La monnaie nigériane a chuté de 30%, lundi 20 juin, après que la Banque Centrale ait décidé de la laisser flotter librement. C’est la fin d’une bataille implacable contre les forces du marché. Depuis 16 mois, la Central Bank tente de maintenir un change à 197 nairas contre 1 dollar donnant « une illusion de sécurité » aux agents économiques selon les analystes de la Gordon Institute for Business Science. Des milliards de dollars puisés dans les réserves de change ont ainsi été utilisés. Peine perdue car, pendant ce temps, les spéculateurs continuaient d’alléger leurs positions sur une monnaie nigériane « en respiration artificielle ».
Au plus fort de la débâcle du lundi, la CBN a utilisé la manière forte: bloquer les carnets d’ordre sur le marché de change (demande de 4 milliards de dollars à la mi-journée ) qui a enregistré moins d’un million de dollars de transactions. Pendant ce temps, les cambistes se remplissaient les poches dans le marché noir où la barre 325 naira/ 1 dollars a été allègrement franchie et dépassée. A l’heure de la fermeture du marché officiel (16 heures GMT), le dollars s’obtenait contre 345 nairas voire plus. Ainsi, en l’espace de deux séances de cotations, entre vendredi et lundi, la monnaie nigériane est passée de l’intervalle des 210-290 nairas pour un dollar au voisinage des 400 nairas.
Face à la psychose, la CBN a sorti une vieille ficelle classique: injecter le marché interbancaire de liquidités (dollars) pour stabiliser le taux et calmer la rue. La CBN a d’abord cédé un paquet de 530 millions de dollars à raison de 280 nairas pour un dollar puis injecté un second paquet de 86,5 millions de dollars dans le marché interbancaire à raison de 281 à 285 nairas pour un dollar. Ces différentes mesures de régulation n’ont pas stoppé l’hémorragie.
Les choses devront néanmoins se stabiliser à court terme selon les prévisions officielles. Dans une lettre adressée au président Muhammadu Buhari, le 3 juin 2016, le gouverneur de la Banque Centrale dit espérer que le change du naira avec le dollar va se situer autour des 250 nairas pour un dollar. Très dépendant du pétrole, le Nigeria a vu son PIB se contracter de 0,4% au terme du premier trimestre 2016.
En laissant le marché fixer librement le cours du naira, Lagos abandonne aussi une certaine idée du rôle de l’Etat. Le processus acommencé en2011 avec le démantèlement de la politique de subvention des produits pétroliers, œuvre de Ngozi Iweala, qui venait de tronquer sa caquette de directrice de la Banque Mondiale par celle du ministre de l’Economie et des Finances. Cela va certainement se poursuivre avec l’abandon de l’once de nationalisme (obligeant par exemple les entreprises étrangères à s’associer avec des locaux) qui a fabriqué des Aliko Dangote et des Tony Elumelu.