
Ouagadougou: 20 ans de politique agricole de l’UEMOA Bilan et perspectives
I. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
Le secteur Agricole1 est l’un des moteurs de l’économie des pays de l’Espace UEMOA. Au cours de la décennie passée, il a contribué en moyenne pour 30% au PIB régional et a engendré autour de 20% des échanges commerciaux. Il procure près de 60% des recettes d’exportation et approvisionne en matières premières les autres secteurs de l’économie, notamment l’industrie et l’artisanat. Il occupe, selon les pays, entre 60 à 85 % de la population active, constitue la principale source de revenus de la majorité de la population, et contribue de façon fondamentale à la souveraineté alimentaire et nutritionnelle. Malgré cet important rôle, le secteur reste confronté aux problématiques majeures ci-après : (i) l’absence d’un cadre attractif pour l’investissement agricole privé ; (ii) la faible structuration des filières agricoles et (iii) la faible productivité des filières prioritaires sur toute la chaîne de valeur et peine à assurer une production satisfaisante.
En réponse aux enjeux du développement du secteur sus-décrits, la Commission a adopté en 2001 la Politique Agricole de l’Union (PAU)2 dont la coordination de la mise en œuvre est à la charge du Département de l’Agriculture, des Ressources en Eau et de l’Environnement (DAREN).
Les interventions de cette Politique sont structurées autour de trois (3) axes : (i) l’adaptation des systèmes de production et l’amélioration de l’environnement de la production, (ii) l’approfondissement du marché commun dans le secteur agricole et la gestion des ressources partagées et (iii) l’insertion de l’agriculture de l’Union dans les marchés sous régional et mondial.
Cette PAU a été déclinée à travers le Programme Communautaire Décennale de Transformation de l’Agriculture pour la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle dans l’UEMOA (PCDTASAN, 2016-2025) dont les objectifs spécifiques tournent autour de l’amélioration de la couverture des besoins alimentaires par les productions nationales (i), la réduction de la proportion de la population de l’espace communautaire exposée à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle (ii) et l’amélioration des revenus des opérateurs agricoles dans les Etats Membres (iii).
Ainsi, au bout de deux décennies de mise en œuvre, d’importants acquis peuvent être relevés :
o une amélioration sensible des systèmes de production agro-pastorales et Halieutiques avec un accroissement timide des productions : la production céréalière enregistre une croissance annuelle moyenne de 4% sur la période de 2012 à 2019. Cette performance, malheureusement au détriment des rendements, est en deçà des objectifs de Maputo (6%). Les systèmes à base de tubercules enregistrent en outre une croissance annuelle moyenne de 6%. Enfin, la production halieutique se situe autour de 880 000 tonnes en 2021, couvrant seulement 53% des besoins minimums en poisson estimés à 15 kg/personne/an ;
o l’amélioration du cadre règlementaire sanitaire et phytosanitaire et sur les intrants agricoles avec l’adoption et la mise en œuvre, notamment du Règlement n°07/2007/CM/UEMOA relatif à la sécurité sanitaire des végétaux, des animaux et des aliments ;
o le développement des filières agricoles, à travers, en plus de la structuration de certaines filières jusqu’au niveau régional, des appuis aux Etats ont permis d’améliorer les infrastructures de production, de commercialisation, de stockage et de transformation des produits agricoles : aménagements hydro-agricoles, magasin de stockage (350 mille m3) ; marchés à bétail ; abattoirs réhabilités ;
la mise en place d’instruments pertinents de financement et de gouvernance des interventions dans ledit secteur : Fonds Régional pour le Développement Agricole (FRDA), Système d’Information Agricole Régional (SIAR), Cadre Consultatif Régional des Filières Agricoles, Comité de Haut Niveau sur la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (CHN-SAN).
Malgré ces efforts, l’analyse actualisée du secteur révèle une situation complexifiée avec des défis réitérés à relever, dans un contexte marqué par l’émergence de nouveaux enjeux plus existentiels (sécuritaire et sanitaire) :
o une stagnation des productions céréalières et de tubercules : il est enregistré une régression de 13% de la production céréalière de la campagne agricole 2021/2022 par rapport à la campagne 2020/2021. Quant à la production de tubercules, il est noté un recul d’un point de pourcentage ;
o une détérioration continue de la situation alimentaire et nutritionnelle de la région, notamment dans les pays du Sahel (Niger, Burkina Faso et Mali) : les analyses du Cadre Harmonisé indiquent que plus de 12,5 millions de personnes sont en insécurité alimentaire pendant la période de soudure, entre juin et août 2022 dans la Zone UEMOA. En plus des résultats catastrophiques de la campagne agricole 2021/2022 dans les Etats sahéliens, cette situation tient à la combinaison des facteurs sécuritaires et sanitaires ;
o la situation de la pauvreté dans l’Union peu reluisante : les dernières analyses de la Commission de l’UEMOA (2020), font ressortir des incidences de la pauvreté variant de 75,5% pour le Niger à 32,6% pour le Sénégal, soit un tiers des individus serait affecté dans ce dernier pays ;
o une efficacité globale des interventions dans le secteur Agricole restant un enjeu : elle demeure une exigence dans la région de l’Afrique de l’Ouest où plusieurs Institutions techniques et d’intégration (CILSS, CEDEAO, UEMOA, Banques, etc.) cohabitent pour les mêmes objectifs mais évoluant dans des cadres différents d’orientation et de gouvernance ;
o une dégradation brutale de la situation sécuritaire de la région qui risque de remettre fondamentalement en cause l’existence même des Etats et de l’Union et de compromettre la réalisation de l’objectif primaire de notre Organisation d’intégration qui est la libre circulation des personnes, des capitaux, des services et des biens.
Au regard de ce qui précède, il apparait légitime de questionner l’efficacité et la pertinence des politiques publiques mises en œuvre jusqu’alors afin de se projeter sur les plus adaptées, à même de porter le secteur Agricole de la région au niveau souhaité en vue d’assurer efficacement la triple fonction attendue à savoir (i) assurer les besoins alimentaires des populations de l’Union qui seront majoritairement urbaines en 2050 et (ii) fournir des emplois et des revenus décents aux populations, notamment les jeunes et les femmes et (iii) contribuer fortement aux recettes d’exportation.
C’est dans ce contexte que la Commission juge nécessaire de procéder à la relecture de la PAU qui doit capitaliser les acquis et les enseignements des deux décennies de sa mise en œuvre, tenir compte des besoins actuels et projetés de services et de biens des acteurs agricoles et des consommateurs et créer les conditions de transformation durable des chaines de valeur et des systèmes de production et de transformation.
Aussi est-il proposé que la relecture de la PAU soit enclenchée par l’organisation d’un colloque sur les champs d’action du DAREN en mettant en avant d’une part le bilan des deux décennies de mise en œuvre de la PAU et d’autre part les perspectives de l’Agriculture de l’Union en lien avec les agendas internationaux, tout en mettant l’accent sur des notions de marché, de revenu, de pouvoir d’achat, de disponibilité et d’accessibilité aux services de base.
Au regard de la conjoncture actuelle en lien avec le contexte marqué par une addition de quatre crises (économique, sécuritaire, politique, climatique) aux conséquences multiples, la colloque sera, en particulier, orientée sur les enjeux d’autosuffisance alimentaire et de développement des chaines de valeur agricoles.
Le colloque va également permettre de contribuer à la vision 2040 de la Commission de l’UEMOA.
II. OBJECTIFS DU COLLOQUE
II.1. Objectif principal
La colloque sur la sécurité et la souveraineté alimentaires s’inscrit dans la dynamique du bilan des deux décennies de mise en œuvre de la PAU et servira de cadre privilégié agricole pour échanger sur les acquis et analyser les enjeux et défis de l’Agriculture dans la perspective d’une relance de la transformation de cet important secteur dans l’Union.
II.2. Objectifs spécifiques
Le colloque permettra, de façon spécifique, de :
- – analyser les acquis et les enseignements des décennies de mise en œuvre de la PAU et des politiques nationales agricoles ;
- – analyser les grandes tendances et trajectoires du secteur Agricole et dégager des éléments prospectifs adossés notamment aux agendas internationaux, de l’Agriculture dans l’Union ;
- – formuler des recommandations concrètes en direction des Etats membres et de l’Union en lien avec l’autosuffisance alimentaire et le développement des chaines de valeurs agricoles.
III. RESULTATS ATTENDUS
Les résultats suivants sont attendus :
- – les acquis et les enseignements des décennies de mise en œuvre de la PAU et des politiques nationales agricoles sont analysés ;
- – les grandes tendances et trajectoires du secteur Agricole sont analysées et des éléments prospectifs adossés notamment aux agendas internationaux, de l’Agriculture dans l’Union sont dégagés ;
- – des recommandations concrètes en direction des Etats membres et de l’Union sont formulées dans les domaines de l’autosuffisance alimentaire et le développement de chaines de valeurs agricoles.
IV. APPROCHE METHODOLOGIQUE ET THEMES A TRAITER
Le colloque sur la sécurité et la souveraineté alimentaire se déroulera sur trois (03) journées. En lien avec les résultats attendus, les analyses seront organisées autour de quatre centres d’intérêt :
a) le bilan de la production et des échanges agricoles dans le cadre de la mise en œuvre de la PAU au cours des deux dernières décennies : Il s’agira de faire une analyse approfondie du niveau de mise en œuvre des axes de la PAU et résultats obtenus ; de l’évolution des agricultures (production, productivité et compétitivité des productions végétales, animales, halieutiques et sylvicoles) de l’UNION ; de la dynamique des échanges régionaux et internationaux de produits agricoles, des tendances de la dépendance aux importations, de l’évolution des revenus des ménages, de l’emploi des jeunes dans le secteur, de l’évolution de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, de la prise en compte des enjeux environnementaux, de durabilité ainsi que les besoins d’adaptation aux aléas et au changement climatiques. Un accent particulier sera mis sur les réalisations accomplies à travers les programmes et les projets exécutés dans le cadre de l’opérationnalisation de la Politique. Ce point pourrait être mis en évidence pour expliquer leurs contributions aux changements (production, et autres) analysés plus haut ;
b) l’analyse du cadre institutionnel et des instruments de politique publique pour la mise en œuvre de la PAU :
Il s’agit de faire une analyse des forces, atouts, faiblesses, opportunités et menaces du cadre institutionnel et des instruments de politique publique déployés pour accompagner la mise en œuvre de la PAU. Cette analyse doit interroger la fonctionnalité, l’efficacité et l’efficience des instances de pilotage politique, d’exécution technique et de concertation, d’une part ; la portée des réformes engagées, la qualité et la quantité des investissements, la qualité et la portée de l’implication des acteurs nationaux et régionaux, le degré et l’efficience, voire la durabilité des synergies avec les autres OIG, (CEDEAO, CILSS, ALG, G5 Sahel, CORAF, etc.) ;
c) l’étendue et les limites des mécanismes de financements agricoles : Une attention particulière sera accordée aux mécanismes de financement mis en place, en s’intéressant à trois dimensions : (i) l’évolution des ressources budgétaires nationales consacrées aux investissements dans le secteur agrosylvopastoral et halieutique, (ii) les soutiens publics à l’agriculture, (iii)les instruments régionaux de financement de l’Agriculture. Cette analyse qui se fera sous les angles micro, méso et macroéconomiques, devra aussi prendre en compte les conditions de crédit appliquées par le système bancaire et les systèmes financiers décentralisés aux exploitants agricoles, avec un regard particulier sur les exploitations agricoles familiales. Elle doit déboucher sur des recommandations visant à accroitre le financement de l’agriculture dans la région, et à faciliter l’accès au crédit au monde rural en général ;
d) les perspectives de développement agricole dans l’Union : Au niveau de ce centre d’intérêt, il s’agit de s’interroger sur les orientations de l’action publique de l’Union dans le secteur agrosylvopastoral et halieutique à l’horizon 2040 dans une perspective claire de sécurité et de souveraineté alimentaires. Elle suppose une analyse objective des enjeux et des défis du secteur agrosylvopastoral, halieutique et alimentaire et plus globalement des systèmes alimentaires de la région, d’une part et des domaines ou sous-secteurs où l’action publique de l’Union pourrait non seulement être visible, mais efficace au regard des interventions portées par les autres OIG. Il sera aussi nécessaire d’analyser les implications politiques des choix objets des recommandations.
IV. DATE ET LIEU
Le colloque se tiendra à Ouagadougou (Burkina Faso) du 10 au 12 octobre 2023 à l’hôtel LANCASTER, Ouaga 2000.
V. PARTICIPANTS
Prendront part à ce colloque, les catégories de participants ci-après :
- les Etats membres de l’Union (Ministères en charge de l’Agriculture, de l’Elevage, de l’Environnement, des ressources naturelles, du cadre de vie, les agences nationales) ;
- les Départements de la Commission de l’UEMOA ;
- les Institutions de l’Union (BCEAO, BOAD) ;
- les Organisations Intergouvernementales de la région (CEDEAO, CILSS, ALG) ;
- les Banques de Développement (BAD, BID, BIDC) ;
- les Organisations de producteurs, pasteurs, secteur privé et de la Société Civile (organisations paysannes nationales et régionales) ;
- les organisations de recherche-développement africaines et internationales ;
- les organisations de facilitation du dialogue multi acteurs ;
- les institutions Onusiennes en charge des questions du développement rural et de la préservation de l’environnement et des ressources naturelles ;
- les ONG internationales actives dans le développement rural et de la préservation de l’environnement et des ressources naturelles, la lutte contre la faim et la malnutrition ;
- les partenaires techniques et financiers ;
- des personnes-ressources dans les domaines d’intervention du DAREN, etc.
VII. PROJET D’AGENDA
La conférence se déroulera sur trois (3) jours autour de cinq sessions :
1ère journée : le 10 octobre 2023
a. Session introductive. Elle comprendra deux événements majeurs:
(i)la cérémonie présidée par le Président de la Commission de l’UEMOA, et (ii) la conférence inaugurale sur les enjeux et les défis actuels du développement agricole en Afrique.
b. Session 1 : Bilan de la production et des échanges agricoles dans le cadre de la mise en œuvre de la PAU Elle comportera trois séquences majeures :
2ème journée : le 11 octobre 2023
c. Session 2 : Analyse du cadre institutionnel et des instruments de politique publique pour la mise en œuvre de la PAU
Elle comportera trois séquences :
- une séance introductive consacrée à la présentation des conclusions du document de travail, suivie de débats généraux ;
- des travaux de groupes pour approfondir les réflexions autour de trois sous thèmes : (a) les enjeux institutionnels de pilotage de la politique agricole, (b) les instruments de politique agricole et alimentaire, (c) les enjeux de la structuration des acteurs des chaines de valeur ;
- une séance de synthèse consacrée à la restitution des travaux de groupes et à la formulation des recommandations stratégiques. d. Session 3 : Etendue et limites des mécanismes de financement agricoles Elle comportera trois séquences :
- une séance introductive consacrée à la présentation des conclusions du document de travail, suivie de débats généraux ;
- des travaux de groupes pour approfondir les réflexions autour de trois sous thèmes : (a) l’évolution des ressources budgétaires nationales consacrées aux investissements dans le secteur agrosylvopastoral et halieutique, (b) les soutiens publics à l’agriculture, (c) les instruments régionaux de financement de l’Agriculture ;
- une séance de synthèse consacrée à la restitution des travaux de groupes et à la formulation des recommandations visant à accroitre le financement de l’agriculture dans la région, et à faciliter l’accès au crédit au monde rural en général.
3ème journée : le 12 octobre 2023
une séance introductive consacrée à la présentation des conclusions du document de travail, suivie de débats généraux ;
des travaux de groupes pour approfondir les réflexions autour de trois sous thèmes : (a) comment passer de la sécurité à la souveraineté alimentaire dans l’Union, (b) quelles coordination et synergie avec la BOAD, la BCEAO, la CEDEAO, le CILSS, l’UA ? (c) quels domaines de spécialisation pour valoriser au mieux les savoir-faire de l’UEMOA ? ;
une séance de synthèse, consacrée à la restitution des travaux de groupes et à la formulation des recommandations stratégiques.
f. Session 5. Conclusions et recommandations. Cette session portera sur la rédaction, la présentation et la validation du relevé de conclusions de la conférence, d’une part et à la cérémonie officielle de clôture. Elle pourrait être présidée par le Président de la Commission de l’UEMOA.