« Afreximbank joue un rôle stratégique dans le développement du marché sénégalais »
Dans un monde où les promesses économiques rivalisent avec les incertitudes géopolitiques, Afreximbank, institution panafricaine de financement du commerce, s’impose par son pragmatisme méthodique et sa capacité à structurer des réponses audacieuses aux défis du continent. Depuis sa création, la Banque africaine d’import-export n’a eu de cesse de concevoir des instruments de financement sur mesure, favorisant l’industrialisation, la montée en gamme des économies africaines, et l’intégration régionale — longtemps cantonnée à des déclarations de principe.
C’est à Dakar, capitale discrètement cosmopolite mais stratégiquement convoitée, que Jean-Arsène Yerima, Directeur régional des opérations pour l’Afrique de l’Ouest francophone, nous a accordé un entretien rare et éclairant. Représentant d’une institution à l’agenda résolument panafricain, il revient sur l’empreinte croissante d’Afreximbank au Sénégal, pays-pivot aux ambitions affichées, à travers son programme « Sénégal 2050 ».
Au fil de l’entretien , M. Yerima aborde sans détour les lignes de financement structurantes en faveur du secteur privé, les mécanismes de soutien à la ZLECAf, ainsi que les enjeux de conformité et de diligence — devenus incontournables dans un environnement où le financement responsable est désormais la norme, sinon l’exception de rigueur.
Propos recueillis par Dominique Mabika
Comment Afreximbank évalue-t-elle le climat d’investissement au Sénégal ?
La Banque africaine d’import-export considère le Sénégal comme l’un des pays les plus prometteurs du continent, grâce à sa stabilité politique et à son environnement favorable aux investissements. Plusieurs éléments viennent étayer cette conviction.
Tout d’abord, le Sénégal bénéficie d’une tradition de transitions pacifiques du pouvoir, gage de stabilité institutionnelle. À cela s’ajoute une croissance économique soutenue, avec un taux de croissance du PIB estimé à plus de 6 % en 2024, et des perspectives similaires pour 2025. Cette dynamique est portée par la performance remarquable du secteur des services et par l’essor du secteur manufacturier, notamment avec l’entrée en production des champs pétroliers prévue pour la seconde moitié de 2024.
Par ailleurs, l’État sénégalais manifeste une volonté claire de renforcer sa souveraineté économique, en misant sur la transformation locale de la production agricole afin de réduire la dépendance aux importations. Ce choix s’inscrit dans une stratégie plus large de diversification économique, accompagnée de politiques visant à maintenir une inflation maîtrisée, à améliorer le pouvoir d’achat des citoyens et à investir dans les infrastructures et le logement pour renforcer le bien-être des populations.
Nous saluons également la transparence des autorités publiques, qui n’hésitent pas à communiquer de manière ouverte sur les défis à relever, tout en exprimant leur volonté de coopérer étroitement avec les partenaires au développement et les bailleurs de fonds pour mettre en œuvre les réformes nécessaires.
L’entrée en production des gisements pétroliers marque une étape décisive pour l’économie sénégalaise. Elle contribuera de manière significative à l’augmentation des recettes de l’État sur les trois prochaines décennies. Ce nouvel élan structurel constitue l’un des piliers de la Vision Sénégal 2050, une stratégie nationale ambitieuse visant à faire du Sénégal un pays émergent. Cette vision repose sur plusieurs leviers : amélioration du cadre de vie, diversification des moteurs de croissance, montée en puissance du secteur manufacturier, valorisation des produits locaux pour renforcer la souveraineté alimentaire, et dynamisation du secteur tertiaire.
Il va sans dire que cette nouvelle donne énergétique renforcera la visibilité du Sénégal sur la scène internationale, attirant davantage d’investisseurs. Nous restons convaincus que les efforts continus de diversification économique, couplés à un cadre macroéconomique stable et à des réformes structurantes, permettront au Sénégal de conserver sa position parmi les marchés les plus attractifs d’Afrique.
Le programme « Sénégal 2050 » vise à tripler le PIB par habitant, pour passer de 1 660 à 4 500 dollars, avec le secteur bancaire comme moteur clé de cette ambition. Quelles mesures Afreximbank a-t-elle mises en place pour soutenir le gouvernement dans la réalisation de ce programme ?
Afreximbank joue un rôle clé dans le développement du marché sénégalais, en accompagnant à la fois les institutions financières locales, le financement du commerce et celui de projets structurants. Pour soutenir cet engagement, la Banque met à disposition plusieurs solutions innovantes, dont AfPAY, sa plateforme panafricaine de paiement, AfTRAF, son programme de facilitation du commerce international, ainsi qu’une initiative de renforcement de la conformité.
À travers AfPAY, nous permettons aux banques locales sénégalaises de se connecter au système panafricain de paiement, leur offrant ainsi des alternatives rapides, efficaces et à moindre coût. Cette solution favorise également l’inclusion financière en facilitant la circulation des capitaux sur le continent.
AfTRAF, de son côté, renforce l’accès des banques sénégalaises au réseau de correspondants internationaux en proposant des instruments tels que les lettres de crédit, les garanties et les traites avalisées. Cela contribue non seulement à renforcer leur crédibilité, mais aussi leur capacité à soutenir les importations stratégiques et les exportations sénégalaises.
Notre composante conformité vise à améliorer les compétences des banques commerciales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Elle les aide à se conformer aux standards internationaux en renforçant leurs systèmes de connaissance client (KYC) et leurs dispositifs de gestion des risques.
À travers ces différentes initiatives, Afreximbank contribue à la résilience du système financier sénégalais, tout en soutenant la croissance durable du pays et la promotion des échanges commerciaux intra-africains et internationaux.
Concernant les mesures d’atténuation des risques de conformité, vous avez récemment organisé un atelier sur les produits et initiatives associées. Pourriez-vous nous en dire plus ?
En septembre 2024, Afreximbank a organisé à Dakar son séminaire annuel sur la conformité, un rendez-vous stratégique visant à renforcer les capacités opérationnelles des institutions financières et des opérateurs économiques du continent. Ce séminaire s’inscrit dans les efforts de la Banque pour promouvoir les bonnes pratiques en matière de connaissance du client (KYC), de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
L’événement a réuni autour de la même table des représentants de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), du secteur bancaire, des opérateurs économiques ainsi que des experts en conformité, qu’ils soient spécialisés dans le suivi des transactions ou dans l’évaluation des risques. Ces échanges multisectoriels ont permis de partager les meilleures pratiques et de renforcer les compétences de chaque acteur impliqué.
Ce séminaire s’aligne sur les outils de conformité développés par Afreximbank, notamment son modèle d’analyse des risques de type « B-Approach », qui permet de classer les clients et les opérations selon leur niveau de risque. La Banque procède également à une évaluation régulière des transactions, en identifiant les vulnérabilités potentielles liées au blanchiment d’argent ou à la fraude commerciale. Une veille permanente est assurée à cet effet, appuyée par des mécanismes rigoureux d’audit interne et de contrôle des flux.
À travers cette initiative, Afreximbank réaffirme sa volonté d’accompagner les banques commerciales africaines dans le renforcement de leur résilience et leur alignement avec les standards internationaux. L’objectif est double : promouvoir des transactions financières sécurisées et soutenir un environnement commercial transparent, propice à une croissance durable sur le continent.
Afreximbank accueillera la 4e édition du Salon du Commerce Intra-Africain (IATF) cette année en Algérie, en septembre. À quoi faut-il s’attendre et comment les entreprises sénégalaises peuvent-elles y participer ?
Le Salon du Commerce Intra-Africain (IATF) est un événement phare organisé par Afreximbank, en partenariat avec l’Union africaine et le Secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Cette initiative vise à dynamiser le commerce intra-africain en facilitant l’accès aux marchés, en renforçant les liens commerciaux entre les pays membres et en stimulant les flux d’investissement à travers le continent.
L’édition 2025 de l’IATF, qui se tiendra du 4 au 10 septembre à Alger, sera placée sous le thème « Une passerelle vers de nouvelles opportunités ». Elle réunira plus de 2 000 exposants et devrait accueillir plus de 35 000 visiteurs, parmi lesquels des investisseurs, des décideurs, des institutions financières, ainsi que des acheteurs et vendeurs potentiels.
À chaque édition, l’événement constitue un cadre stratégique pour la signature de partenariats commerciaux majeurs. Pour cette édition, l’objectif est ambitieux : dépasser les 43 milliards de dollars de conventions signées lors des précédentes éditions.
Pour les entreprises sénégalaises, cette foire représente une opportunité exceptionnelle de promouvoir leurs produits, d’élargir leur réseau commercial et de renforcer leur présence à l’échelle régionale et continentale. Depuis 2023, l’IATF intègre également un espace dédié aux industries créatives et culturelles — un domaine dans lequel le Sénégal se distingue par la richesse de son offre dans les services, la gastronomie et le textile.
Les modalités de participation sont multiples : réservation de stands, présence physique, sponsoring ou partenariats de visibilité. Au-delà de l’exposition commerciale, l’IATF permet également de dialoguer avec les acteurs clés de l’économie africaine et de contribuer aux grandes orientations des politiques économiques du continent.