A l’instar du gouverneur de la Banque Centrale du Kenya, qui s’est inquiété de possibles répercussions du retrait de la Grande Bretagne de l’Union Européenne sur l’économie de son pays, de respectables médias, sans doute sous l’aiguillon de l’émotion, se sont alarmés des conséquences de cet événement géopolitique, majeur mais européen, sur la marche de l’Afrique. Quelques banquiers ont tiré des conclusions depuis les salles de marché, bien abrités derrière l’enseigne de leur employeur. L’émotion du gouverneur Kenyan est irrationnel. Son pays exporte 125 000 tonnes de fleurs coupées par an (500 millions de dollars ) dans le vaste monde, ce qui en fait une importante source de devises à côté du tourisme et du thé. Il n’est nulle part dit que les anglais post Brexit vont renoncer au safari et au tea-time.
Aussi, passé la clameur, il est temps de se rendre à l’évidence. L’impact du Brexit sera minime sur l’Afrique. D’abord parce que la sortie effective n’aura lieu que dans deux ans. D’ici là de longues négociations auront lieu entre Londres et Bruxelles qui resteront partenaires stratégiques sur la Défense (OTAN) et complices au nom des intérêts mêlés et entrecroisés autour de nombreux sujets dont l’Afrique.
Pour preuve, la fusion entre les Bourses de Londres et de Berlin aura bien lieu avec des premières manœuvres prévues et maintenues pour ce mois de juillet. La société exploitant le tunnel sous la Manche ne va pas fermer boutique. Le consortium européen EADS qui fabrique les Airbus ne va pas exclure la partie britannique de son tour de table.
Ceux qui estiment que l’Afrique doit subir un impact négatif s’appuient sur les analyses de respectables institutions comme la Standard Bank, inquiète des possibles resserrement des conditions de financement sur le marché international. Vrai en ce qui concerne peut-être les acteurs bancaires et financiers européens qui devront renégocier le statut de leurs filiales outre manche. Vrai pour ceux, rares parmi les acteurs financiers africains, à recourir aux instruments à effet de levier (warrants, ETF, options).
Vrai surtout parce que le marketing de la peur entretenu autour du Brexit a provoqué la chute des cours en Bourse de la plupart des acteurs de la finance mondiale. Mais très approximatif s’agissant des pays africains notés en général entre BBB et B et qui emprunteront encore (Côte d’Ivoire y compris) à des taux plus élevés que ceux consentis à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal. Chez nous, les conditions d’accès au financement restent inchangées et dépendantes d’un ensemble de facteurs éloignés du votre britannique.
Des aspects positifs pour l’Afrique
Sous certains aspects, ce Brexit est une chance pour l’Afrique. Sur le court terme, le taux de change entre la livre et les monnaies africaines devrait évoluer positivement au profit de ces monnaies (rand, Shilling kenyan, naira). Le rapport au dollar restant, lui, d’une autre paire de manche.
L’autre bonne nouvelle est la reprise de la reine des métaux. Selon le Financial Times, les achats d’or par les Britanniques ont augmenté de 32% au 22 juin. Valeur refuge depuis 5000 ans, le métal jaune est de nouveau la seule certitude d’un marché financier rongé par les dérivés spéculatifs.
Sur la question de la coopération, rien n’indique que la Grande Bretagne veuille renoncer à son rang dans les relations internationales. Ce qui suppose le maintient voire l’accroissement de l’aide consentie aux pays en développement et le dépassement du seuil de 0,7% du PIB consacré à l’aide au développement .
Londres a toujours été un acteur distinct malgré une concertation et un fonds commun de l’aide mis en place avec l’UE. Troisième contributeur du Fonds européen de développement (FED) après l’Allemagne et la France, la Grande-Bretagne versait 534 millions d’euros dans la bourse commune mais intervient surtout à travers d’autres mécanismes pour perpétuer son rayonnement en Afrique et en Asie.
En réalité, cette sortie prochaine de ce grand acteur de l’économie mondiale de l’UE offre au continent africain l’occasion de faire jouer la concurrence dans les traités commerciaux en cours de signature. Des traités où, soit dit en passant, les populations africaines, à l’inverse des britanniques, n’auront pas la chance de donner leur avis par référendum ou simple vote parlementaire.