Par Magaye Gaye, Économiste International.
La Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a décidé ce 06 décembre 2023 de relever son taux directeur à 3,50%. À entendre le Gouverneur expliquer les raisons, on a l’impression d’entendre les mêmes refrains dans le cadre d’un exercice de simulation intellectuelle répétitif.
La BCEAO a encore pris une mauvaise décision pour plusieurs raisons:
1 -La thérapie mécanique d’augmentation des taux ne permet pas encore, avec 3,7% de taux d’inflation projeté à fin 2023, d’atteindre l’objectif de 3%. il est à rappeler que dans une économie qui fonctionne, si les taux directeurs augmentent, l’emprunt des particuliers et des entreprises devient plus coûteux, ce qui freine la croissance. Dans la zone Franc, cette thérapie impacte négativement les rares acteurs qui accèdent au financement et en exclut l’essentiel du tissu économique constitué de PME et du secteur informel.
2- La BCEAO semble ignorer que l’inflation actuelle n’a pas une origine monétaire classique et n’est pas liée à une surchauffe de l’économie. Elle est due plutôt à un déficit de l’offre mondiale, à une augmentation du coût du frêt maritime et au renchérissement du pétrole et du dollar. Sans oublier les conséquences de la guerre russo-ukrainienne sur les chaines de production et les stratégies spéculatives des acteurs. Des lors, les mesures conventionnelles, contre-productives, s’apparentent à un coup d’épée dans l’eau ;
3 -La BCEAO semble suivre la Banque Centrale Européenne (BCE) qui n’a pas les mêmes difficultés;
4- Les contraintes dans la zone Franc sont nombreuses. Des économies extraverties, une monnaie forte qui arrive difficilement à relancer les exportations et qui ne facilite pas l’intégration des zones (Cemac, Uemoa et Comores) ;
5 Au lieu de relever les taux directeurs, il aurait fallu suivre le chemin inverse mais aussi promouvoir avec les Etats des réformes structurelles sur des économies extraverties, réfléchir à d’autres alternatives au financement et solutionner les contraintes liées au Franc CFA. Aussi, il aurait été intéressant de mettre en œuvre, eu égard au poids important du secteur informel qui échappe aux objectifs de quantification monétaire, une politique d’assouplissement quantitative. Celle-ci pourrait se traduire par des solutions temporaires de planche à billets et des stratégies de rachat d’actifs notamment de créances et d’obligations;
6-La BCEAO gagnerait à repenser ses missions, centrées sur la lutte contre l’inflation;
7 -Elle devrait faire focus sur le plein emploi qui pourrait se traduire par un appui direct aux États et aux acteurs en utilisant une partie de ses réserves pour financer temporairement des projets;
8 -Il devient aussi urgent de repenser nos outils de mesure des prix. J’observe un décalage entre les niveaux d’ inflation annoncés et la vérité des prix sur les marchés.
9 -Et si la politique monétaire nageait à contre courant des intérêts des pays membres ?