L’annexe fiscale 2018 n’en finit de susciter le courroux du secteur privé ivoirien écorché vif par une série de mesures adoptées dans le cadre de la « modernisation du régime fiscal » selon les autorités.
« C’est un retour en arrière », s’est voulu on ne peut plus claire Jean Kacou Diagou, l’ex président du patronat et fondateur du groupe NSIA qui est monté au créneau jeudi dernier au cours de la présentation du nouveau texte au siège de la CGECI. « L’annexe fiscale 2018 a été confectionnée sans l’apport du patronat (…) » a-t-il indiqué en évoquant « un matraquage fiscal » destiné uniquement à collecter « des recettes sans se soucier de l’impact sur le climat des affaires », là où le patronat prônait « une fiscalité de développement ».
Dans la même veine, Parfait Kouassi, le vice président de la Chambre de commerce et d’industrie a reproché au gouvernement d’aller « dans un seul sens » sans tenir compte des préoccupations exprimées par le secteur privé. Aussi y voit-il une frein à l’investissement et une exhortation aux PME à demeurer dans l’informel plutôt qu’à chercher à s’intégrer dans l’économie moderne.
De quoi s’agit-il ?
L’annexe fiscale 2018 entrée officiellement en vigueur le 2 janvier dernier comporte une quarantaine d’articles incluant des « aménagements » du dispositif d’imposition.
Au nombre des articles décriés, « l’aménagement de l’Impôt Minimum Forfaitaire » (article 12) appliqué aux contribuables du « Régime réel normal ». Le taux d’imposition passe de « 0,5% à 1% » du chiffre d’affaires TTC et le seuil minimum de perception est relevé de 3 à 5 millions (contre 3 millions jusqu’ici) et le maximum de 35 à 50 millions FCFA.
Autre article pointé du doigt, celui relatif à « l’aménagement des seuils d’imposition et de suppression du régime du bénéfice réel simplifié » (article 11). Ainsi, le « Régime réel simplifié » appliqué aux contribuables dont le chiffre d’affaires TTC (CATTC) est compris entre 50 et 150 millions FCFA est supprimé.
Pour les contribuables assujettis au « Régime du bénéfice réel normal », le seuil minimum (de 150 millions) est abaissé à 100 millions. Au niveau des personnes soumises au « Régime synthétique », la fourchette cible du CATTC de 5 à 10 millions passe de 50 à 100 millions. A noter qu’un taux « unique » d’imposition de 5% est fixé aux contribuables dont le CATTC est compris entre 5 et 10 millions, et 8% pour ceux dont le CATTC oscille entre 50 et 100 millions.
Nouvelles impositions
Une nouvelle série d’impôts vient par ailleurs faire grincer des dents les opérateurs économiques. C’est le cas des taux des droits d’accise sur les boissons qui prennent l’ascenseur avec des hausses allant 5 à 15 points ( cas du champagne par exemple). Concernant le tabac, le taux d’accise passe de 35 à 38%. Et au niveau des produits cosmétiques et véhicules de tourisme de luxe, il est institué des droits d’accise au taux de 10%.
D’autres taxes sont instituées comme une taxe de 0,5% sur les transferts d’argent des opérateurs mobile, une taxe sur la vente de bois de grume, une taxe sur la rémunération des intermédiaires de la filière de la noix de cajou ou encore une autre sur les gains de plus d’1 million obtenus aux jeux de hasard.
Egalement, en son article 20, l’annexe fiscal élargit le champs d’application de l’Impôt sur le patrimoine foncier des exploitations agricoles avec des taux allant de 2 500 (canne à sucre, anacarde) à 7 500 l’hectare (Hévéa) pour des superficies exploitées de plus de 100 ha.
Engagements internationaux
Dans sa note de présentation de l’annexe fiscale, la direction générale des Impôts (DGI) souligne que ces mesures contribuent à créer « les conditions d’une économie forte portée par le secteur privé », non sans évoquer la mise en œuvre de « mesures de soutien » au secteur privé.
En outre, ces textes répondent au besoin d’être en phase avec « les engagements internationaux » dans le cadre de l‘UEMOA et au niveau « des rapports avec les partenaires au développement » note la DGI. En l’occurrence, le pays entend relever le taux de pression fiscale de 16,5% en 2016 à 20% en 2019, une recommandation des institutions de Bretton Woods.
Dans un contexte de chute des cours du café et du cacao, l’Etat ivoirien a cru bon de grignoter quelques points de recette auprès du secteur privé afin de boucler un budget 2018 évalué à 6 756,3 milliards FCFA (en progression de 4,8%) dont 3 406 milliards de recettes fiscales.
Face au tollé général des opérateurs économiques, la DGI organise une rencontre avec la presse ce 16 janvier afin d’expliquer en détail le nouveau dispositif fiscal.