L’avocat du groupe des lanceurs d’alerte à la Banque Africaine de Développement (BAD) n’est pas du tout convaincu par la « relecture » du rapport du comité d’éthique fait par un trio d’experts conduit par l’ancienne présidente irlandaise, Maria Robinson. Dans une lettre-plaidoyer du 8 août destinée aux gouverneurs via le bureau du conseil, Dr Rishi Gulati s’étonne que les experts aient ignoré les 16 allégations du groupe des lanceurs d’alerte en ne faisant pas cas de la correspondance adressée par l’homme de loi résident à Melbourne (Australie).
En effet, si les alertes n’ont pas cours légal aux yeux du panel des experts, quid alors du rapport du bureau de l’auditeur général sur le recrutement du staff, un document officiel datant du mois d’octobre 2019 que l’avocat joint en annexe à sa correspondance ?
« Le rapport du Groupe prétend exonérer le Président de la BAD, Akinwumi Adesina, des seize allégations examinées par le Comité d’éthique, sans avoir mené une enquête supplémentaire ou une vérification des faits relatifs aux allégations et affirmations dans le mémorandum de défense du Président » se désole l’avocat.
« Le résultat est que la Banque se retrouve dans une situation où six mois après les allégations d’abord faites par les lanceurs d’alerte, ils n’ont pas fait l’objet d’une enquête. Le nuage sur lequel ils jettent la Banque et son président restent chargés », poursuit l’avocat dont la missive est destinée à apporter des éclairages pertinents au bureau du conseil des gouverneurs. Et Rishi Gulati de lister ce qu’il considère comme des manquements de la part du panel des experts.
Premier grief, le fait que le Panel ne tient pas compte du paragraphe 5.4 de la Politique de dénonciation de la BAD qui stipule que : «les dénonciateurs et les plaignants sont des parties déclarantes. Elles sont ni enquêteurs ni chercheurs de faits. » Le Panel rejoint le Comité d’éthique sans tenir compte de cet élément fondamental de la politique de dénonciation. « Le Panel ne reconnaît même pas l’existence de cette disposition puisqu’elle rejette une allégation après l’autre comme n’étant pas étayée par preuve », poursuit l’avocat.
En clair, le Groupe des experts n’a mené aucune enquête de sa propre initiative mais s’est simplement limité à examiner les travaux de le comité d’éthique, déplore l’avocat des lanceurs d’alerte. « Le comité d’éthique n’a mené aucune enquête significative en réponse à la plainte des dénonciateurs et a rejeté les 16 premières allégations, tout en ignorant les quatre allégations supplémentaires. Le panel des experts a suivi la méthode de lecture des 16 les allégations, prétendant les évaluer sans chercher des preuves pour les confirmer ou les infirmer, ni prêter une attention particulière aux règles et aux normes qui auraient été violées ». Au lieu de conduire sa propre enquête et de confronter les faits, en jetant un regard sur le rapport d’audit, Maria Robinson et ses collègues ont reproché « de manière injustifiée » aux dénonciateurs de ne pas avoir fourni de preuves supplémentaires.
Des experts abonnés absents
Fait encore plus troublant, les experts n’ont daigné à aucun moment répondre aux sollicitations de l’avocat des lanceurs d’alerte. Celui-ci dit les avoir saisi le 14 juillet 2020 et n’a reçu aucun accusé de réception des documents envoyés. Un nouvel e-mail est envoyé aux membres du Panel le 26 juillet 2020 pour simplement demander confirmation de la réception de la communication du 14 juillet 2020. Là aussi, c’est silence radio. »C’est très regrettable car les questions soulevées dans la communication auraient été très pertinentes pour les travaux du Groupe. Je serai plus que disposé à fournir une copie de la soumission si elle est demandée ».
Le peu d’empressement du panel d’experts à écouter le représentant des lanceurs d’alerte fait évidemment jaser au sein de la BAD paralysée par une crise de gouvernance et des allégations pour lesquelles les auteurs exigent une enquête indépendante dans le fond et non sur la forme. A quelques semaines de ses assemblées générales électives en mode virtuel, la BAD est plus que jamais divisée entre les actionnaires qui exigent la lumière sur les faits et ceux qui pensent que la revue indépendante a définitivement exonéré le président Adesina.