Institué en 2001 pour répondre aux besoins d’équipement et d’investissement de la Direction générale des impôts (Dgi) sur une période de trois ans, la Taxe spéciale d’équipement (TSE) n’est pas prête de disparaître du dispositif fiscal ivoirien. Même pas au terme de l’année 2019 !
Elle était présentée comme une des mesures fiscales importantes «de soutien aux entreprises» de la loi de finances 2017 de Côte d’Ivoire ! La limitation de la durée d’existence de la Taxe spéciale d’équipement (TSE) au 31 décembre 2019, est en passe d’être réduite en une illusion. Les entreprises industrielles amenées par la très ancienne et puissante Fédération Nationale des Industries et Services de Côte d’Ivoire (Fnisci) devront ne pas en revenir !
Sauf « fin de non-recevoir » du Fonds monétaire international dont une mission séjourne actuellement dans le pays au gouvernement, la Taxe spécial d’équipement (TSE), -dont elles ont obtenu une évolution de la législation fiscale dans le sens de la suppression à fin 2019-, va être rétablie, pour une énième fois, dans une durée indéterminée. Elle devrait donc « continuer d’être perçue au-delà du 31 décembre 2019 ». C’est l’une des « belles couleuvres » que le gouvernement devrait servir au secteur privé.
Mutation de mesure de soutien aux entreprises à mesure de renforcement des moyens de l’Etat
En effet, une disposition phare du projet d’annexe fiscale 2018 actuellement sur la table du Premier ministre, ministre du Budget et du portefeuille de l’Etat, Amadou Gon Coulibaly, fait sauter le verrou de la limitation de la durée d’existence de la TSE au 31 décembre 2019. Un rétropédalage qualifié «d’impérieux », dans les couloirs de la Dgi, au regard, il y est dit, «de l’enjeu de l’amélioration du recouvrement des recettes intérieures». Inscrite dans le projet d’annexe fiscale 2018, au titre des «mesures de renforcement des moyens de l’Etat», cette disposition est présentée comme la conséquence logique «de l’accroissement régulier des objectifs de recettes fixés aux Impôts et de la modernisation en continu de ses services et modes opératoires en vue d’accroître le niveau de mobilisation des recettes budgétaires ».
« L’administration fiscale a besoin d’être dotée de moyens suffisants pour la réalisation des missions qui lui sont assignées et le budget de l’Etat n’est pas en mesure de couvrir ces investissements pourtant nécessaires », résume un conseiller du tout nouveau Secrétaire d’Etat au Budget. La rengaine n’est pas nouvelle. Il faut bien trouver les ressources financière quelque part !
Une quote-part au secteur privé moderne depuis longtemps !
Ainsi, l’addition de l’équipement de l’administration fiscale ivoirienne, le secteur privé la paie sans discontinuer depuis 2001. Montant : entre 15 et 20 milliards de FCFA en moyenne par an par la ponction de 0,1% sur le chiffre d’affaires hors taxe des entreprises soumises au régime réel d’imposition. Une belle cagnotte qu’on a vite fait de préciser, au cabinet du Premier ministre « qu’elle est partagée avec le secteur privé ».
« Le tiers du produit de la TSE est régulièrement reversé aux organisations professionnelles du secteur privé moderne pour renforcer leur capacité d’encadrement de leurs membres » assure-t-on. Sauf que d’organisations professionnelles du secteur privé, il s’agit de la seule Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), le patronat ivoirien. Et on s’agace ouvertement, au Secrétariat d’Etat auprès du Premier ministre en charge du Budget « de l’accaparement et l’utilisation quasi-exclusive qu’elle a toujours fait de la quote-part de la TSE allouée aux organisations professionnelles du secteur privé moderne ».
Des ajustements adroits pour tenter de faire passer la pilule
D’ailleurs, adroitement, la mesure de pérennisation de la TSE inscrit dans le projet d’annexe fiscale 2018 prévoit « de relever de 33,33% à 35% la quote-part du produit de la taxe pour appuyer davantage les organisations professionnelles du secteur privé ». Mieux, elle cible précisément, les potentiels allocataires : « la CGECI, les organisations professionnelles les plus représentatives des PME-PMI et des professions libérales ». Précisant que « la clé de répartition sera déterminée par arrêté du Secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargé du Budget et du portefeuille de l’Etat ». Assurément, une belle carotte pour essayer de faire passer en douceur la pilule du maintien pour une durée indéterminée de la TSE.
Reste à savoir si les entreprises dont les groupements ne sont que l’émanation, vont accepter de continuer de financer directement les dépenses d’investissement de l’administration fiscale, au-delà de 2019, alors qu’elles-mêmes peinent à obtenir des financements pour le développement de leurs propres activités. Question à 20 milliards de francs CFA !
Albert Savana, Abidjan