Par Nephthali Messanh Ledy, Lomé.
Effondrement des cours du pétrole brut, ralentissement d’une croissance chinoise jusqu’alors impressionnante et morosité économique en Europe… C’est en substance les expressions retenues par Emmanuel Ikazoboh, le président du conseil d’administration du groupe Ecobank, pour justifier aux actionnaires, les faibles résultats 2015 de la banque, lors de l’assemblée générale tenue le vendredi 17 juin à Lomé.
Une véritable tempête s’est abattue sur l’Afrique subsaharienne, poursuit-il, affectant les économies locales et, corrélativement, les revenus des ménages et des entreprises. « Nous avons également dû faire face à un certain nombre de difficultés internes qui ont affecté les résultats financiers ».
En effet, pour ETI, l’année 2015 aura été l’une des plus difficiles – sinon la plus difficile – depuis le quinquennat finissant: un bénéfice par action dilué de 0,28 cent $EU, en baisse de 83 % par rapport à 2014 (1,69 cent $EU), un rendement des capitaux propres de 4,2 % en 2015, contre 16,5 % l’année précédente, et un résultat net part du groupeà seulement 66 millions $EU contre 338 millions $EU en 2014.
Ces résultats peu satisfaisants, selon M. Ikazoboh, sont imputables avant tout au niveau élevé des provisions pour créances douteuses et dépréciations d’actifs financiers qui ont culminé aux 532 millions $EU en 2015, soit près du double que celui de 2014.
En effet, faut-il le rappeler, Ecobank vient de générer une première baisse de son produit net bancaire au cours des six dernières années : 900$ millions EU en 2010, 1.196 millions EU en 2011, 1730 millions EU en 2012, 2003 millions EU en 2013, 2280 millions EU en 2014 et 2106 millions EU en 2015. Une baisse de 8% qui s’explique, entre autre, par la faible activité économique et la dépréciation des devises d’Afrique subsaharienne par rapport au dollar américain.
Le résultat avant provisions a suivi la même tendance baissière: 270 millions $EU, 363 millions $EU, 494 millions $EU, 598 millions $EU, 789 millions $EU, et 738 millions $EU, respectivement en 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015.
Conséquence, le total du bilan n’est pas épargné par cette courbe en baisse qui suscite moult interrogations : 23,6 milliards $EU en 2015 contre 24,2 milliards $EU un an plus tôt.
Un tableau si morose qui ne semble pas inquiéter les dirigeants de la banque panafricaine forte d’une présence dans 36 pays africains. « (…) La direction générale et le conseil d’administration ont le devoir de faire de bons résultats, avance Ade Ayeyemi, le directeur général de la banque, à notre question de savoir si sa banque est sur une bonne pente pour l’année en cours. Peu importe le contexte économique mondial ».
Par ailleurs, les résultats au premier trimestre 2016 laissent pantois : un produit net bancaire en baisse de 6% à 502 millions $EU, un résultat avant impôt en diminution de 33% à 104 millions $EU, et un résultat net en baisse de 35% (81 millions $EU). Le tout couronné d’un total bilan en progression de 2% à 23,2 milliards $EU, et des capitaux propres aussi en légère hausse : 1%.
L’épineuse question des dividendes
A Lomé, la banque qui compte 50 milliards d’actions ordinaires en circulation et 1,07 milliard actions préférentielles, a déclaré un dividende de 48,2 millions de dollars US (soit 0,2 cents par action). « Cette décision importante intervient après deux années consécutives sans distribution de dividendes », indique-t-elle.
Cette distribution n’a pas suffi au bonheur des petits porteurs qui, visiblement, veulent plus. : « Le Conseil d’administration a conscience de l’importance des dividendes pour nos actionnaires », rassure le PCA. « À l’avenir, notre capacité à verser des dividendes en numéraire dépendra largement de deux facteurs : d’abord, la mise en œuvre de stratégies efficaces visant à renforcer nettement le potentiel bénéficiaire de nos filiales au regard des contraintes réglementaires de fonds propres ; ensuite, notre aptitude à faire en sorte que la maison mère continue d’apporter un soutien stratégique à l’ensemble du Groupe de manière efficiente et rentable ».
Et de poursuivre : « Quoi qu’il en soit, le Conseil d’administration s’engage à verser aux actionnaires le dividende maximal disponible que pourront permettre les bénéfices de ETI ».Notons qu’une date est même retenue pour l’opération.
L’affaire Thierry Tanoh dans les tiroirs mais…
Bien que le dossier ne soit pas inscrit à l’ordre du jour, il ne pouvait pas passer inaperçu. En effet, amenée à verser le montant record de 12 millions de dollars pour mettre fin à la bataille judiciaire qui l’opposait depuis des mois à son ancien CEO, l’ivoirien Thierry Tanoh, influent conseiller du président Alassane Ouatara, Ecobank semble ce jour placer l’affaire dans les tiroirs. Histoire de ne plus revenir sur des sujets qui fâchent.
Mais c’est sans compter avec l’insistance des actionnaires, qui cherchent encore à en avoir plus. Et de dénoncer une fois encore « une interférence des milieux politiques » dans les affaires de la banque. Mais du haut de la tribune, le PCA, âgé de de 66 ans, ne va pas trop chercher à entrer dans les détails de cette affaire qui jusque-là, ne fait pas une bonne publicité de l’institution qu’il préside. Signe que la banque mesure l’ampleur du dénouement de l’affaire, et encore moins, ses conséquences sur sa trésorerie.
Par Nephthali Messanh Ledy, Lomé