Depuis qu’il a déserté Davos où il n’était plus en cour, Richard Attias a découvert les charmes surannés de la savane africaine, terre florentine où le fait de Prince s’applique encore de manière souveraine et le montant des marchés remportés est souvent un secret… d’Etat.
Adama Wade
Après deux éditions du NewYork Forum Africa à Libreville, l’homme d’affaires enchaîne les prestations sur mesure sans se soucier des tambours de la société civile, notamment gabonaise. Pour 2014, le carnet de commande est plein de bonnes affaires du Gabon, de la Guinée Equatoriale, du Congo Brazzaville…Cette impressionnante progression de chiffre d’affaires a attiré un géant de la communication, le britannique WPP, désormais actionnaire du cabinet Attias & Associates, à hauteur de 30%. De quoi agrandir l’aura du mari de Cécilia.
« Les chefs d’Etat de l’Afrique francophone se l’arrachent. il est leur nouveau talisman« , rit sous cape un consultant en communication qui voit dans l’entregent du quasi-gourou, « un nouveau Jacques Foccart, mais des affaires ». L’éclat princier de monsieur Attias auprès du syndicat des chefs d’Etat africains a fini par éclipser les intermédiaires classiques du siècle dernier comme le très françafricain Robert Bourgi ou le très oxydé Loïc Le Floch Prigent.
« Dans les années 90, les chefs d’Etat africains avaient la hantise des coups d’Etat. ils se rapprochaient des barbouzes et des intermédiaires du Quai d’Orsay et de la DGSE pour rester dans les faveurs de l’Elysée. Fort heureusement aujourd’hui, il n’est plus question que de l’émergence et l’on s’arrache des Richard Attias, des Christine Ockrent, qui peuvent nous ramener des Copé à Brazaville et des Vedrine à Libreville. Les chefs d’Etat africains cherchent la reconnaissance par l’association d’image« , tance notre interlocuteur qui déclare que bien souvent communicants et journalistes laissent l’éthique dans les vestiaires en se rendant en Afrique.
Est-ce dans cette ambiance qu’il faut situer la percée de monsieur Attias au Sénégal? Début janvier 2014, la polémique éclate à propos d’un marché de gré à gré pour l’organisation du 15e sommet de la Francophonie qui se tiendra en novembre 2014 à Dakar. Dans ce pays où la bonne gouvernance constitue un axe important de la seconde alternance démocratique vécue en mars 2012, l’affaire est abondamment commentée par les médias et la société civile.
Ainsi, lors d’une rencontre avec la presse, début janvier, le comité d’organisation de la francophonie se laisse surprendre par une question de Maimouna Ndour Faye, journaliste à la 2STV , qui voulait en savoir un peu plus sur les conditions d’attribution de ce marché. Jacques Habib Sy, délégué général de la francophonie et sont adjoint, Pape Masène Sène, livrent alors des réponses contradictoires.
Le premier se fend d’une étonnante. « C’est le Président qui a donné le marché. Si vous en avez l’occasion, posez la question au Président ! ». Son adjoint répliquera immédiatement: « ce n’est pas responsable d’associer le président à cette affaire » en rappelant à Habib Sy, à juste titre d’ailleurs, que c’était bien sa signature qui figurait en bas du contrat de monsieur Attias. Les deux responsables cafouillent et se contredisent en public.
Un mois plus tard, début février, El Hadj Kassé, conseiller du président Macky Sall détaché à l’organisation du sommet, apporte son point de vue quasi-philosophique: « La vertu ne signifie pas une attitude attentiste par rapport à des urgences, c’est-à-dire la procédure d’appel d’offres qui n’est pas forcément plus vertueuse que la procédure du gré à gré « , déclare-t-il dans les ondes de la radio Rewmi.
.Il faut dire que ce n’est pas la première fois que le publicitaire franco-marocain chasse les marchés de communication en terre sénégalaise. Son nom a été cité à tort et à raison dans le scandale de l’organisation du dernier sommet de l’OCI (Organisation de la conférence islamique) au Sénégal. Et il a fallu toute la détermination de son avocat, Me Julia Minkowski, pour démentir la presse sénégalaise faisant étant de liens entre Attias et une facture de 2,3 milliards de francs CFA (environ 3,5 millions d’euros) versée par le port autonome de Dakar pour la location d’un bateau.
Richard Attias qui déclare dans Le Point qu' »un nouveau citoyen africain se dessine aujourd’hui » le sait sûrement, ce nouveau citoyen qu’il appelle de ses voeux ne pourrait souffrir longtemps d’entente directe et de gré à gré. L’intérêt sincère qu’il voue à l’Afrique devrait le convaincre d’aller au delà des déclarations d’amour.