Les Lions de la Téranga et les Aigles de Carthage s’affrontent dimanche 14 juillet 2019 en Egypte. Le gagnant jouera la finale de la Coupe d’Afrique des Nations. Au delà des enjeux sportifs, nous nous sommes intéressés aux aspects économiques du duel Sénégal –Tunisie. Le pays ouest africain présentait un PIB de 16,37 milliards de dollars en 2017, loin derrière son rival du jour, accrédité d’une somme des valeurs ajoutées de 40, 26 milliards de dollars la même année.
Ainsi, la Tunisie avec 8 millions d’habitants présente une économie de presque trois fois supérieure à celle du Sénégal, deux fois plus peuplé. Les Carthagenois disposent d’un PIB par habitant de 3 490 dollars contre 1 033 dollars pour l’ancienne «Sanhaja ». D’où vient ce gap qui sépare les deux pays, tous deux touristiques, dotés de phopsphates et de ressources humaines bien formées ? Est-ce du fait des voies différentes prises par les deux pays au lendemain de l’indépendance?
La Tunisie de Bourguiba a valorisé sa roche et développé un programme basé sur la formation des ressources humaines, la libération de la femme du joug socio-culturel et la promotion d’un environnement des affaires basé sur la recherche des IDE d’une part et le développement d’industriels locaux d’autre part. Par contre, le Sénégal resté laïque tout en préservant ses constances socio-culturelles, a suivi étroitement les prescriptions de la Banque Mondiale, libéralisant son économie et privatisant les phosphates (ICS) et d’importantes entreprises publiques .
Force est de le dire, la Tunisie présente de grands champions nationaux (cas du groupe Poulina), et a réussi à s’insérer dans les chaînes de valeur de la mondialisation à travers la sous-traitance dans l’industrie aéronautique et automobile. Certes, depuis la révolution, le pays du Jasmin enregistre une croissance en berne, accumulant les déficits et révélant, derrière la vitrine d’un pays bien classé en termes d’environnement des affaires, des disparités sociales énormes.
Pendant ce temps, le Sénégal a progressé à un rythme soutenu depuis 2014 sans toutefois créer suffisamment d’emplois et sortir le maximum de personnes de la pauvreté. Le Sénégal est classé 162ème sur 188 pays dans l’indice du développement humain (IDH) produit chaque année par le PNUD. Ce baromètre de mesure des progrès sociaux fondé sur le PIB par habitant, l’espérance de vie à la naissance et le niveau d’éducation des enfants de 17 ans classe la Tunisie au 95ème rang mondial. Normal pour une nation qui présentait un taux de pauvreté de 15,5% avant la révolution contre 44% pour le Sénégal de 2014. Le taux de chômage était de 15,7% en 2017 au pays de Senghor contre 15,5% en Tunisie. Au moins, sur ce paramètre, les deux pays se rejoignent et doivent trouver les moyens de donner un avenir à une jeunesse en effervescence.
Les immenses découvertes de pétrole et de gaz au large du Sénégal contribueront-elles à rééquilibrer les débats entre les deux pays ? On peut le subodorer d’autant plus que la Tunisie, restée trop européanocentrée dans ses exportations et ses importations (Italie, France et Allemagne étant les trois principaux partenaires) semble perdre du terrain comparé au Sénégal ouvert à la Chine et à la Turquie (quoique la France reste là aussi maîtresse du jeu).
Le pays de Macky Sall profite qui plus est des effets de leviers de grands ensembles (UEMOA et CEDEAO) pour trouver des débouchés à ses entreprises là où la Tunisie est privée d’air par un Maghreb factice et une ligue arabe plus diplomatique qu’économique. L’avenir immédiat est entre les pieds des coéquipiers de Sadio Mané et de Wahbi Kazri qui le savent mieux qui quiconque: le foot et l’économie ne font pas, quoique Michel Platini ait eu à déclarer le contraire à la veille du mémorable France-Sénégal de 2002, bon ménage. Les deux planètes se rencontrent rarement.