La conférence de présentation du livre du banquier Cheikhna Bounajim Cissé « Construire l’émergence, Un pari pour l’avenir » a fait salle comble, le samedi 17 décembre, au Radisson Blu de Bamako. La plus haute institution du pays en la personne du président Ibrahima Boubacar Keita a adressé un courrier de félicitations à l’auteur et délégué son conseiller technique en charge des questions économiques à venir le représenter à la conférence. L’ancien premier ministre, Moussa Mara était de la partie, tout comme le chef de file de l’opposition, Soumaila Cissé, le ministre en charge de la promotion des investissements, Konimba Sidibé, ainsi que des leaders religieux, musulmans et catholiques.
Dans ce livre bien documenté par les ressources académiques, l’expérience du banquier et les arguments de l’économiste, l’auteur explore les voies et moyens de l’émergence. Le style est agréable. « Cet ouvrage est le cri de cœur d’un banquier malien, meurtri de voir son si riche pays et son immense continent pointer, sans discontinuité, parmi les plus pauvres du monde.», lit-on d’emblée dans la préface signée par Alphady Cissé, ancien procureur général de la Cour d’appel.
L’auteur passe en revue les différents paradigmes du développement appliqués sur l’Afrique comme les PAS, les OMD et les ODD qui reproduisent les mêmes schémas d’assistance renouvelés d’échéance en échéance sous de nouveaux emballages, avec en toile de fond le mirage d’un développement ou « émergence » (pour reprendre l’expression en vogue) à atteindre.
Extraits: Voilà comment le système mondial se perpétue. Tous, ou presque, à commencer par les gouvernants locaux se disent que dans les pays en développement, leur destin funeste est ainsi fait et que rien ne peut le changer. Ainsi, il faut laisser le peuple à sa détresse, entretenir un faux espoir, et se préoccuper de son propre sort et de celui de ses proches. Et cette posture qui débouche inévitablement sur la mal gouvernance, la désaffection pour l’intérêt général et le bien public, et tout son lot de désolations (impunité, désordre, corruption généralisée, etc.) prévues et même programmées par le système du fait qu’ils en assurent la survivance. Et la boucle est bouclée : le cercle vertueux vanté et incarné par les promoteurs du système ultra-libéral dans les discours, les rapports, les forums et autres conférences se mue en cercle vicieux avec une chape de plomb sur les pays perfusés et une épée de Damoclès au-dessus de la tête de leurs dirigeants. Qui est fou ? Le fou est-il atteint de folie ou est-il joyeux de sa folie ? Pourtant, cette théorie de la résignation auto-entretenue (du « rien n’est possible ») est fausse, non pas qu’il y a un déni de la réalité mais plutôt que celle-ci n’est pas figée dans de l’airain. C’est une posture qui entretient inutilement la flemme, et au mieux le dilemme. Et il faut s’en inquiéter, surtout pour tous ces jeunes, en grande difficulté, qui désespèrent de pouvoir espérer. Espérer, un jour, un monde meilleur fait de paix, de justice et de travail, est-ce trop demander aux dirigeants ? »
« Construire l’émergence, Un pari pour l’avenir : 12 axes d’action, 100 propositions pour booster le financement de l’économie », Editions BoD.
Cheickna Bounajim Cissé, Economiste et essayiste