Par Demba MBAYE,
Économiste et Consultant en Transition Énergétique
Dans un contexte mondial marqué par les tensions économiques et les incertitudes géopolitiques, le Congo fait le pari de la diversification et de l’ouverture. Le pays vient de conclure un accord stratégique avec les Émirats Arabes Unis, couvrant les secteurs de l’énergie, du numérique, de l’agriculture et des infrastructures. Une alliance de long terme, portée par la diplomate Françoise Joly, qui positionne Brazzaville comme un acteur clé en Afrique centrale.
Alors que les Réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale se tiennent à Washington du 21 au 26 avril 2025, dans un climat mondial marqué par des tensions économiques croissantes, le Congo tire son épingle du jeu. Tandis que les perspectives de croissance en Afrique subsaharienne sont revues à la baisse par le FMI — passant de 4,2 % à 3,8 % — et que la guerre commerciale relancée par les États-Unis enflamme les échanges internationaux, le Congo affiche une stratégie résolument tournée vers l’avenir : diversification économique, ouverture internationale, et partenariat inédit avec un acteur majeur du Golfe, les Émirats arabes unis.
Une diplomatie économique volontariste
Au cœur de cette dynamique, un accord économique global a été conclu entre la République du Congo et les Émirats arabes unis, couronnant plusieurs années de négociations discrètes mais stratégiques. Négocié et porté par Françoise Joly, conseillère du président de la République du Congo pour la stratégie internationale, et le cheikh Shakhbout bin Nahyan Al Nahyan, ministre émirati en charge des affaires africaines, cet accord marque une avancée majeure pour Brazzaville.
Ratifié par les présidents Denis Sassou-Nguesso et Mohammed ben Zayed (MBZ), l’accord a été salué par les deux chefs d’État comme un catalyseur puissant pour un développement mutuellement bénéfique. Invité à s’exprimer au Forum sur l’investissement, le président congolais a qualifié un partenariat « historique par son ampleur et les bénéfices concrets qu’il apportera au peuple congolais ».
Le président des Émirats arabes unis, le cheikh Mohammed ben Zayed a quant à lui souligné l’ambition de doubler la taille de l’économie émiratie d’ici 2031, en consolidant ses liens avec des marchés stratégiques en Afrique. Selon lui, « l’Accord de Partenariat Économique Global entre les Émirats et la République du Congo devrait permettre de faire passer le commerce bilatéral hors hydrocarbures de 3,1 milliards de dollars en 2024 à 7,2 milliards de dollars d’ici 2032. Cet accord, reflet de notre engagement commun en faveur du développement durable, s’appuie sur des relations commerciales et d’investissement en pleine croissance entre nos deux pays, tout en favorisant davantage de progrès, de prospérité et d’opportunités pour nos peuples. »
Le Congo, partenaire stratégique au cœur du continent
Le choix du Congo n’est pas anodin. Quatrième producteur de pétrole en Afrique subsaharienne, le pays dispose aussi d’une richesse naturelle exceptionnelle : tourbières de la Cuvette centrale, cuivre, cobalt, fer, forêts couvrant 65 % du territoire. Sa position géographique, au croisement de cinq pays, en fait une plaque tournante naturelle pour le commerce et l’énergie.
Les Émirats l’ont bien compris : après des années de tentatives infructueuses de la part d’autres partenaires, l’implication directe de Françoise Joly dans les négociations a permis de faire émerger un accord global, fondé sur des intérêts mutuels de long terme.
Un partenariat multidimensionnel
L’accord couvre plusieurs axes clés :
– Énergie : Développement de projets hydroélectriques et solaires, incluant production et transport.
– Numérique : Digitalisation des recettes publiques (ports, foncier) en partenariat avec G42, leader régional en intelligence artificielle.
– Infrastructures : Réhabilitation du réseau ferroviaire et construction d’un port minéralier pour mieux valoriser les ressources minières.
– Commerce : Création d’une zone de libre-échange avec régime de tarifs préférentiels.
– Agriculture : Modernisation du secteur agricole, amélioration des rendements et développement des exportations.
Un coup d’accélérateur pour la diversification économique
Alors que le pays continue à bénéficier de l’exploitation de ses hydrocarbures — TotalEnergies vient d’annoncer ce 15 avril 2025 un investissement de 500 millions de dollars — cette alliance marque une étape concrète dans la stratégie de diversification voulue par Brazzaville.
L’objectif est clair : générer une croissance plus inclusive, renforcer le tissu industriel local, et répondre aux besoins de la population. Raoul Ominga, directeur général de la SNPC, a qualifié l’accord d’« accélérateur de croissance », insistant sur ses retombées rapides et durables pour l’économie congolaise.
Une diplomatie sélective dans un contexte de compétition mondiale
Dans un contexte où les investissements étrangers vers l’Afrique atteignent à nouveau des sommets — plus de 53 milliards de dollars en 2023 selon la CNUCED — les Émirats confirment leur rôle de premier investisseur du Golfe sur le continent. Ils rivalisent désormais avec la Chine, l’Inde, et les États-Unis, qui ont eux aussi entamé des discussions avec le Congo sur des partenariats stratégiques.
Cet accord d’envergure s’inscrit dans une stratégie de long terme visant à faire du Congo un acteur clé de l’économie verte, des échanges régionaux et de l’innovation technologique et souligne la capacité du pays à nouer, même dans un contexte mondial incertain, des alliances structurantes au service de son développement durable.
Ma Biographie
Économiste et consultant avec plus de 20 ans d’expérience au Canada, en Europe et en Afrique, Demba Mbaye accompagne les collectivités et les entreprises du secteur privé dans leurs enjeux liés à la transition énergétique. Diplômé d’un Master en Sciences économiques, ses parcours académique et professionnel lui ont permis de développer une approche à la fois stratégique et opérationnelle, alliant rigueur économique, compréhension fine des modèles technico-financiers et maîtrise des marchés de l’énergie.