Après la traversée de plus de 380 pages rédigées dans un style fouillé, le journal intime du «Prince banni » maintient le lecteur en vie entre deux eaux : d’une part une histoire familiale étalée au grand jour, dans toute sa dimension humaine et ses secrets d’alcôve. D’autre part, une posture politique qui se veut militante active pour une Monarchie rénovée.
Il y a le compagnon du prince héritier qui deviendra Le Roi Mohammed VI dans la première partie riche en anecdotes vivantes et vécues. Il y a son rival dans l’autre. Un rival qui tente dès le début de son livre, non sans peine, d’anticiper sur l’éternelle critique d’un Calife qui veut être à la place du Calife, qui lui revient souvent.
Heureusement que le style et la puissance de la narration réconcilie les détracteurs et les partisans de cet essai polémique qui fait parler de lui à Rabat et à Paris. Moulay Hicham serait-il donc ce Iznogoud oriental transposé au Maghreb ? Est-il un hassanien nostalgique ? Un de ces déçus de la Cour et du Makhzen qui font légion depuis la Bruyère ? Certes, le cas du prince Moulay Hicham est particulier par la haute naissance et les privilèges rattachés.
Sur la première question, sa réponse est sans équivoque : «je ne veux prendre la place de personne ». Sur la deuxième, à savoir «son hassanisme», actif ou passif, le livre en question, consacré en grande partie à Hassan II, oppose ombres et lumières. L’exaltation de la personnalité complexe du roi Hassan II, décrite entre les deux coups d’Etat qui ont failli lui coûter son pouvoir et les nombreuses épreuves de la vie laisse entrevoir un roi autoritaire qui mesure l’exceptionnalité de sa condition : L’appropriation de la devise du roi Soleil, «Le Roi ne tombe pas malade, on l’enterre », rappelée par l’auteur, sied bien à la description du personnage de Hassan II, rompu aux intrigues des relations internationales.
«L’Amérique était son épouse, la France, sa maîtresse », écrit l’auteur admiratif face à la dextérité avec laquelle le Palais traitait avec ses deux alliés. La fascination du narrateur pour son roi est complète quoique atténuée par des rapports intimes souvent orageux existant entre l’Oncle et le neveu.
Dès la deuxième partie du livre, réservée au roi Mohammed VI, la perspective change. Le narrateur n’est plus dans les premiers cercles et le diagnostic s’en ressent. L’analyse de l’économie marocaine, de l’évolution de la Monarchie dans les tumultes du printemps arabe à l’arrivée des islamistes modérés est faite sous le ton constant de celui qui dit : «Ne l’avais-je pas prédit il y a quinze ans ? »
Entre les lignes, on sent toutefois que le «prince banni» n’attaque pas frontalement la Monarchie mais s’en prend au Makhzen, ce corps social sans nom, tiré du français (Magasin) qui l’empêche d’avancer. De même, il ne se proclame pas vraiment républicain mais reconnaît avoir applaudi une déclaration de l’islamiste Nadia Yassine en prenant le soin de replacer ce soutien dans son contexte de l’époque. Les deux alternances vécues par le royaume sont assez faibles selon le prince qui réserve la même critique aux gauchistes de l’USFP de 1998 qu’aux islamistes du PJD de l’après printemps arabe.
Quelques pages croustillantes sont réservées aux rapports «passionnels » qui lient le Prince rouge (image médiatique d’un prince qui est plus proche de Tocqueville que de Marx) au monde des médias. Il y a cette entrevue mémorable avec Béchir Ben Yahmed, le fondateur et directeur de publication du magazine Jeune Afrique qui vient le voir un jour en lui demandant un prêt de 3 millions euros au taux nominal de 5% pour racheter son siège, au 57 bis rue d’Auteuil. «Je vous demande de vouloir bien nous prêter cet argent ou de nous aider à trouver ce prêt, avec votre garantie. Je sais que vous le pouvez, et c’est la raison pour laquelle je m’adresse à vous avec la conviction que vous voudrez le faire », demande Ben Yahmed dans une requête rédigée qui finit ainsi : «Si comme je l’espère, vous acceptez de répondre positivement à ma demande, et si nous pouvons régler cette affaire au cours du mois de mai, vous serez assuré de ma durable reconnaissance ». Le prince refuse le marché et rate de ce fait la reconnaissance durable…
Il voudra par contre accorder 300 000 euros à Aboubacar Jamai, fondateur du journal Hebdomadaire, pour faire face à une peine de justice. M.Jamai déclinera l’offre. Tout à l’opposé de ce portrait respectueux de l’un des organes de presse les plus critiques au début de l’ère Mohammed VI, le prince évoque le journaliste Ali Lemrabett, directeur du defunt hebdomadaire « Demain » décrit comme un chien enragé, un fusil sans cran qu’il découvre un jour, par hasard, dans une maison sens dessus sens dessous. Un portrait dénoncé d’ores et déjà par le journaliste en question.
Mais M. Lemrabett sera-t-il le seul à porter démenti au prince qui livre une analyse désillusionnée du pouvoir d’une presse qui critique le jour et qui festoie la nuit? Entre constats, récits et sentence, ce livre offre une certaine idée des élites marocaines. Dommage que l’analyse économique faite du nouveau Maroc ne soit faite, trop souvent, que derrière le prisme de la Banque mondiale. Dommage que l’analyse politique et sociale du Makhzen prenne le pas sur l’analyse économique du Maroc de Mohammed VI, l’une des réussites économiques africaines et maghrébines de ces 15 dernières années. Tout compte fait, le journal d’un prince banni », distribué dans les kiosques marocains montre bien que le Maroc a changé.
4 commentaires
c’est une bonne chose que le livre de maulay hicham se vend au maroc donc la démocratie au maroc elle avance dont le bon cense
peronnellement je vois en lui un arriviste qui vit mieux que les princes,un rancunier,pourquoi tu n’as pas trop parlé de ton père,tous les marocains connaissent ses secrets,,,,,nous les marocains on aime mohamed6.lmakhzen khasso ykoun pour l’instant,en fait pour garantir la stabilité .il faut attendre la maturité des citoyens
Le pédagogue :
Pur produit du mkhzn, l’écrivain souligne que :
La mise à mort du Makhzen est indispensable.
C’est un pouvoir néo-patrimonial qui empêche le développement économique, un système de prédation et de subjugation. Il ne peut donc pas libérer les énergies économiques et donc il ne pourra pas, non plus, faire monter l’eau de la source. Le deuxième volet, c’est la création d’un véritable Etat moderne, un Etat de droit. Aujourd’hui, nous avons une monarchie avec une Constitution. Nous n’avons pas une monarchie constitutionnelle.
Les Marocains ne sont pas contre ni Roi ni sa famille, mais sont contre les 100.000Rois qui sont au-dessus de la loi, les lobbies corrompus qui ont approprié les richesses du Maroc ,des milliards et des hectares via le pouvoir, bien sure ceux qui profitent du peuple veulent garder le statuquo…en profitant de la confiance du peuple et du ROI,La solution UN VRAI REFORME « un système Juste », qui va redistribuer les richesses du Maroc sur tous les marocains avec justice…et on pense que M. Hicham grâce à sa liberté a vu la misère des marocains pauvres partout dans le monde…