Son épouse avait été, rappelons-le, interpellée à l’aéroport d’Ottawa, en septembre 2017, avec 208 000 euros en liquide. Mais il en faut plus pour faire taire cet officier propulsé au devant d’une Nation par les voies impénétrables du destin. Dans son livre intitulé » Je sais qui je suis », l’ex-Premier ministre burkinabé de la Transition, Yacouba Isaac Zida, en exil au Canada depuis janvier 2016, se livre à des révélations fracassantes (contre-vérités, selon ses détracteurs), sur plusieurs sujets et, notamment, sur la gestion des comptes de la présidence du Faso ouverts dans les livres de Coris Bank International. Volonté de s’auto-blanchir ? En tout cas, la réponse du PCA de Coris Bank, Idrissa Nassa, n’a pas tardé de venir. Nous vous livrons ci-dessous les accusations de Zida étalées sur deux pages de son livre et la réaction de la présidence de la banque.
La version de Yacouba Isaac Zida, à lire aux pages 246 et 247 de son livre « Je sais qui je suis »:
« Pour ce qui est de la fameuse somme appartenant à la présidence du Faso, il s’agissait à l’origine de trois comptes bancaires ouverts depuis de nombreuses années à Coris Bank International. Le président-directeur général de cette banque, Monsieur Idrissa Nassa, était venu me voir dès les premiers jours de la Transition alors que j’assumais encore les charges de Chef de l’Etat, pour me signifier l’existence de ces comptes dont le premier était intitulé « communication », le second « pèlerinage » et le troisième « intervention » et M. François Compaoré était le responsable de la gestion de chacun de ces comptes.
Etait-il préférable de laisser ces comptes sous la gestion de François Compaoré alors que ce dernier avait quitté le pays en même temps que le président Compaoré ? Je dois malheureusement préciser que le P-DG de Coris Bank était disposé à me livrer dans mes bureaux au CES tout cet argent dans une cantine. Il me suffisait de le lui permettre, car il en avait l’intention ; mais cette méthode opaque de gestion était contraire à mes principes.
C’est alors que j’avais plutôt instruit que ces comptes bancaires soient fermés et que les sommes soient cumulées et transférées dans un compte unique qui serait géré conjointement par le Directeur des affaires administratives et financières (DAAF) de la présidence du Faso, Monsieur Louis Achille Tapsoba ( a ne pas confondre avec l’autre Achille Tapsoba le politicien) et le lieutenant-colonel Nikièma Théophile, chef de cabinet militaire à la présidence du Faso… »
La réplique de Coris Bank International par la voix de son PCA, Idrissa Nassa:
Aux premiers jours de l’avènement du régime de la Transition et au lendemain de la rencontre entre les nouvelles autorités du pays et le secteur privé au sein du Conseil Economique et Social (CES), nous avons été convoqué via un appel téléphonique du Colonel Serge Alain Ouédraogo, alors Chef d’Etat-Major Adjoint de la gendarmerie nationale, à nous rendre au sein du CES (ce qui est tout à fait contraire aux propos de l’auteur qui affirme que « …Monsieur Idrissa Nassa était venu me voir dès les premiers jours… »).
A notre arrivée précisément le 05 novembre 2014, nous avons été conduit dans une salle où nous avons été reçu par les trois personnalités que sont le Lieutenant-Colonel Yacouba Isaac Zida et les Colonels Auguste Denise Barry et Boubacar Bâ. Il faut préciser que le Colonel Serge Alain Ouédraogo n’a pas participé à cet interrogatoire. Il s’est agi, au cours de cette première rencontre, de vérifier l’existence de comptes appartenant au Président Blaise Compaoré, son épouse Chantal et son frère François Compaoré. Nous avons expliqué que notre institution abritait plutôt des comptes institutionnels de la Présidence du Faso.
Suite à cela, plusieurs réquisitions de vérification et de gel de comptes nous ont été adressées ainsi qu’à d’autres banques de la place. Une seconde fois, nous avons encore été invité par le Colonel Serge Alain Ouédraogo à nous présenter au CES ; cette fois, il s’agissait pour le Lieutenant-Colonel Yacouba Isaac Zida de voir comment les fonds disponibles sur les trois comptes de la Présidence pouvaient être utilisés pour faire face à des besoins urgents. Nous avons expliqué que seuls les trois (3) mandataires qui étaient dûment habilités étaient autorisés à faire des opérations sur lesdits comptes.
C’est alors avec une fermeté ouverte qu’il exigera de nous la mise à leur disposition immédiate de ces fonds par des menaces à peine voilées. Soucieux du respect scrupuleux des procédures bancaires, en toute courtoisie nous lui avons marqué un refus assorti de la stricte indication des voies légales à suivre pour que ces comptes soient utilisables. C’est après ces échanges que la Banque a reçu le 17 novembre une demande de communication des soldes des comptes de la Présidence signée de M. Tibila Kaboré, Secrétaire Général assurant l’intérim du Ministre de l’Economie et des Finances (nous étions dans une période sans gouvernement).
Dès réception de notre réponse, le même jour, soit le 17 novembre (jour de désignation de Monsieur Michel Kafando comme Chef de l’Etat ), la banque a reçu un ordre sous en-tête de la Présidence du Faso et signé par le lieutenant-Colonel Yacouba Isaac Zida, Chef de l’Etat, pour la clôture des trois comptes existants et le transfert de leurs soldes dans un compte à ouvrir au nom de Transition/Bureau militaire avec comme mandataires le lieutenant-Colonel Théophile Nikiéma et Monsieur Louis Marie Achille Tapsoba. À la réception de ce courrier, nous avons joint au téléphone Monsieur Zida pour lui signifier que pour être régulier, il fallait que la demande d’ouverture du nouveau compte provienne du Ministère de l’Economie et des Finances.
C’est ainsi que sur son instruction, le 20 novembre 2014 (la passation du pouvoir au Président Michel Kafando était prévue pour le 21 novembre) la Banque a reçu du Secrétaire Général du Ministère de l’Economie et des Finances, M. Tibila Kaboré, qui assurait l’expédition des affaires courantes, l’autorisation d’ouverture du compte intitulé « Transition/bureau militaire ». Dès réception de ce courrier et vu que le dossier était devenu régulier, la Banque a procédé à l’ouverture du nouveau compte le 20 novembre et à la clôture des trois comptes le 24 novembre suivant les instructions dûment reçues, en conditionnant son fonctionnement au respect préalable des conditions internes d’informations des mandataires. C’est ainsi que les deux signataires, à savoir le lieutenant-Colonel Théophile Nikiéma et Monsieur Louis Marie Tapsoba, sont passés à la Banque, successivement le 24 et le 26 novembre 2014, pour accomplir leurs obligations d’informations et dès le 27 novembre 2014, les retraits sur le compte ont débuté.
La Banque a reçu le 12 mars 2015 un courrier de la Présidence du Faso signé par Monsieur Mathieu Tankoano alors Directeur de Cabinet qui était à la recherche d’informations sur le compte principal ( Appui communication Présidence du Faso ) dont le signataire était son prédécesseur Mr Topan Mohamed Sané. Nous avons fourni toutes les informations et il a été retenu qu’ils iront vers le Premier Ministre Zida pour mieux comprendre.
Nous rappelons que les trois comptes institutionnels de la Présidence étaient effectivement intitulés comme suit :
– Appui communication de la Présidence (ouvert le 07 avril 2014) ;
– Intervention Présidence du Faso, (ouvert le 18 septembre 2014) ;
– Comité national de pèlerinage Présidence du Faso (ouvert le 16 octobre 2012).
Contrairement aux affirmations de M. Zida, ces comptes n’ont pas été ouverts depuis de longues années et n’appartiennent nullement à Monsieur François Compaoré.
Il faut également préciser que contrairement à l’affirmation faite par l’auteur de l’ouvrage à la page 250, il paraît absurde que Monsieur Idrissa Nassa lui aurait déclaré que les ressources détenues dans ces comptes provenaient d’une autre source alors que ces fonds ont été reçus du Trésor public.
Tous ces documents cités ainsi que les relevés des différents comptes ont été mis à la disposition de l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE/LC) dans le cadre de ses investigations sur lesdits comptes.
Au vu de tout ce qui précède, nous ne comprenons pas les motivations réelles des allégations faites dans ce livre et qui tendent à porter atteinte à l’image de Coris Bank International, qui a fait preuve de professionnalisme en veillant, envers et contre toutes les pressions, au strict respect de la réglementation bancaire et de ses procédures internes.
Quand on sait qui on est, suivant le titre du livre, on doit savoir se défendre avec honneur et dignité sans chercher à salir les autres.
À Coris Bank International, nous croyons fortement en Dieu et par respect pour ce même Dieu que l’auteur ne cesse d’évoquer dans son livre, il a l’obligation morale de rétablir la vérité, s’il a vraiment la foi comme il le prétend.
Nos commentaires
A noter que l’ouvrage de l’ancien numéro 2 de la garde présidentielle de Blaise Compaoré, intitulé Tome 1, aura sans doute une suite. Paru en plein cours du procès pour atteinte à la sûreté de l’Etat, visant plusieurs hauts gradés de l’ex-régime, cet ouvrage de 332 pages vise à blanchir son auteur sur plusieurs sujets au cours de la période trouble de transition qui a commencé par une sanglante insurrection, les 30 et 31 octobre 2014. Selon les données publiées par le Mouvement burkinabè des Droits de l’Homme et des peuples (MBDHP), 34 personnes ont été tuées lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 sur l’ensemble du territoire national dont 21 à Ouagadougou. 7 personnes sur les 21 sont tombées sous les balles duRégiment de sécurité présidentielle (RSP) dont Zida était le numéro deux .
Celui qui estime que le président Roch Marc Christian Kaboré (dont il voulait être ambassadeur auto-désigné à Washington DC) n’est pas à la hauteur de la mission nourrit-il d’autres ambitions au delà de sa volonté légitime de s’auto-blanchir?