L’Etat du Cameroun s’apprête à mettre 50 milliards, sur cinq ans, au profit de producteurs de cacao et café nationaux. Administrateur du Fonds de développement des filières café et cacao (FODECC), Samuel Donatien Nengue dévoile les lignes de force de ce nouveau véhicule de financement.
Quelle est l’origine des subventions qui vont être alloués aux producteurs ?
Précisons d’emblée que les ressources du Fonds proviennent de la redevance à l’exportation du cacao et du café, des produits issus des amendes résultant de l’exportation des produits de mauvaise qualité, des contributions diverses, des dons et legs de toute nature. Ces ressources sont collectées par le Fonds ou des intermédiaires, versées totalement et directement au compte du FODECC ouvert auprès de la Banque des Etat d’Afrique centrale (BEAC). Ajoutons que les paiements, par le Fonds, s’effectuent à partir des comptes ouverts par l’Administrateur que je suis auprès des établissements bancaires agréés. C’est le lieu de signaler que le Fonds ne peut contracter d’emprunt et que sa gestion est soumise à des audits techniques, comptables et financiers. Le montant global des subventions n’est pas encore fixé. Mais nous savons déjà que le Cameroun va mettre 50 milliards de FCFA, sur 5 ans, dans le financement du cacao et du café. Il est important de souligner que les subventions données dans le cadre du «Guichet Producteurs» ne se font pas en numéraire. C’est la conversion d’une donation publique en faveur du producteur, mais à travers des intrants agricoles, fertilisants et autres besoins de production exprimés par les producteurs eux-mêmes. Les infrastructures ne sont pas concernées dans un premier temps, mais il est prévu qu’on aille jusqu’à leur subventionnement. Le FODECC s’évertue à mettre directement à la disposition du producteur des subventions sans aucune intermédiation. Il gagne en temps, on le responsabilise, il prend confiance, ça coûte moins cher et il a plus de produits.
La téléphonie mobile aura assurément un rôle majeur à y jouer ?
Nous allons effectivement connecter l’agriculture de seconde génération aux technologies de l’information et de la communication. Notre objectif est d’être au plus près des besoins du producteur. A cet effet, le FODECC va mettre en place un numéro vert permettant à tout producteur, où qu’il se trouve, et doté d’un smartphone et d’une puce fonctionnelle, de notifier, d’informer et de signaler. Il est très important de souligner que ce numéro vert installe progressivement ce qui, demain, sera probablement porté par plusieurs administrations sectorielles en termes de centres d’appel avec pour objectif clé d’apporter des premières réponses en cas de sollicitation et d’interventions d’urgence. Avec le numéro vert, on s’inscrit résolument dans une démarche qualité. En clair, nous préparons tout ce qui peut bénéficier au producteur.
On parle d’environ 15 établissements bancaires mobilisés autour du projet… ?
C’est exact ! Et les établissements de microfinance (EMF) ne sont pas en reste. Nous avons huit bassins de production et les EMF sont parfois installés sur un bassin ou plusieurs. Donc, tous les EMF qui en ont la qualité seront mobilisés dès lors qu’ils appartiennent à un réseau encadré par une banque de premier ordre. L’enjeu est de rapprocher les subventions du producteur. D’où la concertation avec les opérateurs de téléphonie mobile, pour les transferts d’argent et l’échange de données avec notre plateforme. Je précise, à toutes fins utiles, que les ressources mobilisées par le « Guichet Producteurs » proviennent de la redevance à l’exportation du cacao et du café, des produits issus des amendes résultant de l’exportation des produits de mauvaise qualité, des contributions diverses, des dons et legs de toute nature.
Y a-t-il lieu d’affronter une concurrence dans l’obtention des subventions ?
Je vais être très clair : la concurrence ne peut pas exister en matière de subventions de première catégorie. Mais l’enveloppe est limitée annuellement. Ce qui veut dire concrètement que le premier venu sera le premier servi. Graduellement, le mécanisme de subvention voudrait qu’on progresse dans le cadre des aides qu’on accorde pour que la subvention bénéficie de manière équitable à tous les producteurs, tout au moins la subvention de catégorie 1. On est obligé de jouer habilement pour que les mêmes ne perçoivent pas la subvention d’une année à l’autre. On a un mécanisme d’extension progressive de la subvention pour que si elle a servi à un l’année n, qu’elle serve à un autre en n+1. Et ainsi de suite. Nous nous appuierons sur l’électronique et la gestion des bases de données pour assurer le respect de cette équité. A l’arrivée, nous avons un mécanisme de suivi-évaluation-audit pour éviter les doublons.
Comment va concrètement fonctionner ce « Guichet Producteurs » ?
Nous avons une communauté de banquiers avec laquelle nous négocions la bancarisation du monde paysan, en la mettant autour des établissements de microfinance et du système bancaire. On leur ouvre ainsi la voie à des opportunités d’affaires multiples. Une fois considérés comme des agents économiques à part entière, on sait que les producteurs éligibles à d’autres types de financements pourront couvrir leurs besoins comme n’importe quel opérateur économique de la vie nationale. Nous négocions avec des agro-dealers qui sont des pourvoyeurs d’intrants agricoles, de petits équipements agricoles et qui vont participer au processus de mobilisation des équipements et des intrants autorisés par les subventions. Le producteur n’aura plus besoin de se déplacer sur de longues distances pour avoir droit et bénéfice à ce dont sa plantation a besoin. A terme, l’idée est que les services déconcentrés participent, à nos côtés, à l’analyse de l’opportunité de financer le producteur notamment pour les questions liées aux plans d’affaires. Au surplus, il s’agira d’accompagner les producteurs par des appuis-conseils dans le cadre de l’épandage des fertilisants, de la lutte antifongique et de l’utilisation du petit équipement agricole que les différents groupes cibles pourront solliciter.
D’un point de vue stratégique, quel est l’effet final recherché ?
Nous voulons anticiper sur les marchés. Le rythme des plantations doit être suivi et les plants doivent être approvisionnés pour que le producteur en tire le meilleur bénéfice possible. Tout ce qui est fait ne vise qu’une chose : donner un meilleur avenir au producteur de cacao et de café qui est au départ et à la fin de tout le processus. Le but c’est qu’il produise suffisamment, sécurise la production qui malheureusement est parfois perdue à hauteur de 50%. S’il parvient déjà à récupérer tout ce qu’il produit, c’est la première victoire. La deuxième victoire, c’est qu’il faudrait que le dispositif l’accompagne pour améliorer la qualité du produit marchand à venir. Aujourd’hui, au prix où il commercialise son cacao ou son café, nous savons qu’il n’est pas le meilleur des agents économiques. L’idée est de l’accompagner pour qu’il vende mieux sa production à des prix raisonnables. Les indications de prix avec les acteurs qui ont été reçus par les membres du gouvernement ces derniers temps montrent qu’on peut passer de 800 FCFA à 1600 FCFA le kg de cacao.