Par Pr Amath NDiaye UCAD-FASEG .
Le budget de l’État est un document établi par le gouvernement et voté par le Parlement. Il prévoit les dépenses et les recettes que l’État a le droit d’engager et de percevoir pour l’année à venir. Le budget est donc une prévision de recettes et de dépenses qui repose sur les principes ci-après :
- l’unité qui signifie que le budget regroupe toutes les recettes et dépenses de l’État dans un document unique,
- l’annualité, c’est-à-dire que le budget est voté pour une année civile,
- l’unviversalité qui veut dire que les recettes ne peuvent pas être affectées directement à des dépenses, exceptés les comptes spéciaux.
- la spécialité qui signifie que les crédits budgétaires sont affectés à des objectifs ou des missions précis.
- l’équlibre : bien que l’État fonctionne souvent en déficit, un équilibre théorique entre recettes et dépenses est recherché.
Le budget général et les opérations financières de l’État sont deux aspects fondamentaux de la gestion des finances publiques. Ils sont distincts mais complémentaires dans le cadre de la loi des finances.
Le Budget général et les missions de l’Etat
Le budget général est la principale composante des finances publiques. Il regroupe les recettes et les dépenses courantes de l’État nécessaires à son fonctionnement et à la mise en œuvre des politiques publiques.
Le tableau 1 ci-dessous illustre les principales rubriques d’un budget général de l’État. A la lumière des différentes rubriques de recettes et de dépenses , l’on voit que la mission première de l’État repose sur la production de biens et services publics, non marchands et destinés à répondre à des besoins collectifs essentiels que le marché privé ne peut pas souvent satisfaire.
Il doit fournir des biens et services, comme la sécurité, la justice, l’éducation publique ou la santé publique, qui sont généralement non exclusifs (tout le monde peut en bénéficier) et non rivaux (leur consommation par une personne n’empêche pas celle des autres). Par exemple, un système de défense nationale protège toute la population, sans qu’il soit possible d’en exclure certains individus ni de limiter l’accès.
L’État fixe des règles pour garantir un environnement propice au bon fonctionnement des marchés (droits de propriété, lois sur la concurrence, protection des consommateurs). Il intervient pour limiter les externalités négatives (pollution, corruption) et promouvoir les externalités positives (infrastructures, éducation, recherche). L’État intervient pour réduire les inégalités sociales grâce à des politiques redistributives (transferts sociaux, subventions, fiscalité progressive).
L’Etat ne peut pas ou ne doit pas se substituer au secteur privé car ses ressources (impôts) sont limitées ; il doit les utiliser avec efficacité pour répondre aux besoins collectifs. Si l’État s’engage dans des activités marchandes, il pourrait diluer ses ressources, en dispersant ses moyens ( temps, énergie, argent, autres ressources) sur trop d’activités ou de projets que le secteur privé peut faire mieux que lui. Cela conduirait à l’inefficience du secteur public.
Cependant, même si la production de biens et services marchands et la création d’emplois relèvent avant tout du secteur privé, une interaction saine entre l’Etat et le secteur privé est essentielle pour le développement économique et social.
Tableau1:
Recettes | Dépenses |
Recettes fiscales | Dépenses de fonctionnement |
– Impôts directs (revenu, sociétés) | – Salaires des fonctionnaires |
– Impôts indirects (TVA, droits de douane, autres taxes sur la consommation,etc.) | – Charges sociales |
– Fonctionnement des administrations (achats de biens et services) | |
Recettes non fiscales | Dépenses d’investissement |
– Revenus du patrimoine de l’État (loyers, concessions) | – Infrastructures (routes, écoles) |
– Amendes – Revenus des entreprises publiques (dividendes) -Tranferts reçus du Reste du Monde (aides au développement) | – Équipements publics |
Emprunts publics | Dépenses sociales |
– Financements pour le déficit budgétaire | – Pensions de retraite, allocations familiales |
– Subventions aux ménages | |
– Aides sociales et au chômage | |
Dépenses de défense et sécurité | |
– Défense nationale | |
– Sécurité intérieure | |
– Maintien de l’ordre | |
Dépenses d’éducation et santé | |
– Éducation (écoles, universités) | |
– Santé publique (hôpitaux, programmes) | |
Service de la dette | |
– Intérêts et commisions |
Le Tableau de financement et la gestion de la dette publique
Comme nous venons de le voir, le budget général de l’État est essentiellement consacré à la gestion courante des dépenses et des recettes publiques. Ces dépenses incluent les frais de fonctionnement (salaires, services publics, etc.), les investissements publics et le paiement des intérêts de la dette.
L’amortissement du principal de la dette ( capital emprunté) , en revanche, est considéré comme une opération de financement, et non comme une dépense courante. Cela le place hors du champ des opérations ordinaires du budget général. On le comptabilise dans des comptes spécifiques souvent dédiés à la gestion de la dette. (voir tableau 2 ci-dessous).
L’État ne rembourse généralement pas le principal (capital emprunté) avec ses recettes fiscales. Il refinance (renouvelle) plutôt ses dettes en émettant de nouveaux emprunts. Il s’endette pour payer ses dettes. Cette pratique repose sur l’idée que la dette publique est gérée en continu, plutôt que remboursée intégralement.
Le refinancement de la dette publique se fait souvent à des conditions plus favorables, pour réduire les coûts ou ajuster les échéances. Si, par exemple, les taux d’intérêt baissent, refinancer permet de réduire les charges d’intérêt sur la dette publique, ce qui allège le budget de l’État. En refinançant des dettes à court terme avec des emprunts à long terme, l’État peut ainsi rallonger les échéances de remboursement et réduire le risque de crise de liquidité ou d’insolvabilité à court terme.
A titre d’illustration, au Sénégal, pour l’année 2025, les besoins de financement sont évalués à 4 573 milliards FCFA. Ils concernent l’amortissement de la dette (capital emprunté) pour un montant de 2 923 milliards de FCFA et le financement du déficit budgétaire pour un montant 1 600 milliarfs de FCFA. Voir tableau 2 ci-dessous.
Tableau 2 :
SENEGAL : TABLEAU DE FINANCEMENT BUDGET 2025 | |
Rubriques | Montants en milliards CFA |
Besoin de financement | 4 573 |
– Déficit budgétaire | 1 600 |
– Amortissement de la dette (principal) | 2 923 |
Couverture du besoin de financement | 4 573 |
– Emprunts projets | 967 |
– Emprunts programmes | 595 |
– Autres emprunts | 3011 |
Source : loi de finances LFI 2025, Gouvernement du Sénégal.
Concrètement, pour couvrir ses besoins de financement, le Sénégal va emprunter (967 +595 +3011) milliards CFA pour payer ses dettes, comme le font les Etats Unis, la France et d’autres pays. C’est une nécessité pour rendre la dette moins coûteuse et plus soutenable.
A propos
Prof. Amath Ndiaye est un éminent économiste sénégalais, titulaire d’un Doctorat d’État en Sciences Économiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (2001) et d’un Doctorat de 3e cycle en Économie du Développement de l’Université de Grenoble, France (1987). Depuis 1987, il enseigne à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Expert reconnu, il a collaboré avec des institutions prestigieuses telles que la Banque Africaine de Développement, la Banque Mondiale, et le FMI, se spécialisant notamment dans les domaines des taux de change, de la croissance économique, et du développement institutionnel. Il était expert-membre du comité de pilotage de la Commission de l’Union Africaine pour la Création de la Banque Centrale Africaine.. Prof. Ndiaye est l’auteur de nombreuses publications influentes, notamment sur les régimes de change et la croissance économique en Afrique de l’Ouest. Trilingue, il maîtrise le wolof, le français et l’anglais.