Par Blaise Jeutang N. Kendah*
Assurer la rentabilité année après année est l’une des principales priorités du top management d’une compagnie d’assurance-vie. Afin d’assurer cette rentabilité, le top management devrait avoir une maitrise des éléments des Bases Actuarielles et leurs impacts sur le portefeuille. Nous entendons par Bases Actuarielles, un ensemble d’hypothèses utilisées pour effectuer un ou plusieurs calculs actuariels tels que la Tarification, Provisionnement (Évaluation des différentes provisions techniques), Business Case et le Profit Testing. Ces hypothèses varient en fonction du but pour lesquels elles doivent être utilisées. Les éléments clés de ces bases sont le Taux d’Intérêt, la Table de Mortalité et les Chargements (de Gestion et d’Acquisition).
A titre de rappel, l’assurance-vie peut être définie comme étant un contrat entre un titulaire d’une police d’assurance et un assureur, ou l’assureur promet de verser à un bénéficiaire désigné une somme d’argent (Capital garanti) en échange d’une prime/des primes au décès ou à la survie du titulaire de la police d’assurance. Le capital garanti ou la prime, mentionné dans la définition ci-dessus, sont généralement évalués en fonction des éléments des Bases Actuarielles. Au moment du bilan d’une année budgétaire, le top management de toute compagnie d’assurance-vie devrait être en mesure de connaitre l’impact des éléments des Bases Actuarielles sur le résultat annuel obtenu. Ces impacts sont généralement classés en plusieurs comptes définis ci-dessous.
▪ LE COMPTE FINANCIER qui définit la Marge financière sur l’année. Il s’agit du calcul de la différence entre l’engagement tarifaire (c’est-à-dire les intérêts garantis sur les contrats) et les intérêts générés par les différents placements de l’entreprise. NB : La majorité des entreprises dans la zone CIMA ont un compte financier positif, la question serait de savoir si les résultats obtenus sont au niveau des attentes du top management ou des actionnaires.
▪ LE COMPTE ADMINISTRATIF qui définit les Marges d’Acquisition et les Marge de Gestion.
❖ La Marge d’Acquisition : C’est le calcul de la différence entre les chargements d’acquisition tarifaire et les commissions. Nous suggérons un calcul par types de produits, car le mode de commissionnement varie en fonction des types de produits. Par exemple, dans le Réseau Individuel de Distribution (Grande Branche), on observe généralement un préfinancement des commissions. Et dans ce cas, on peut observer une marge d’acquisition négative si le taux de renouvellement (persistance) est bas. Ce mode de préfinancement n’existe généralement pas sur les produits de types prévoyances ou de types épargnes.
❖ La Marge de Gestion : c’est le calcul de la différence entre les chargements de gestion tarifaire et les frais généraux (Hors Commissions). Très peu de compagnies dans la zone CIMA ont cette marge positive, ceci pour diverses raisons. Une marge de gestion négative peut être compréhensible pour une nouvelle structure, car elle a encore des coûts d’installation et certaines charges fixes très élevées et le chiffre d’affaires encore très bas. Les statistiques du marché sont claires, « La maitrise des frais généraux reste un gros défi en Assurance Vie en zone Cima » Une des solutions pour amortir les frais généraux élevés serait pour les compagnies de commercialiser plus les produits de types Prévoyance, car à la tarification ces produits ont des chargements de gestion élevés comparativement aux produits de type Epargne. Il serait important de noter que plusieurs compagnies utilisent les marges positives dégagées des comptes financiers et techniques pour équilibrer le déficit de la marge de gestion.
▪ LE COMPTE TECHNIQUE qui définit les différentes Marges Techniques (Marge sur la Sinistralité, Pénalités de Rachats, Intérêts générés par les Avances sur Polices, Résiliation des contrats etc…).
❖ Marge sur la Sinistralité : Généralement quant on parle de marge sur la sinistralité, beaucoup pensent au S/P, en réalité le S/P en assurance vie n’est qu’un indicateur, car il est muet sur le montant d’argent qu’aurait gagné ou perdu la compagnie pendant une année. Il s’agit ici de calculer la différence entre le montant des sinistres anticipées dans le provisionnement (Provisions Mathématiques) et les sinistres payés. Très peu de compagnies dans notre environnement ont une marge de sinistralité négative, sauf pour les nouvelles compagnies qui n’ont pas encore atteint un certain niveau de production. Généralement avec un volume de production suffisante accompagné d’un traité de réassurance adapté permettent d’avoir une marge positive. La question serait de savoir si la marge obtenue est suffisante pour les attentes du top management ou des actionnaires. ❖ Pénalités de Rachat et Avances sur Contrats : Il s’agit ici de calculer la somme des pénalités appliquées lors du traitement des Rachats et Avances sur Polices. Certaines compagnies dégagent des marges considérables sur les pénalités de Rachats et Avances sur Polices, ceci dépend généralement de la taille et de l’ancienneté du portefeuille.
❖ Intérêts Générés par les Avances sur Polices : Il s’agit ici de calculer la différente entre les intérêts générés par les Avances sur Polices et les intérêts contractuels sur lesdites polices. Cette marge dépend du volume des Avances sur Polices.
Afin d’avoir une rentabilité pérenne, le top management d’une compagnie vie devrait en tout temps :
❖ Fixer un seuil de rentabilité par types de produits. Les compagnies ayant un seuil de rentabilité élevé par type de produit sont généralement les plus rentables.
❖ Tester la rentabilité (Via des Profit Testing ou des Business Case) de chaque produit d’assurance avant sa commercialisation, ceci afin de garantir une rentabilité pérenne de la compagnie sur le temps.
❖ Assurer une bonne persistance des polices d’assurance. Les compagnies ayant des persistances élevées sont généralement plus rentables. C’est pour cela que la persistance fait partie des critères d’évaluation dans un Réseau Individuel de Distribution (Grande Branche). Par exemple avoir un minimum de persistance de 85% !!!
❖ Assurer un provisionnement juste et prudent afin d’assurer la solvabilité de la compagnie.
❖ Mise en place des traités de réassurance adaptés au portefeuille afin de réduire l’exposition de la compagnie.
En conclusion, à la fin de chaque année budgétaire, une compagnie d’assurance-vie devrait connaitre tous les éléments des Bases Actuarielles qui ont contribué au résultat annuel et le poids de chacun d’eux sur ce résultat. Ceci passe généralement par le calcul des différentes marges mentionnées ci-dessus. Le résultat obtenu permettra à celle-ci de connaitre ses forces et faiblesses et ainsi d’ajuster sa stratégie en conséquence. Il serait aussi important pour une compagnie d’assurance-vie de se fixer des objectifs, non seulement en termes de chiffre d’affaires, mais aussi en termes de ses forces et faiblesses résultantes du calcul des différentes marges. On pourra par exemple avoir des objectifs tels que :
❖ Marge sur la sinistralité équivalente à 30% du chiffre d’affaires !!!
❖ Marge financière équivalente à 200% de l’engagement financier contractuel !!!
❖ Frais de gestion équivalent aux frais généraux !!! Ces types d’objectifs sont plus orientés résultat que chiffre d’affaires et « Comme on le dit souvent, les actionnaires ne mangent pas le chiffre d’affaires, mais le résultat » et sans oublier qu’il faut du chiffre d’affaires pour obtenir le résultat. En conclusion, le chiffre d’affaires ne garantit pas le résultat, mais permet d’obtenir le résultat. Dans une prochaine contribution, nous parlerons des performances financières d’une compagnie vie en zone CIMA.
A propos de l’auteur
Blaise Jeutang N. Kendah
Actuaire Diplômé @ Herriot Watt Univrsity, UK
Data and Business Analyst @ Texas University at Austin, US
Enseignant ESSFAR et IIA
Directeur Actuariat, Statistiques et Reporting chez Sanlam