Alors que l’Afrique semble attirer de plus en plus d’investisseurs avides de placements rentables, paradoxalement ses organisations publiques et même privées peinent encore à présenter une gouvernance capable de booster et de maintenir sur la durée, leur niveau de compétitivité.
Gouvernance rime avec fiabilité du budget, efficacité et efficience des opérations, exécution budgétaire, transparence des finances publiques, régularité et sincérité des états financiers, etc. Les auditeurs internes ou externes peuvent jouer un rôle d’agents de changement en tant qu’acteurs majeurs de la promotion de la bonne gouvernance. Seulement, ce rôle semble encore flou aux yeux des parties prenantes internes et externes, notamment la société civile.
La présente note, la toute première de la Commission « Audit et Compétitivité » du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Economique (CAVIE), vise à donner le ton général des publications de la commission, en positionnant l’audit comme un élément-clé du système de gouvernance au sein des organisations publiques ou privées, gage d’une compétitivité durable.
Gouvernance et croissance
L’émergence économique est une fonction de la croissance qui, elle-même, est mesurée par la variation du Produit Intérieur Brut (PIB). Le PIB est un agrégat des Valeurs Ajoutées générées par les organisations nationales, qu’elles soient publiques ou privées. La création de valeur ajoutée est tributaire de la qualité de la gouvernance ambiante dont un critère d’évaluation est l’existence d’un bon dispositif de contrôle interne.
Le contrôle interne est l’ensemble de processus ou mécanismes mis en place par les dirigeants pour s’assurer que les objectifs stratégiques, opérationnels, financiers et de conformité sont ou seront atteints. Par exemple, en l’absence d’un dispositif de contrôle fiable, les équipements destinés aux centres de santé peuvent être de mauvaise qualité, faire l’objet de surfacturation ou être utilisés à d’autres fins, privant ainsi l’Etat de l’accomplissement de l’une de ses missions régaliennes. Des exemples similaires existent dans le secteur privé. Dans tous les cas, valeur ajoutée ne fait pas bon ménage avec inefficacité, gaspillages, détournements de fonds, etc.
Qui sont les acteurs de la gouvernance ?
Les acteurs de la gouvernance sont nombreux et varient selon que l’organisation est à capitaux publics ou privés, ou appartient à un secteur bien précis. En général, pour une entreprise à capitaux privés, les acteurs de la gouvernance incluent les clients, les fournisseurs et l’Etat, en ce qui concerne les parties prenantes externes. Les acteurs internes comprennent généralement les actionnaires, le comité de surveillance, le management et le personnel. Dans l’organisation publique, en plus des acteurs cités plus haut, l’on compte la société civile et les organisations non-gouvernementales, le pouvoir législatif et les bailleurs de fonds latéraux ou multilatéraux.
Tous ces acteurs sont responsables à un degré variable de la qualité de la gouvernance globale de l’organisation. Pour s’assurer que les intérêts divergents des uns et des autres ne privent l’organisation de ses ressources, la mise en place d’un système efficace de surveillance est plus que recommandée, elle est vitale.
Enjeu de la surveillance périodique
Le système classique de surveillance comprend trois niveaux ou lignes de défense. La première est constituée des unités opérationnelles qui assurent la gestion au quotidien. La deuxième comprend les fonctions support qui définissent les processus et procédures à même de contenir les risques à un niveau globalement acceptable. Les auditeurs internes forment la troisième ligne de défense : ils donnent, de façon indépendante, une assurance sur la gouvernance de l’organisation, la gestion des risques et l’efficacité du contrôle interne. Les auditeurs internes reportent au conseil d’administration ou l’organe qui en tient lieu.
Acteurs de la veille stratégique et permanente de l’organisation, les auditeurs internes effectuent leurs tâches suivant des normes et principes clairement édictés. Selon l’Institute of Internal Auditors (The IIA), l’audit interne est une activité indépendante et objective qui donne à une organisation une assurance sur le degré de maîtrise de ses opérations, lui apporte ses conseils pour les améliorer, et contribue à créer de la valeur ajoutée. Il aide cette organisation à atteindre ses objectifs en évaluant, par une approche systématique et méthodique, ses processus de management des risques, de contrôle, et de gouvernement d’entreprise, et en faisant des propositions pour renforcer leur efficacité. L’audit interne est donc une activité indépendante et objective qui crée de la valeur ajoutée !
Un acteur non moins important de la surveillance périodique est l’auditeur externe. A travers l’audit comptable et financier, il examine les états financiers de l’organisation pour vérifier la sincérité des comptes, leur régularité, leur conformité et leur aptitude à refléter une image fidèle de l’état des finances et actions comptables de l’entité auditée. Ce rôle est généralement dévolu aux membres de l’ordre des experts-comptables nationaux.
Alors que le rôle des auditeurs externes est d’informer le public sur la santé financière des organisations, les auditeurs internes eux, jouent un rôle majeur dans le maintien de l’efficacité et l’efficience des opérations, le choix des options stratégiques et la conformité aux lois et règlements.
Perspectives
L’absence d’un système de contrôle fort peut constituer un obstacle majeur à l’atteinte des objectifs de croissance et de compétitivité de nos organisations. L’audit interne – tout comme l’audit externe – est un maillon essentiel du système de gouvernance publique ou privée. Pour gagner en crédibilité dans un environnement de plus en plus compétitif, les décideurs devraient accorder aux auditeurs indépendants les moyens de remplir pleinement leur mission d’assurance et de conseil. Cela implique, entre autres, le renforcement des capacités des institutions de contrôle d’Etat et des ordres nationaux des experts-comptables, la promotion des chapitres locaux des auditeurs internes, l’adhésion aux bonnes pratiques de gouvernance, la modernisation ou professionnalisation de l’enseignement de la comptabilité et de la finance, la transparence et l’accès gratuit à l’information opérationnelle, budgétaire, financière et comptable.
Rigobert Pinga Pinga
Président de la Commission Audit et Compétitivité du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Economique (CAVIE)