Mohamed Saad, DSI de la Bourse de Casablanca, fait le point sur la maturité des Systèmes d’Information au Maroc durant ces 20 dernières années. Une mise en bouche avant la Conférence internationale sur les Systèmes d’informations & Business Transformation prévue à Casablanca les 23 et 24 mai prochains.
Quel bilan faites vous de la maturité SI au Maroc tout au long des 20 dernières années ?
Cela ne me rajeunit pas, mais je répondrais quand même à la question ; nous avons assisté dans les années 80 et début 90 à la deuxième refonte des SI des principaux acteurs économiques à savoir les banques, les assurances, quelques administrations et certaines grandes entreprises industrielles ; Ces grandes organisations ont forgé eux même leurs systèmes, donc beaucoup de développements spécifiques, l’offre logiciels étaient très faible au Maroc, et les SSII se faisaient rares (IMEG, SOMARC, Access technologie, WAFA SYSTEMES, IMS, ISMA, Universel Computer…) ; l’aspect Qualité du logiciel importait peu, le mainframe et le mini étaient très présents. Les années 90 et début 2000, ont vu l’avènement des principaux éditeurs de progiciels et de leurs représentants (SAP, ORACLE, MICROSOFT, JD Edwards, MFG Pro, SAGE, HR Access…) ; les grandes et moyennes entreprises ont trouvé leurs bonheurs dans du « Prêt à porter » dans le monde de l’ERP et du « Best of Breed », quelques fois avec des difficultés de mise en place, voir même des échecs ; les banques ont continué sur le spécifique et du progiciel dans certains domaines (monétique, salle des marchés, gestion des dossiers de crédit…). Les projets de sponsoring de l’ANPME (avant et dans le cadre du programme Maroc Numeric 2013) aux PMEs leur ont permis de se doter de solutions informatiques afin d’améliorer et d’automatiser les processus de gestion. Actuellement et depuis quelques années le Maroc est devenu une plaque tournante de l’industrie du développement informatique dans le cadre du niche market « Offshoring » ou plusieurs opérateurs phares de cette industrie internationale, ont choisi le Maroc pour répondre à leurs besoins.
Sur le plan associatif, le panorama s’est enrichi d’acteurs et de groupements qui ont permis de sensibiliser, communiquer et faire la promotion des SI au Maroc, à titre d’exemple nous citerons :
– ISACA-Casablanca : Information Systems Audit and Control Association
– AUSIM
– APEBI
– CCAM
– ITSMF Maroc
– PMI Maroc
Quels sont les défis des DSI aujourd’hui et ceux de demain ?
Je ne vous apprendrais pas que les SI est un monde en perpétuel changement, les systèmes deviennent éphémères, les compétences devant répondre aux besoins des organisations ne sont plus dans une logique de l’emploi à vie, C’est un peu le marché de l’emploi à l’occidentale, et donc au regard de toutes ces mouvances, le DSI se trouve devant l’équation de Schrödinger multivariables, que je peux énumérer dans ce qui suit :
– Il n’existe plus de stratégie d’entreprise figée dans le marbre, la plus longue ne dépassera pas 3 ans !
– La stratégie, donc se projetant sur les processus, ces derniers deviennent aussi exigeants en termes de changements à court terme
– L’évaluation des avantages et des risques des technologies est aussi un paramètre déterminant
– Les performances des systèmes doivent répondre aux exigences des clients (SLA, OLA, Underpinning Contract…)
– La Gestion des ressources d’une manière efficiente est un autre challenge auquel le DSI devra être très vigilent ; l’aspect Ressources Humaines est très important.
Au vu de ce que vous dites, nous assistons tout de même à un phénomène assez bizarre, c’est que certaines multinationales déportent ou suppriment leurs DSI, comment expliquez vous cela ?
Il faudrait peut être regarder ce phénomène autrement, d’abords la crise internationale a touché de plein fouet, les entreprises mais aussi les administrations, et nous avons cherché à optimiser et à couper dans le gras en ciblant l’efficience, ces entreprises dont vous parlez ont regroupé, optimisé, concentré certaines régions du monde afin de répondre aux besoins de leurs structures au moindre cout ; les Giga Datacenters, le Cloud Computing, le SAAS, PAAS, IAAS et la virtualisation ont aussi favorisé ce changement ; maintenant, la ou je voulais en venir, C’est qu’actuellement les organisations ont inscrit dans leurs gènes :
– L’utilisation des SI
– L’automatisation des processus
– La sécurité des SI
– La connexion des systèmes grâce au SI
– Le pilotage des systèmes de production grâce aux SI
– …
Pensez vous que cela ne doit être porté que par le DSI ? Eh ben Non… aujourd’hui, on vit l’ère du « Tous DSI » (pour reprendre J.M PERETTI quand il disait que nous sommes Tous DRH !) j’extrapole de la même manière ce concept, car les Systèmes d’Information appartiennent à tout le monde :
– Ils sont projetés dans une vision globale par le Comité Technologie émanant du conseil d’administration
– Ils sont portés et sponsorisés par le CEO
– Ils sont conçus par les métiers
– Ils sont utilisés par les clients (internes et externes)
– Ils sont améliorés tout le temps par les utilisateurs
– Ils sont gardés, implémentés, upgradés, sécurisés… par les SI
– Ils sont fournis, intégrés, testés par les parties prenantes (Fournisseurs, éditeurs…)
Faire porter la responsabilité de l’adéquation des SI aux besoins de l’entreprise au seul DSI serait une erreur fatale, qui peut engloutir des budgets colossaux dans des visions décalées par rapport à celles des organisations.
Vous me tendez une perche, car j’ai envie de vous demander, Que pourrait être aujourd’hui le profile idéale du DSI ?
C’est Madame ou Monsieur IT. Peter Drucker a dit que durant les trente glorieuses, les organisations avaient besoin de profiles managers dits « I » donc à compétences et expertises verticales, raides, ce sont des spécialistes, référents dans leur domaines, techniciens pouvant mettre la main à la patte, mais au fil du temps devaient Manager, coacher, animer, faciliter, communiquer, négocier, fédérer, anglophone, ce qui les a transformé en profile « T » des années 90, la barre transversale qui s’est ajoutée au « I » est celle des soft skills. A ce concept « IT » de P.Drucker, j’ajoute aujourd’hui le «Π » (lettre grecque : Pi), l’autre composante verticale regroupe l’innovation, l’amélioration et la culture « Projet », afin de réaliser la vision de l’organisation court/moyen et long terme. La mission étant réalisée par l’exploitation et la production quotidienne, la vision ne peut se réaliser que si on est centré sur les résultats des projets et programmes, le gène « Achievement » doit être dominant et non récessif, l’organisation figée, sclérosée, bureaucratique doit laisser la place à l’architecture en projets/programmes ou les profiles se sentent libérés et challengés tous les jours, le goût du résultat et de la célébration des success stories devra prendra le dessus et façonner profondément notre façon de faire et d’agir dans l’organisation.
D’aprés I Compétences, Maroc