Par Seydou Bouda, Administrateur Banque mondiale, Groupe Afrique II
Le 15 décembre 2016 à Yogyakarta, en Indonésie, nous avons bouclé les négociations pour la reconstitution du 18ème fond de l’Association internationale de développement (IDA18) avec un montant record de 75 milliards de dollars pour la période allant du 1er juillet 2017 au 30 juin 2020. Environ un tiers de ces ressources sera levé sur les marchés financiers. Une première également dans l’histoire de l’institution.
L’IDA est la filiale du Groupe de la mondiale créée en 1960 aux fins de financer les pays à faible revenu à des conditions concessionnelles[1]. Le fonds IDA est reconstitué tous les trois ans. Au total, 77 pays à faible revenu, dont 39 pays en Afrique sub-saharienne sont éligibles aux ressources de l’IDA18.
Les financements au titre de l’IDA18 prendront en compte les principaux défis du moment que sont : (i) le changement climatique et la résilience ; (ii) le genre et l’égalité des sexes ; (iii) la fragilité, les conflits et la violence ; (iv) la crise des réfugiés ; (v) la transformation économique et l’emploi ; et (vi) le renforcement des institutions et de la gouvernance.
De nouveaux instruments sont créés pour gérer les risques qui entravent le développement de nombreux pays.
Quelles sont les innovations introduites dans l’IDA18 ?
En termes d’innovation, l’IDA 18 constitue une véritable boite à outils à l’usage des pays bénéficiaires :
1 – Une allocation exceptionnelle d’atténuation de risques a été mise en place pour soutenir les efforts des pays confrontés aux risques de fragilité, de conflit et de violence. Ces ressources additionnelles représenteront un tiers de l’allocation régulière des pays éligibles aux ressources de l’IDA18.
2 – Une facilité de financement non concessionnel est créée pour financer les projets rentables à caractère transformateur.
3 – Un guichet du secteur privé est constitué sous forme d’un fonds d’atténuation des risques sur les projets du secteur privé. A travers ce mécanisme, l’IDA fournira 2,5 milliards de dollars afin de permettre à la Société financière internationale (IFC) et à l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA) de prendre plus de risque et d’accroître leurs financements en faveur du secteur privé dans les pays à faible revenu et plus particulièrement dans les Etats fragiles.
4 – Une ligne de crédit est prévue pour venir en aide aux pays confrontés aux catastrophes naturelles. Ainsi, lorsqu’une situation de ce type survient, le pays pourra actionner ce mécanisme qui agira comme une assurance de couverture contre les désastres naturels.
5 – Le guichet de réponse aux crises de l’IDA a été renforcé pour lui permettre de soutenir les pays confrontés à des crises économiques sévères et à des crises sanitaires. Dans le passé, l’action de ce guichet était limitée aux catastrophes naturelles. Dans le cadre de l’IDA18, ce guichet sera doté d’une enveloppe de 3,0 milliards de dollars pour l’ensemble des pays de l’IDA.
6 – Un sous-guichet régional pour les réfugiés a été créé sous le guichet régional de l’IDA pour aider les pays à soutenir les réfugiés ainsi que les communautés qui les accueillent.
7 – La facilité de soutien aux pays sortant de conflit, mise en place sous l’IDA17, a été renforcée pour aider ces pays à consolider leur résilience et à assurer leur transition vers la reprise économique.
8 – La facilité d’apurement des arriérés de l’IDA continuera à soutenir les pays qui sont éligibles à l’apurement de leurs arriérés de dette vis-à-vis de la BIRD et/ou de l’IDA.
Le Togo aura accès à toutes les ressources susmentionnées dans le cadre de la mise en œuvre de son cadre de partenariat avec la Banque mondiale pour la période 2017-2020.
Quels sont les défis ?
Naturellement, l’augmentation du volume des financements et la création de ces nouveaux guichets de financement nécessiteront des efforts additionnels de mise en œuvre, aussi bien du côté de la Banque que des pays bénéficiaires. En conséquence, afin de faciliter la mise en œuvre des programmes de financement sous l’IDA18 et en accroître l’impact sur le développement des pays bénéficiaires, des ressources additionnelles ont été mise en place pour renforcer les capacités opérationnelles des agents de la Banque et ceux des pays bénéficiaires.
Dans la même logique, la Banque mondiale a également renforcé sa facilité de préparation de projets en faveur des pays à faible revenu et des Etats fragiles. Parallèlement, une facilité pour la création des marchés a été mise en place au sein de l’IFC. Ces facilités aideront à la préparation de projets bancables et renforceront les capacités techniques et institutionnelles des opérateurs économiques privés.
Est-ce suffisant ?
En dépit de l’importance de la reconstitution des ressources de l’IDA18, nous devons reconnaitre que cette forte mobilisation de ressources ne sera pas suffisante pour répondre aux défis auxquels l’Afrique continue d’être confrontée.
Précisons que sur les 75 milliards de dollars, il est prévu que les 39 pays d’Afrique sub-saharienne éligibles reçoivent 60% de ces ressources, soit environ 45 milliards de dollars pour 3 ans, ou 15 milliard de dollars par an en moyenne. Quoique significatives, ces ressources restent nettement en deçà des énormes besoins du continent.
Comme l’atteste M. Jim Yong Kim, Président de la Banque mondiale dans une récente interview, les seuls besoins en infrastructure du continent sont estimés à 93 milliards de dollars par an, ou 15% de son PIB.
Néanmoins, les ressources de l’IDA jouent un rôle catalyseur considérable dans l’avancement des réformes nécessaires à la mobilisation des ressources publiques et privées, internes et externes.
Seydou Bouda, Administrateur de la Banque mondiale, Groupe Afrique II,
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Notice biographique
Seydou Bouda, du Burkina Faso, est Administrateur du Groupe Afrique II au Conseil d’administration du Groupe de la Banque mondiale depuis le 1er novembre 2016. Il y représente le Burkina Faso et 22 autres pays africains[2]. Il a été Administrateur suppléant entre 2014 et 2016.
Avant de rejoindre la Banque en novembre 2014, Seydou Bouda a été ambassadeur du Burkina Faso aux Etats Unis entre 2011 et 2014. Auparavant, M. Bouda a occupé diverses fonctions gouvernementales : Secrétaire Général du Gouvernement et du Conseil des Ministres (2000-2002), Ministre de l’Economie et du Développent (2002-2007), Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme de l’Etat (2007-2008), et Ministre de la Santé (2008-2011).
Seydou Bouda est diplômé de l’Ecole Nationale d’Administration (Paris/Strasbourg), Promotion Erasme et titulaire également d’un DESS en Economie du Développement de l’Université de Montpellier I (France).
[1] Les conditions actuelles de l’IDA sont : taux de 0,75 % sur une durée de 38 ans avec une période de grâce de 6 ans.
[2] M. Bouda est Administrateur pour le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Cap Vert, la Centrafrique, les Comores, la République du Congo, la République Démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire, Djibouti, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée Equatoriale, Madagascar, le Mali, l’Ile Maurice, la Mauritanie, le Niger, Sao Tomé et Principe, le Sénégal, le Tchad, et le Togo.