A moins de 30 jours de la date fatidique du 29 mai 2019, sensée voir le triplement du capital minimum des compagnies d’assurance en zone de la Conférence interafricaine des marchés de l’assurance (CIMA), l’heure est à la course-poursuite pour la mobilisation des fonds. Le régulateur reste ferme dans ses positions : toutes les compagnies qui ne passeront pas de 1 à 3 milliards de Franc CFA à la date indiquée subiront les sanctions prévues à l’article 312 du code des assurances pouvant aller jusqu’au transfert d’office de portefeuilles, avait déclaré Issofa Ncharé, le secrétaire général de la CIMA, en février dernier, en marge de la 42ème assemblée générale de la FANAF.
Depuis et en dépit des pressions, le régulateur n’a pas bougé d’un iota. Cette fermeté provoque le branle-bas de combat au sein des conseils d’administration des compagnies d’assurance. La mesure accélère les rapprochements et les acquisitions. Alors que Sunu est entrain de finaliser la reprise de 5 filiales d’Allianz, la marocaine Wafa Assurance a jeté son dévolu sur les deux compagnies Pro Assurance vie et non vie au Cameroun. Au Sénégal, la compagnie Salama, qui n’a jamais versé de dividendes depuis 20 ans, concentre tous les regards.
De son côté, le PDG du groupe Amsa, François Bakou, mènerait de discrètes négociations pour entrer dans le capital de la congolaise ARC (Assurance et réassurance du Congo) et du gabonais Ogar. Beaucoup de spéculations entourent le marché camerounais où 40% des acteurs ne rempliraient pas les conditions fixées.
Bref, la fermeté de la CIMA a le mérite de pousser les compagnies dans des marches forcées pour le rapprochement. Par contre, beaucoup estiment que la gestion martiale d’un tel processus révèle de l’éloignement du régulateur par rapport aux difficultés du secteur. «La Commission manie trop la chicotte là où l’Etat stratège aurait proposé des mesures moins coûteuses pour relever les standards qualité du secteur, à savoir la lutte contre la sous-tarification et le paiement des primes au comptant, en application de l’article 13, ainsi que l’accélération de la cadence de paiement des sinistres notamment «les Bon à payer », opine un opérateur qui requiert l’anonymat.
Pour les professionnels, l’augmentation brusque du capital minimum aura pour conséquence à court terme de provoquer une destruction de la valorisation des compagnies par l’abaissement des taux moyens de rendements de leurs capitaux, de leurs bénéfices et, in fine, la baisse de l’attractivité d’un secteur déjà sinistré. Un encadrement plus strict des marchés par les Directions Nationales des Assurances (DNA), à travers la publication des indicateurs permettant d’encadrer la tarification, et par la CIMA, à travers l’obligation stricte de liquider les sinistres dans un délai maximum de 30 jours, conformément à la réglementation, aurait été plus efficace qu’une augmentation de capital non accompagnée d’une révolution dans la surveillance et la supervision.
Certains professionnels pointent la CIMA dans ses procédures de contrôle qui voient les Directions Nationales des Assurances (DNA) en juge et partie, siégeant à la fois dans la Commission Régionale de Contrôle des Assurances (CRCA) et le comité des experts sensés conseiller les ministères de tutelle. Ceci réduit à sa plus simple expression le droit de recours dont dispose les compagnies, en cas de sanctions prononcées contre elles par la CRCA.
A cette faille s’ajoute la faiblesse structurelle d’une commission qui ne semble pas jouir d’indépendance financière et technique suffisante. En principe, ce sont les frais de contrôle qui varient en fonction des pays et des branches vie et non vie (environ 1,5% du chiffre d’affaires des compagnies en moyenne) qui financent le superviseur régional. Ces frais de contrôle sont versés par les compagnies d’assurance dans des comptes spéciaux du Trésor Public ouverts au nom des DNA auprès des banques centrales (BCEAO et BEAC) pour certains Etats, ou dans des comptes ouverts dans des banques au nom des DNA, pour d’autres Etats.
Un véritable magot dont le montant et l’usage gagneraient à être publics. « Que fait-on des excédents », s’interroge -t-on. Seule certitude en tout cas, la CIMA ne roule pas sur l’or, elle qui a dû emprunter de l’argent aux compagnies pour construire son immeuble à Libreville et qui, aujourd’hui, éprouve des difficultés à rembourser.