Par Abshir Aden Ferro, PDG du groupe Fort Roche.
La Somalie a officiellement exclu l’Éthiopie de la Mission de soutien et de stabilisation de l’Union africaine en Somalie (AUSSOM), qui remplacera la Mission de transition de l’Afrique en Somalie (ATMIS) le 1er janvier 2025. Cette décision, annoncée lors d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) le 27 décembre 2024, est enracinée dans le mémorandum d’entente controversé de l’Éthiopie avec le Somaliland et les tensions régionales plus larges.
Cela marque un départ significatif du rôle de longue date de l’Éthiopie dans les efforts de maintien de la paix en Somalie. L’Éthiopie a été un acteur clé dans les missions depuis le lancement de l’AMISOM en 2007. Alors que la Déclaration d’Ankara, signée en novembre 2024, visait à rétablir les liens entre le président somalien Hassan Sheikh Mohamud et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, la Somalie a finalement opté pour tracer un nouveau chemin.
En préparation pour l’AUSSOM, la Somalie a sécurisé 11 000 troupes grâce à des accords avec l’Ouganda, le Kenya, Djibouti et le Burundi, l’Ouganda contribuant plus de la moitié des forces. L’exclusion de l’Éthiopie crée un vide dans la collaboration régionale traditionnelle.
Virages diplomatiques
La décision de la Somalie reflète un alignement géopolitique évolutif. Les visites récentes du président Hassan Sheikh Mohamud en Érythrée en novembre et décembre 2024 ont renforcé les liens avec le président Isaias Afwerki et le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi. L’Égypte, qui a manifesté son intérêt pour l’AUSSOM, pourrait utiliser ce changement pour étendre son influence dans la Corne de l’Afrique. Les analystes suggèrent que ces développements diplomatiques ont directement influencé le pivot de la Somalie loin de l’Éthiopie.
Défis de financement
Malgré les engagements en matière de troupes, l’AUSSOM fait face à un obstacle financier majeur. Un modèle de financement hybride proposé par le Royaume-Uni cherche à allouer soixante-quinze pour cent du budget de la mission aux contributions évaluées par l’ONU, les vingt-cinq pour cent restants étant financés par des donateurs internationaux. Bien que ce modèle ait recueilli le soutien de la Russie, de la Chine, de l’UE et d’autres, les États-Unis l’ont rejeté lors de la réunion du CSNU le 27 décembre, citant des préoccupations concernant son écart par rapport à la résolution de l’ONU 2719 et son manque de viabilité financière.
Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a averti que les problèmes de financement non résolus pourraient compromettre le lancement et la stabilité de l’AUSSOM en Somalie.
Implications pour la région
1. Changements d’alliances dans la Corne de l’Afrique : l’exclusion de l’Éthiopie par la Somalie signale un changement dans la dynamique du pouvoir régional. Les alignements avec l’Érythrée et l’Égypte pourraient augmenter l’influence de l’Érythrée dans les efforts de sécurité somaliens, donnant une avance aux objectifs stratégiques de l’Égypte, en particulier pour contrer la domination de l’Éthiopie et aborder les différends liés au fleuve Nil.
2. Impact sur l’Éthiopie : l’exclusion de l’Éthiopie diminue son rôle en tant que stabilisateur régional, ce qui pourrait degrader ses relations avec la Somalie et l’Érythrée. À l’interne, cela pourrait recentrer l’attention de l’Éthiopie sur ses défis nationaux, y compris le processus de paix au Tigray.
3. Viabilité opérationnelle de l’AUSSOM : les retards de financement pourraient entraver les déploiements de troupes et le soutien logistique, affaiblissant la capacité de la mission à contrer efficacement Al-Shabaab.
4. Risques de sécurité régionale : un AUSSOM affaibli pourrait permettre à Al-Shabaab d’exploiter le vide, menaçant la Somalie et ses voisins tout en aggravant les crises humanitaires dans la région.
5. Crédibilité et leadership de l’UA : le succès de l’AUSSOM est crucial pour la réputation de l’UA. Ne pas aborder les problèmes de financement et opérationnels pourrait saper les futurs efforts de maintien de la paix dirigés par l’UA.
Chronologie des événements clés
• 2007 : L’Éthiopie rejoint l’AMISOM pour combattre Al-Shabaab.
• Avril 2022 : L’AMISOM passe à l’ATMIS.
• Décembre 2023 : La résolution 2719 de l’ONU propose des mécanismes de financement durables pour les missions de l’UA.
• Novembre 2024 : La Somalie exclut l’Éthiopie de l’AUSSOM malgré la signature de la Déclaration d’Ankara.
• Novembre-décembre 2024 : Le président somalien visite l’Érythrée à deux reprises, s’alignant avec l’Érythrée et l’Égypte.
• 27 décembre 2024 : La Somalie confirme l’exclusion de l’Éthiopie ; les États-Unis rejettent le modèle de financement hybride.
• 1er janvier 2025 : L’AUSSOM remplace officiellement l’ATMIS.
L’exclusion de l’Éthiopie de l’AUSSOM représente un moment décisif dans la Corne de l’Afrique. Le réalignement de la Somalie avec l’Érythrée et l’Égypte souligne les changements d’alliances, tandis que les défis de financement non résolus jettent un doute sur le succès opérationnel de l’AUSSOM. Alors que la mission se prépare à remplacer l’ATMIS, sa capacité à stabiliser la Somalie et à contrer Al-Shabaab dépend de la surmonter de ces obstacles. Les enjeux pour la Somalie, l’UA et la communauté internationale sont immenses, avec la stabilité régionale en jeu.