu quo en acceptant le diktat des institutions de Bretton Woods. Et je reviens encore une fois sur l’urgence de mettre en place la banque publique d’investissement (BPI) au Mali pour pallier aux limites du secteur bancaire classique et mobiliser l’épargne intérieure (qui n’est que de 5% pour le Mali, 14% pour l’UEMOA et 43% en Asie en 2013). Il y a suffisamment d’argent au Mali (de l’intérieur comme de la diaspora) pour assurer un développement inclusif, il faut juste créer les outils et instruments nécessaires pour mobiliser cette manne financière.
– Le Président IBK l’a compris. Au moins en partie, puisque sur le volet de la mobilisation interne les initiatives tardent. Il multiplie les déplacements à l’étranger pour élargir le périmètre des bailleurs de fonds et s’assurer d’une forme de résilience. Et bien l’a pris d’effectuer le voyage en Chine. Ce pays vient d’accorder un don, officiellement sans contrepartie, de 18 milliards de FCFA au Mali. Cela va certainement compter dans les ajustements et les arrondis des deux parties (FMI et Mali). Car comme le dit l’autre, rien ne peut régler le problème d’argent que l’argent.
Je suis convaincu que le chemin est encore long et difficile, mais le débat d’idées qui se vit aujourd’hui au Mali relayé par la société civile et les organes de presse finira par créer le « take off ».
Cheickna Bounajim Cissé
cbcisse@yahoo.fr
Cher monsieur Cissé
Nous vous remercions pour ces précisions salutaires. Maintenant que le FMI est disposé à remettre les pendules à l’heure et que la Chine a accordé un don « généreux » au Mali, observons bien ce qui va suivre. Quid de la Chine ou de l’Occident va gagner les marchés de la reconstruction du Mali. Bien sûr les entreprises africaines et maliennes se contenteront de grignoter dans la sous-traitance et les marchés annexes.
Modérateur
Merci pour vos précisions monsieur CISSE.
En dehors du débat sur la coopération Mali-FMI, vous avez souligné un point important, à savoir la création d’une BPI par la mobilisation des fonds maliens (intérieur du mali et diaspora). Pour la diaspora, je pense qu’il y a effectivement quelque chose à faire pour capter de manière plus efficiente ces flux. Maintenant comment s’y prendre pour mobiliser les fonds de l’intérieur du mali en sachant qu’une très grande partie de l’économie malienne (donc de la richesse créée) se fait dans le secteur informel, qu’une grande partie de la richesse est détenue par les commercants qui eux de fait au Mali ne sont pas connus comme étant des investisseurs, qu’il y a peu d’entreprises au Mali donc peu de salariés ce qui constitue une faible capacité d’épargne (en sachant que les niveaux de remuneration dans la fonction publique malienne ne permetent pas aux fonctionnaires d’epargner) et qu’une très large partie des entreprises au Mali doivent de près ou de loin leur survie à l’état (marchés public etc…) et sont donc systmétiquement sur le fil du rasoir etc…
Ne pensez vous pas que la structure de l’économie même du Mali rend tres dificile voir quasi impossible l’épargne et donc la mobisilisation des dits capitaux ?
cdt
Merci bien
Je vous remercie JBL de cet échange. Je vais vous faire partager mes récentes réflexions sur le modèle de développement le plus adapté au Mali.
Aucun développement durable ne peut s’amorcer en subventionnant la consommation (la demande). Si on reste sur le cas malien, la structure de la consommation fait ressortir une place prépondérante aux produits importés d’où un risque à créer des tensions inflationnistes et à aggraver le déficit de la balance commerciale.
Toute politique de soutien à la consommation serait très coûteuse pour les finances publiques et économiquement hasardeuse et inefficace. L’augmentation de nos importations de produits manufacturés serait au détriment de l’activité du tissu industriel local et de la création de l’emploi. En résumé, la théorie keynésienne qui consiste à faire de la consommation comme le facteur de stimulation de la croissance a toujours montré ses limites dans le monde, y compris en Occident qui l’a enfantée. Et d’ailleurs le modèle économique des pays émergents (y compris les BRIC) s’est écarté de ce chemin.
Ma conviction est plutôt d’agir sur l’offre, la renforcer et la diversifier. Et cela passe par la mise en place d’une véritable politique industrielle qui doit donner naissance à des « champions industriels » compétitifs et rentables. Et pour cela, il faut résoudre les préalables, en investissant massivement dans les infrastructures nécessaires au décollage industriel (eau, électricité, transport,…). Tenez ! La Banque Mondiale dans un rapport public a indiqué que si le Mali continuait sur son rythme actuel d’investissement, 50 autres années seront nécessaires pour atteindre les objectifs infrastructurels. (Source : mon livre « Les défis du Mali nouveau » publié chez Amazon et dont les extraits sont disponibles sur FA).
Pour revenir sur la composante « demande », il faut agir à accroître la capacité d’investissement des ménages (S=Y-C; S=I) et à créer les instruments et outils nécessaires à leur mobilisation. Sur ce point, l’idée de la création de la BPI que je soutiens depuis quelques années, dans mes écrits et dans mes prises de position, est incontournable. En tant que praticien bancaire, j’ai démontré suffisamment les limites du secteur bancaire classique à mobiliser l’épargne locale et sous-régionale et à financer correctement l’économie nationale. Deux chiffres: le taux de financement bancaire (rapporté au PIB) au Mali est de 21% (au Maroc il est de 90%. En Afrique du Sud, l’économie est surfinancée) et le taux de mobilisation de l’épargne intérieure est l’un des plus faibles au monde (5%). Or tous les économistes s’accordent qu’il faut un ratio min de 20 à 30% pour maintenir une croissance robuste et durable. Je fais observer que le taux est de 43% en Asie.
Par ailleurs, si on se réfère à la répartition sectorielle des crédits à l’économie, l’essentiel du financement bancaire au Mali est alloué au secteur du commerce général (achat et revente en l’état avec peu de création de valeur ajoutée) d’une part et concentré sur le fonctionnement (vs investissement) d’autre part. Le secteur minier (principalement l’or) qui représente les 3/4 de nos recettes d’exportation ne représentent que 7% du PIB. Pourquoi ? Parce que le financement (investissements et opérations d’exportation d’or) des sociétés minières échappe totalement au secteur bancaire local. Elles sont exclusivement financées par les banques étrangères. Et rien d’étonnant que les banques sud-africaines soient les premières en Afrique. C’est dire que le taux d’intégration du secteur minier est très faible et n’a donc pas d’effets d’entraînement sur le reste de l’économie.
Il faut donc agir sur la chaîne de valeurs, tout de suite et maintenant. Sinon la suite de la route actuelle est connue ….
Visitez votre assiette ce soir et vous verrez de quel côté se passe le développement: qui consomme ? qui produit ? Le plat qui vous sera servi (entrée, résistant et dessert) est constitué exclusivement de produits étrangers au détriment de ceux de nos paysans. Or j’ai suffisamment fait la démonstration que nos potentiels agricoles sont nettement supérieurs à ceux de ces puissances agricoles régionales. Si vous prenez l’exemple du Maroc, qui a mis en place un ambitieux et efficace « Plan Maroc Vert », ce pays ne dispose que de la moitié des terres arables du Mali et moins du quart de ses ressources en eau. Comment pouvez-vous comprendre que le Mali, promu depuis 1937 à être le grenier de l’Afrique de l’Ouest, ne soit même capable aujourd’hui à donner à boire (eau potable) et à manger (trois repas réguliers) à ses enfants ? Pourquoi avons-nous décidé de sacrifier le paysan malien à le condamner à la daba préhistorique et à l’indigence la plus répulsive ? Là, ce n’est pas une question à dissertation, c’est une interpellation des gouvernants et de nous les masses intellectuelles qui agissons au nom et pour le compte de nos vaillantes populations.
Demain sera un autre jour. Et si nous voulons qu’il soit radieux pour nous et nos enfants, il n’y a ni fatalité ni miracle !
Bonjour,
Comme je l’avais prévu dans mon premier post sur le sujet, la mission du FMI en fin de séjour au Mali a tenu une conférence de presse. Elle a été reçue aussi par les plus hautes autorités du pays.
Voici la teneur du communiqué officiel des services du Fonds.
La mission a été reçue en audience par le Président de la République, M. Ibrahim Boubacar Keïta, et a rencontré le Premier Ministre, M. Moussa Mara, le Ministre de l’Économie et des finances, Mme Bouaré Fily Sissoko, le Directeur national de la BCEAO, M. Konzo Traoré, le Président de la Cour suprême, M. Nouhoum Tapily, le Président de la Section des comptes de la Cour suprême, M. Kloussama Goita, le Vérificateur général, M. Amadou Touré, et des représentants de l’Assemblée nationale, de la société civile, des syndicats, du secteur privé et des partenaires techniques et financiers du Mali.
Au terme de la mission, M. Josz a rendu publique la déclaration suivante :
«En 2014, l’économie malienne renoue avec sa trajectoire de croissance normale, avec un produit intérieur brut (PIB) réel qui progresse de 5.8 %. En 2012, le taux de croissance avait été nul en raison de la crise sécuritaire et en 2013 il n’avait été que de 1,7 % par suite des mauvaises récoltes. L’inflation reste faible, se situant à 1 %, après un niveau de -0,6 % en 2013. Les projections pour 2015 misent sur une croissance réelle qui devrait se maintenir aux alentours de 5.5 %, et sur une inflation qui devrait rester nettement inférieure à l’objectif de 3 % de la banque centrale.
La mission est parvenue à un accord qui permettra de proposer la conclusion des première et deuxième revues du programme FEC. Ces revues seront soumises à l’approbation du Conseil d’administration du FMI en décembre 2014. Les problèmes relatifs aux dépenses extrabudgétaires — liées à un avion présidentiel et à un contrat militaire — qui avaient retardé la première revue, initialement programmée pour juin, ont été résolus.
Cette résolution s’est déclinée comme suit : publication des deux rapports indépendants d’audit sur ces transactions; communication relative aux processus de sanctions; correction de la surfacturation des contrats militaires; application de contrôles rigoureux aux futurs marchés militaires; et incorporation de toutes les dépenses extrabudgétaires au budget de l’État et leur élimination à l’avenir.
“Le gouvernement va très bientôt soumettre une nouvelle Loi de finances rectificative à l’Assemblée nationale pour régulariser les dépenses extra-budgétaires pour un montant de 30 milliards de FCFA à financer par un recours au marché financier régional. Cet ajout portera le déficit budgétaire global à 5,8 pour cent du PIB, à comparer à 5,2 pourcent dans la Loi de finances rectificative approuvée en août.
La mission salue le budget que le gouvernement entend déposer à l’Assemblée nationale en octobre. Ce budget, qui constituera la base du programme FEC pour 2015, vise un déficit global de 4,4 % du PIB. Le déficit est financé pour trois quarts par l’appui des bailleurs de fonds, le reste étant couvert par le marché financier régional. La mission se réjouit en outre du renforcement des réformes structurelles, notamment celles qui visent améliorer l’administration fiscale, la maîtrise des dépenses et la gestion de la dette et de la trésorerie.
La mission souhaite remercier les autorités de l’excellente organisation des échanges, de la fourniture d’un ample volume d’informations et de l’esprit franc et productif qui a animé les entretiens».
Département de la communication du FMI
30 milliards de FCFA à recaser! Une émission obligataire en cours. Et au final, une dette à payer par le contribuable malien. Pendant ce temps, en RCA, la présidente Samba Panza dit le plus benoîtement du monde avoir utilisé les 10 millions de dollars donnés par l’Angola pour des fonds politiques. La aussi, le FMI compte appuyer la recette malienne.
La Redaction