Par Amadou Sako*
Dans un contexte marqué par les fluctuations économiques mondiales, l’Afrique a enregistré une croissance économique de 3,2 % l’an dernier, en baisse par rapport aux 4,1 % de 2022, selon les données de la Banque Africaine de Développement (BAD). Cette décélération met en lumière les multiples défis auxquels le continent est confronté, notamment les répercussions persistantes du changement climatique et les tensions socio-politiques.
Parallèlement, le défi pressant de l’emploi des jeunes se manifeste avec une urgence particulière. Avec une démographie où plus de 60 % des individus ont moins de 25 ans, la création d’emplois pour cette tranche démographique devient un impératif incontournable pour stimuler une croissance économique réellement inclusive. Le taux de chômage des jeunes en Afrique reste alarmant, dépassant 30 % dans certaines régions, mettant en évidence à la fois des lacunes et des opportunités au sein de l’écosystème entrepreneurial africain.
L’Organisation Internationale du Travail (OIT) souligne l’importance d’une transformation structurelle, accompagnée d’une éducation et d’une formation professionnelles adaptées, pour relever le défi de l’emploi des jeunes sur le continent africain. En effet, au-delà des taux élevés de chômage et des obstacles immédiats à l’emploi des jeunes, de nombreux pays africains rencontrent divers défis structurels et systémiques qui entravent leur développement économique et la croissance de leurs marchés du travail. Ces défis, qui varient d’un pays à l’autre, incluent souvent des infrastructures insuffisantes, un accès limité à une éducation et une formation de qualité, ainsi qu’une réglementation des entreprises complexe et contraignante.
En outre, la stabilité politique et l’efficacité des cadres juridiques, essentielles pour inspirer confiance aux investisseurs et encourager l’entrepreneuriat, sont inégales, créant d’importantes barrières à l’entrepreneuriat dans de nombreux pays africains. La dépendance à une économie axée sur les industries extractives et les matières premières expose également les pays à des chocs économiques externes, aggravant ainsi les problèmes de chômage chez les jeunes.
Face à ces défis qui freinent le développement économique et l’emploi des jeunes dans de nombreux pays africains, une stratégie intégrée s’avère nécessaire. Cette stratégie requiert une vision holistique qui allie des politiques macroéconomiques solides à des interventions sectorielles ciblées pour stimuler activement l’emploi des jeunes. L’objectif principal devrait être de créer un climat d’affaires favorable à la productivité et au développement des compétences. En effet, la productivité, en tant que moteur de la croissance économique, dépend largement de la qualité du climat des affaires. Un environnement d’affaires propice stimule l’innovation, l’investissement et l’épanouissement du secteur privé, ce qui mène directement à la création d’emplois. La Banque Mondiale souligne que la productivité en Afrique Sub-Saharienne, en particulier, est entravée par une allocation inadéquate des ressources, un indice de productivité globale des facteurs (PGF) inférieur à celui d’autres régions du monde, et une transformation économique lente, marquée par une prédominance de l’emploi agricole à faible rendement.
Reconnaissant l’importance de l’agriculture, secteur employant la majorité de la main d’œuvre africaine, y compris la jeunesse, il est impératif d’orienter les efforts vers l’agro-industrialisation. Cela nécessite un investissement massif dans des pratiques agricoles modernes et durables, capables non seulement d’améliorer la productivité mais aussi de créer des emplois de qualité. La transition de l’agriculture de subsistance vers une agriculture plus commercialisée et intégrée aux chaînes de valeur régionales et mondiales est essentielle. Cette évolution, soutenue par les initiatives de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECA), pourrait débloquer le potentiel économique du continent et offrir des opportunités d’emploi substantielles aux jeunes. Le secteur numérique représente également un secteur clé pour l’avenir de l’emploi des jeunes en Afrique. L’essor de l’entrepreneuriat numérique, l’éducation en ligne et l’accès élargi aux services financiers par le biais des technologies de l’information et de la communication (TIC) ouvrent des voies inédites pour la création d’emplois. Les pays comme le Rwanda et le Kenya, ayant adopté des réformes favorables à l’économie numérique, illustrent comment l’intégration des technologies numériques peut stimuler l’innovation, l’investissement et l’épanouissement du secteur privé, menant ainsi à la création d’emplois significatifs pour la jeunesse.
Il est impératif de reconnaître que nous avons franchi le seuil où les bonnes intentions dépourvues d’actions concrètes suffisent. Face aux défis pluriels du continent africain, l’impératif d’une mise en application effective et pragmatique sur le terrain se fait ressentir avec une acuité particulière, en raison notamment de la pression démographique croissante. Cette dynamique démographique, caractérisée par une augmentation significative de la population jeune, accentue l’urgence de générer des opportunités d’emploi substantielles afin de répondre aux besoins de cette tranche de la population en pleine expansion. Les politiques, stratégies et collaborations, malgré leur rôle crucial dans l’élaboration d’un futur prometteur, ne sauraient déployer leur pleine efficacité sans une implémentation tangible et mesurable. Désormais, l’ère est à l’initiative agissante. Chaque démarche doit se matérialiser par des actions résolues, orientées vers l’atteinte d’objectifs précis, et produire des effets mesurables sur le bien-être des jeunes Africains. En mettant l’accent sur l’exécution sur le terrain, nous pouvons transformer aspirations et rêves en réalités concrètes, ouvrant la voie à un avenir où le potentiel de chaque jeune Africain est non seulement reconnu mais intégralement exploité, grâce à notre engagement inébranlable et à nos réalisations tangibles.
*A propos de Amadou Sako
Ancien Président du Guinean Young Professionals’ Club (GYPC), Amadou Sako est Co-fondateur de de saKom et Conseiller Afrique de l’Organisation Internationale des Employeurs (OIE).