Guy Gweth, auteur de « Maroc-Afrique : ils ont trahi le Roi », paru le 17 janvier 2015, en même temps que l’ouverture de la 30ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations de football en Guinée Etquatoriale, nous brosse l’ambiance générale de son livre. Exclusif.
Ironie de l’histoire, la première rencontre de Mohammed VI avec les peuples d’Afrique eut lieu lors d’une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations (CAN). La Zambie s’étant désistée à la dernière minute, le Maroc décida au pied levé d’abriter, du 13 au 27 mars 1988, la 16ème édition de la CAN de football, la compétition sportive la plus populaire du continent.
Sa Majesté le Roi Hassan II profita de ce grand rendez-vous africain pour mettre son successeur en avant. Le 12 mars 1988, au stade Mohamed V de Casablanca, c’est Son Altesse Royale le prince héritier Sidi Mohammed qui remit de trophée de la CAN au Cameroun, vainqueur du Nigeria (1-0) devant 50 000 spectateurs et plusieurs millions de téléspectateurs.
Lorsque le 23 juillet 1999, le prince héritier Sidi Mohammed (fils aîné et deuxième enfant du monarque disparu deux jours plus tôt), devient Mohammed VI, de nombreux Africains, et j’en suis, se souviennent du « prince de la CAN » vu à la télé… Consciemment ou non, une partie de l’opinion africaine se prend d’affection pour ce jeune Roi rattaché aux valeurs sportives, à la faveur d’un souvenir sportif…
Mohammed VI a également la sympathie des chefs d’États africains dont il reçoit tour à tour les condoléances au décès de son père et les félicitations pour son accession au trône. Une bonne partie de musulmans d’Afrique se reconnaissent aussi dans ce nouveau Commandeur des croyants totalement apolitique, auquel ils semblent faire une allégeance muette.
Après 15 ans au trône, 29 visites d’Etat en Afrique et 500 accords commerciaux signés, Mohammed VI ne boude ni sa popularité ni son succès. Chantre de la coopération sud-sud, il a réconcilié une partie des Marocains avec l’Afrique subsaharienne et aidé à imposer de grands groupes marocains dans une quinzaine de pays francophones d’Afrique subsaharienne.
Au fil de son aventure africaine, le Souverain marocain attire à lui des médias dont la diversité des reportages peut faire oublier que l’Afrique ne représente que 6% du total des exportations marocaines au 31 décembre 2013, et que les Africains investissent bien plus au Togo et au Bénin qu’au Maroc…
Autre ironie de l’histoire, c’est sous le règne de Mohammed VI que le Maroc évoque le virus Ébola pour demander le report de la CAN, la compétition sportive la plus suivie d’Afrique, la compétition qui l’a fait Roi d’Afrique auprès des masses populaires…
De nombreux Marocains interrogés en préparation de mon ouvrage sont persuadés que cet acte manqué « purement sportif » n’aura pas d’impact sur les relations (économiques) qui lient le Royaume aux pays d’Afrique subsaharienne. Mon essai (Maroc-Afrique : ils ont trahi le Roi, à paraître le 17 janvier 2015, date du début de la 30ème édition de la CAN de football en Guinée Équatoriale) entreprend de prouver le contraire.
En s’appuyant notamment sur des témoignages de politiques, de diplomates, de chefs d’entreprises et d’universitaires, cet essai montre qu’il a fallu trahir le Roi du Maroc pour tremper 15 ans de diplomatie économique et d’influence marocaine au sud du Sahara dans une coupe d’Afrique.
Avec du recul, on pourrait croire, ultime ironie de l’histoire, que le Maroc divorce de l’Afrique tous les 30 ans. Le 12 novembre 1984, le Royaume chérifien quittait l’OUA. Le 11 novembre 2014, la CAF lui retirait l’organisation de la CAN-2015 doublée d’une suspension des compétitions africaines. En vérité, seule une diplomatie globale cohérente et conséquente pourra aider Rabat à retrouver la voie royale dans la tête et le cœur des Africains. Durablement.
Guy Gweth
Conseil en intelligence économique et stratégique chez Knowdys Consulting Group
Auteur de Maroc-Afrique : ils ont trahit le Roi, à paraître le 17 janvier 2015, date du début de la 30ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations de football en Guinée Equatoriale.