Par Christian Kazumba*/
Malgré la création récente d’un ministère des congolais de l’étranger le 6 Décembre 2014 (résurgence d’une première tentative en 2006), peu de chiffres précis circulent officiellement quant au nombre de ressortissants de la RDC vivant à l’étranger.
Composée de 2 à 7 millions d’individus, établis le plus souvent en Belgique, en France, en Angleterre, aux Pays-Bas, aux États-Unis ou au Canada, la diaspora congolaise constitue, selon toute vraisemblance, la diaspora la plus importante du continent africain.
Selon le magazine des Nations Unies «Afrique renouveau», les transferts de fonds réalisés par les nationaux résidant hors des frontières congolaises ont atteint un montant record de 9 milliards de dollars US sur l’année 2011.
Au sein de cette diaspora, se trouve un grand nombre de congolais ayant directement bénéficié de la qualité de la formation scolaire et universitaire dispensée dans leur pays d’accueil et ayant réalisé un début de carrière professionnelle, aussi brillant qu’enrichissant, dans des entreprises occidentales bien souvent beaucoup plus structurées que celles implantées sur le continent.
Grâce à leur niveau d’études, parfois impressionnant, et aux responsabilités professionnelles qu’ils ont pu exercer, ils ont acquis et accumulé une expertise qui serait fort précieuse pour un pays dont l’émergence économique est planifiée pour 2030, mais dont l’indice de développement humain se situe à l’avant dernière place du classement international de 2014….
De plus, la contribution des congolais de l’étranger à l’économie locale ne souffre d’aucune contestation possible. En effet, selon le magazine des Nations Unies « Afrique renouveau », les transferts de fonds réalisés par les nationaux résidant hors des frontières congolaises ont atteint un montant record de 9 milliards de dollars US sur l’année en 2011, soit :
– près de la moitié du PIB local.
– un peu plus de l’équivalent du budget de l’état.
– plus de quatre fois l’aide publique au développement en RD Congo.
D’après une étude réalisée par la Banque mondiale, ces sommes d’argent auraient permis de financer la scolarisation de quatre enfants congolais sur dix et la construction de plus de la moitié des infrastructures locales.
Il apparait clairement que, de par le nombre d’individus dont elle est composée et de par ses moyens financiers, la diaspora congolaise pourrait générer des investissements égaux ou supérieurs à ceux émanant des investisseurs étrangers…..
Pourquoi le retour de la diaspora est-il stratégique pour l’économie congolaise ?
Si l’environnement global de la RDC s’est considérablement amélioré depuis les années 2002-2003, des chantiers considérables, auxquels la diaspora doit impérativement participer et apporter son expertise, restent à piloter et des marges de progrès impressionnantes sont plus que jamais d’actualité.
Quelques exemples chiffrés, parmi tant d’autres, peuvent être mentionnés :
• En dépit de la stabilisation du cadre macro-économique enregistrée depuis 2010 et symbolisée, notamment, par une croissance impressionnante (9,5% en 2014 selon le gouvernement), le produit intérieur brut nominal du Congo, ne dépasse pas 25 milliards de dollars, soit à peine 1% du PIB français (alors que la RDC a une superficie équivalente à près de cinq fois celle de la France).
• Le budget de l’état en RD Congo est, à date, de l’ordre de 9 milliards de dollars US. Même si sa progression est substantielle, puisqu’il était limité à 300 millions de dollars à la fin des années 90, il convient de souligner qu’il ne représente environ que 2% du budget de l’état français.
• Malgré les progrès incontestables enregistrés par le secteur bancaire congolais depuis une quinzaine d’années, la somme du total du bilan de l’ensemble des établissements bancaires implantés au Congo (entre 4 et 5 milliards de dollars US) équivaut à moins de 0,5 % du total du bilan de la BNP ou du Crédit agricole….
• Le chiffre d’affaires du marché congolais des assurances (vie et non vie) est inférieur à celui du Gabon, pays qui compte pourtant 45 fois moins d’habitant que la RD Congo.
• La RDC est arrivée en 183ème position du classement «doing business» de la Banque mondiale en 2014. En conséquence, elle fait partie, selon cette source, des 10 pays de la planète ou le climat des affaires est le plus dégradé.
Vers quelles solutions s’acheminer pour faciliter le retour de la diaspora au Congo ?
• Provoquer une réflexion sur l’adoption de la double nationalité.
La constitution de Février 2006, en son article 10, stipule que la nationalité congolaise est «une et exclusive». En d’autres termes, la loi suprême proscrit, de manière très stricte, toute situation de double nationalité dans ce pays.
En conséquence, les personnes issues d’une double culture (de plus en plus nombreuses) et les congolais ayant immigré en Europe, en Amérique ou dans un autre pays africain, et ayant pris, pour des raisons diverses et variées, la nationalité de leur pays d’accueil sont considérés, aujourd’hui, comme des étrangers dans leur propre pays d’origine.
L’immensité de la RDC (deuxième pays le plus vaste du continent) et sa position géographique centrale lui confèrent plus de 10 000 kilomètres de frontières communes avec neuf nations différentes. La porosité de ces très longues frontières explique la présence, sur le territoire congolais, de plusieurs centaines de milliers de ressortissants de certains pays limitrophes (Centrafrique, Rwanda, Burundi etc….) fuyant principalement les conflits militaires de la région.
Par ailleurs, l’identification de la population a toujours été plus que problématique en RD Congo, la dernière carte d’identité en vigueur datant ….de l’époque du maréchal Mobutu.
On peut donc aisément comprendre les réticences de certains à la suppression du caractère exclusif de la nationalité congolaise.
Néanmoins, la RD Congo ne pourra pas faire l’économie d’un grand débat national sur ce sujet, aussi stratégique que délicat, pour lequel de plus en plus de représentants des congolais de l’étranger souhaitent s’impliquer durablement.
• Modifier la procédure de délivrance des visas.
Contrairement à ce qu’avaient recommandé les dernières concertations nationales du 5 Octobre 2013, une personne de nationalité étrangère, et d’origine congolaise, est toujours tenue de se faire délivrer un visa afin de séjourner, pour quelque motif que ce soit, en RD Congo.
De surcroit, les formalités, loin d’avoir été simplifiées, sont aujourd’hui plus complexes et plus longues qu’auparavant. En effet, il vous sera demandé désormais de faire parvenir par la poste, à l’ambassade de RDC, l’ensemble de vos pièces justificatives (y compris l’original de votre passeport). De plus, l’autorisation de la chancellerie du ministère des affaires étrangères, localisée à Kinshasa, doit systématiquement être sollicitée par l’ambassade, avant de délivrer le précieux sésame…
Si l’on englobe les différentes taxes prélevées à l’occasion de votre départ de l’aéroport de Kinshasa («IDEF» et « taxe statistique d’embarquement »), les formalités administratives, pour entrer et sortir de la RD Congo vous couteront, au total, un minimum de 150 dollars américains !
De manière paradoxale, la lenteur et la lourdeur du process d’obtention des visas en RDC s’accompagnent d’une tarification élevée, et sensiblement supérieure, par exemple, à celle pratiquée par le Kenya ou le Burkina Faso, pays pour lesquels le visa peut être obtenu de manière quasi instantanée lors de l’arrivée à l’aéroport…
Si l’on englobe les différentes taxes prélevées à l’occasion de votre départ de l’aéroport de Kinshasa («IDEF» et « taxe statistique d’embarquement »), les formalités administratives, pour entrer et sortir de la RD Congo vous couteront, au total, un minimum de 150 dollars américains !
Il serait temps que les autorités congolaises instaurent un système de carte consulaire, délivrée une fois pour toute, et permettant à tout étranger d’origine congolaise de circuler librement, quel que soit son lieu de résidence, sur l’ensemble du territoire.
• Réformer la législation du travail et la fiscalité congolaise.
Il existe de nombreux freins législatifs à l’embauche d’une personne de nationalité étrangère et d’origine congolaise dans une entreprise locale.
Ainsi, des quotas d’expatriés ont été instaurés dans tous les secteurs de la vie économique du pays. A titre d’exemple, un établissement bancaire ne peut pas compter plus de 4% de salariés étrangers au sein de son personnel.
Par ailleurs, une imposition exceptionnelle frappe la rémunération du personnel expatrié. A la charge exclusive de l’employeur, elle est prélevée sur la base d’un taux d’imposition de 10 %.
Afin d’éviter ces inconvénients, il est de notoriété publique qu’un certain nombre d’entreprises incitent des candidats de valeur à transgresser la loi suprême, en se procurant un passeport congolais (ce qui n’est pas d’une complexité extrême pour quiconque possède un minimum de relation dans l’administration locale et est prêt à «motiver» son interlocuteur grâce à quelques billets de banque habilement placés au bon moment et au bon endroit….).
Il est donc possible de s’interroger sur la pertinence du maintien de dispositifs réglementaires assez aisément contournables et qui, finalement, ne servent qu’à démotiver les bonnes volontés et les compétences de rentrer au pays.
En conclusion
Des mesures intéressantes et importantes ont été récemment initiées par les pouvoirs publics congolais. Incontestablement, elles provoqueront à terme une embellie sur le climat des affaires local. Ainsi, à titre d’exemple :
– un guichet unique, limitant les formalités administratives relatives à la création d’entreprise à 72 heures, a vu le jour en Novembre 2012.
– les accords de l’OHADA ont été ratifiés, par la RD Congo, en Septembre 2012 et la convention de New-York de 1958 (relative à l’arbitrage et à la sécurisation des investissements) en Juin 2013.
– la fibre optique est apparue dans l’ouest du pays en Juillet 2013, laissant apparaitre des perspectives de développement impressionantes pour le secteur des télécommunications congolais.
La RD Congo se doit d’accompagner désormais ces différentes mesures qui visent, notamment, à augmenter le montant des investissements directs étrangers, par une vraie politique d’incitation au retour des talents et des expertises professionnelles dont sa diaspora ne manque pas, à l’instar de ce qu’ont déjà réalisé le Rwanda ou le Togo.
*Christian Kazumba est Conseil en management et en organisation pour des entreprises implantées en Afrique Représentant de la RD Congo 2030