Epouser l’étranger/
(Photo: Attilio Polo). L’autre jour j’ai participé à un mariage, à Naples. Une de mes meilleures copines et son amoureux ont décidé de légaliser leur union – première partie à Naples, deuxième à Buenos Aires.
Oui, c’est un mariage en étapes de célébrations. Spécial, n’est pas ? Et leur histoire aussi : elle est napolitaine d’origine, mais une vrai jet set par passion et profession, lui est argentin. Les deux sont journalistes. Oui, vous avez raison, ce n’est pas le scénario traditionnel où l’époux et l’épouse viennent de familles alliées, enracinées dans une société bien posée, où l’on connait la couleur de la jupe de la tante de notre cousin depuis la nuit de temps.
Non, ce n’était pas arrangé, ils n’habitaient même pas dans la même ville ni sur le même continent. Ils se sont rencontrés dans un programme de formation au Chili et ont décidé de continuer leur amour, leurs recherches et leurs écritures ensemble, en mode nomade avant de se poser à Buenos Aires.
Quel meilleur set de kick starter pour un tel mariage que Naples, avec toutes ses histoires de cœur et de passion, de voyages et de races croisées? Pendant 3000 ans, les napolitains ont tout eu et tout vécu : de l’éruption de Vésuve jusqu’à la bonanza impériale, des lumières des premières universités d’Europe médiévale jusqu’au ravages de mafia.
Les napolitains vivent ensemble, dépositaires de ces cultures qui ont touché leur évolution : grecque, romane, arabe, germanique, française, espagnole, américaine et bien d’autres. La création même de cette ville est liée à l’amour qui tente de dépasser les limites du probable: selon la légende, la sirène Parthénope s’éprend d’Ulysse mais, dédaignée par celui-ci, elle se jette dans la mer. Parait-il qu’un temple fut construit dans la ville de Néapolis (nom antique de Napoli), et les habitants célébraient des jeux gymniques en son honneur.
Elle fut tellement respectée et aimée qu’on adapta son histoire jusqu’au point de développer des versions plus récentes selon lesquelles la sirène tomba amoureuse de la ville et décida d’y continuer sa vie, en laissant tomber tous ses confrères tritons ét sirènes.
Au-delà de la joie, et de l’enthousiasme qui accompagne toute histoire d’amour sur son chemin, il y a une confirmation et la promesse d’une époque avec moins de barrières. On était assis autour des tables, et cela avait l’air d’être un Babylon pacifique et heureux: les invités venaient du monde entier, de Moscou, de Chicago, de Quito, de Buenos Aires, de Londres…
Vous nommez une ville, il y en avait probablement un ou deux de ses représentants parmi nous. Il y avait aussi quelques nomades sans résidence, internationalement éparpillés entre bourses d’étude post-universitaires, projets de recherches et autre missions à l’étranger. Les mix à découvrir étaient fascinantes : Ethiopiens, Canadiens, Chiliens, Français, Indiens, Argentins, Roumains, Italiens (du nord et du sud), Anglais.
Bref, du tout ; et presque de toutes les croyances: chrétiens, juifs, musulmans, bouddhistes, adorateurs du Soleil… peut être même quelques nihilistes cachés derrière des sourires provoqués par l’occasion. Hyper mix, on parlait toutes les langues et les phrases volaient dans tous les sens, colorées avec des expressions de toutes les cultures. Et on était à l’aise. Bizarrement, on s’entendait bien, parlant de tout le monde et partant dans toutes les directions.
On n’est pas les seuls d’ailleurs. Vous aussi, peut-être, avez-vous assisté à un mariage pareil ? Ou au baptême d’un petit nous-nous, comme on appelle les métisses au Maroc ? Ou, peut-être, vous avez un cousin second degré de Suède, pâle come une chandelle qui danse zoulou comme les dieux de feux matérialisés ? Ou bien une tante de Bretagne, épouse du cher oncle Moud, qui adore le henné et le porte à toute occasion, y inclut durant le Noël ; ou, au moins, pendant vos études aux Etas Unis vous avez flirté avec un charmant John de Kentucky mentionnant “All day long” de Fela Kuti,presque jurant qu’il est la réincarnation du génie de l’Afro beat.
Diversifier les perspectives, tester des nouveaux horizons, s’ouvrir au monde et embrasser l’humanité avec son cœur : au-delà de toute différence, on peut s’assoir autour d’une table, et célébrer ensemble. Eh ben, pourquoi ne pas vivre ensemble ?
Fin baromètre social, le mariage a changé en quelque sorte, en s’adaptant à cette vie du XXIème siècle, à ce processus d’ouverture et d’amalgamation qui correspond à une époque de voyages et de révolutions, de social media. Mais il (le mariage) reste toujours le centre autour duquel tourne toute la vie d’une communauté. Là se rencontrent les vivants, les morts et les «non-encore-nés». Et tant mieux, si cette communauté peut s’ouvrir et devenir internationale.
A la fin, ce n’est pas qu’accepter du point de vue rationnel les différences, mais aussi trouver la manière de les intégrer dans notre système, en harmonie – qu’il soit temps d’éruption ou bonanza. Et finalement, si on arrive à aimer quelqu’un ou quelque chose, il y en a plus de chances de le comprendre profondément.
D’origine roumaine et citoyenne du monde, Maria Nadolu parcourt la vaste terre et consigne dans ses carnets des histoires sans clichés et sans fards qui sortent souvent de l’ordinaire et renvoient à cette humanité que nous avons en partage. Maria Nodolu travaille notamment dans la communication, l’événementiel et les projets économiques à caractère culturel. Elle fait partie des soutiens de première heure du projet Financial Afrik et, à ce titre, a participé à la promotion du support auprès d’un public qualifié au Maroc, en Europe et dans le monde en général. Africanophile naturelle, Maria Nadolu milite pour une nouvelle Afrique et un nouveau monde où le juste prix dans les échanges remplacerait l’aide et les dons.