Entretien exclusif avec Donikpo KONE, Chef de la Division de la Culture, à la Direction de la Culture et du Tourisme, au Département du Développement Humain de la Commission de l’UEMOA.
Suite à la mise en œuvre de la Directive n°07/2023/CM/UEMOAdu 22 septembre 2023 portant harmonisation des dispositions relatives au droit à rémunération pour copie privée au sein de l’UEMOA, Financial Afrik s’est entretenu avec Donikpo KONE, Chef de la Division de la Culture, à la Direction de la Culture et du Tourisme, au Département du Développement Humain de la Commission de l’UEMOA. Portée et enjeux d’une décision prise par le Conseil des Ministres statutaire de l’UEMOA.
Qu’est-ce que l’on doit entendre par copie privée et rémunération pour copie privée ?
La copie privée est une exception au droit d’auteur qui permet de copier, d’enregistrer ou de reproduire un contenu culturel protégé et provenant d’une source légale sur tous supports-par une personne physique pour un usage privé et non à des fins collectives.
A titre d’exemple, pour notre usage personnel, nous enregistrons tous, des films, de la musique ou des livres dans nos smartphones, nos tablettes, nos ordinateurs ou encore sur des clefs USB ou des disques durs etc.
En contrepartie de ces copies effectuées pour des usages privés, il est perçu une redevance auprès des fabricants ou des importateurs de supports d’enregistrements et autres appareils,systèmes ou dispositifs qui permettent de stocker, de transmettre, de récupérer les contenus culturels.
Cette redevance est versée aux auteurs, aux artistes, aux éditeurs et aux producteurs en compensation du préjudice qu’ils subissent du fait de la copie de leurs œuvres. C’est ce que l’on appelle la rémunération pour copie privée.
Quel est l’objet de la directive et qu’est-ce qu’elleapportera aux acteurs de la culture ?
La Directive n°07/2023/CM/UEMOA du 22 septembre 2023 a pour objet, l’harmonisation au sein des Etats membres de l’UEMOA, des dispositions relatives au droit à rémunération pour copie privée des œuvres ou des contenus culturels.
L’application de cette directive permettra aux organismes de gestion collective c’est-à-dire les bureaux de droit d’auteur et des droits voisins des Etats membres, de collecter et de repartir entre les bénéficiaires des ressources financières très importantes. Ces ressources financières auront un impact important à trois (3) niveaux : D’abord, elles vont contribuer à améliorer les conditions de vie et d’exercices des auteurs, des artistes et des producteurs ; ensuite, elles vont contribuer à accroître la qualité et la quantité des œuvres des artistes et enfin, elles vont contribuer à la promotion de la culture à travers le financement de projets culturels.
Comment sont fixés les montants de la rémunération pour copie privée ?
Les montants de la rémunération pour copie privée sont fixés par les Etats membres sur les objets, systèmes et dispositifs assujettis à la copie privée, selon le cas.
La directive prévoie au sein de l’Union un taux de la rémunération pour copie privée qui se situe entre 3% et 10% du prix des supports et appareils quel qu’en soit le type.
Ce taux est susceptible d’être porté dans une fourchette de 5% à 10% dans 4 ans après une évaluation de la mise en œuvre de la directive.
Il faut noter que le taux est fixé par chaque Etat membre suivant un processus de concertation entre les différentes parties prenantes à savoir : les organisations des bénéficiaires, des redevables de la rémunération ainsi que les consommateurs.
Dans certains cas spécifiques, les EM peuvent juste fixer un montant forfaitaire pour la RCP.
Comment se fait l’affectation des sommes perçues au titre de la rémunération pour copie privée ?
L’affectation des sommes perçues par les organismes de gestion collective se fait suivant trois directions.
– D’abord au moins 50% des sommes perçues sont attribuées à l’ensemble des catégories bénéficiaires (auteurs des œuvres sonores, auteurs des œuvresaudiovisuels, auteurs des œuvres écrites et auteurs des œuvres des arts visuels) ;
– Ensuite, au maximum 35% des sommes perçues sont consacrées au financement des projets culturels et auxactions sociales au bénéfice des auteurs, des artistes, des éditeurs et des producteurs ;
– Enfin, au maximum 15% des sommes perçues sont affectées pour les frais de gestion attribuées à l’organisme de gestion collective.
Depuis l’adoption de la directive qu’est-ce qui est fait par la Commission et quelles sont les prochaines étapes pour son application effective dans les Etats membres ?
La directive a été adoptée par le Conseil des Ministres en sa session ordinaire du 22 septembre 2023, à Abidjan. Depuis lors, deux actions majeures ont été menées.
– La première action a consisté à organiser un séminaire régional d’information et de sensibilisation sur la Directive. Ce séminaire s’est tenu à Abidjan, du 4 au 7 février 2024. Il a bénéficié de l’appui technique et financier de plusieurs partenaires dont les principaux sont : l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) ; la Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs (CISAC), la Fédération internationale des organismes gérant les droits de reproduction (IFRRO) etl’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).
– Le séminaire a regroupé des représentants de l’ensemble des parties prenantes à la mise en œuvre de la directive. Ila permis d’adopter un plan d’action commun pour la transposition et l’application de la directive.
– La seconde action qui est en lien avec la première a été la production de supports de communication pour renforcer la vulgarisation de la directive à travers l’édition d’une brochure sur la directive, des prospectus et des Kakemonos.
Quant aux prochaines étapes, elles s’articulent autour de deuxaxes majeurs d’intervention.
Le premier qui est en cours consiste à la rédaction de deux documents importants pour accompagner les Etats membres dans la mise en œuvre de la Directive. Il s’agit d’une part d’un guide d’explication de la directive pour faciliter sa compréhension et d’autre part d’une boîte à outils qui pourrait aider à la transposition de la directive.
Le second axe d’intervention consistera à la mise en œuvre du plan d’action adopté au séminaire d’Abidjan à travers unaccompagnement des Etats membres par une assistance technique avec l’appui de nos partenaires traditionnels en la matière à savoir, l’OMPI, la CISAC et l’IFRRO.