Par Christian Kazumba, expert en développement du secteur privé.
Qui ne connait pas le potentiel économique impressionnant de la RD Congo, véritable « pays continent » au sous-sol évalué par certains à vingt-quatre mille milliards de dollars et à l’agriculture susceptible de nourrir près de vingt-cinq pour cent de l’humanité ?
Ces perspectives impressionnantes ne semblent pas, pour le moment, convaincre les acteurs du Private Equity de s’y implanter puisqu’un seul fonds d’investissement de dimension internationale y opère aujourd’hui.
Force est de constater que certains freins subsistent et s’opposent au développement rapide d’un secteur pourtant stratégique car capable d’accompagner l’émergence de PMEs locales à la recherche de solutions adaptées couplant financement et appui technique pérenne.
Des doutes quant à la viabilité du modèle économique
Avec un taux de pression fiscale parmi les plus importants du continent, un coût de la vie exorbitant rendant les rémunérations et les loyers beaucoup plus élevés qu’en Afrique de l’ouest, une médiocre qualité des infrastructures publiques nécessitant la prise en charge par les entreprises de lourdes dépenses, rentabiliser rapidement les « deals » réalisés semble difficile et incertain.
Un nombre réduit d’entreprises «investissables»
Quatre années passées sur le terrain au côté d’entrepreneurs congolais m’incitent à penser que des carences importantes peuvent apparaitre en termes de structuration de projet.
Ainsi, les fondamentaux de certaines entreprises, en termes de modèle économique, de maitrise du marché de référence, de gestion opérationnelle, de suivi de trésorerie ou de management du capital humain semblent bien souvent fragiles et de nature à refroidir les velléités de tout investisseur potentiel.
Par ailleurs, la réticence de chefs d’entreprises, pilotant certaines PME familiales beaucoup plus matures, à ouvrir leur capital à un fonds d’investissement respectant les standards du marché peut aussi expliquer le faible nombre d’acteurs du Private Equity présents à Kinshasa.
Des difficultés pour définir une valorisation d’entreprise cohérente
Lorsqu’un fonds d’investissement envisage de financer une entreprise par prise de participation au capital, la valorisation de la société cible constitue toujours un sujet d’importance dont dépendra notamment le nombre d’actions qui lui sera alloué en contrepartie. L’absence de bourse de valeurs, le faible nombre de transactions similaires et le manque d’accès à des informations économiques et financières fiables rendent cet exercice périlleux en RD Congo et incontestablement plus subjectif qu’ailleurs.
En dépit de ces obstacles, les fonds d’investissements internationaux feraient bien d’accentuer leur intérêt pour la RD Congo, destination qui ne manquera pas de présenter des atouts considérables dans un avenir proche pour un investisseur à la recherche de retours substantiels.
Ainsi, le fort tempérament entrepreneurial d’une population jeune et dynamique, les progrès accomplis par le pays en termes de perception du risque (symbolisé par le rehaussement récent de la note souveraine de la RDC par les agences internationales Moody’s, Standard and Poor’s et Bloomfield) méritent d’être soulignés.
Par ailleurs, en regain de confiance, les bailleurs de fonds internationaux consacrent de plus en plus de moyens techniques, humains et financiers dans des programmes visant à développer le secteur privé et l’écosystème entrepreneurial congolais (à titre d’exemple, un total de quatre cents millions de dollars a été alloué par la Banque mondiale dans le cadre des projets « PADMPME » et « TRANSFORME »).
Sociétés de gestion, fonds d’investissement : prenez le cap de la RDC. Le principal risque pour vous consisterait à ne pas vous y intéresser rapidement.
Privilégiez la mise en place de fonds multisectoriels qui vous permettra de bénéficier de toute la diversité de l’écosystème local, en proposant des tickets d’investissement compris entre trois cent et huit cent mille dollars, en parfaite adéquation avec les besoins de financement des PMEs disposant d’un historique et d’une organisation de base. Sachez adapter vos modes et vos instruments de financement, ainsi que votre suivi « post-investissement », et votre offre séduira un marché congolais aussi spécifique que prometteur.
A propos de Christian Kazumba
Christian Kazumba est un expert dans le développement du secteur privé subsaharien.
Travaillant depuis onze ans sur le continent africain, son parcours lui a permis d’évoluer successivement au Maroc, au Mali, au Burkina Faso, au Togo et en RD Congo, à des postes de Direction opérationnelle ou générale, dans des entreprises du secteur des services.
Il a également piloté, pour le compte d’un « Big Four » en RDC, un projet Banque Mondiale visant à mettre en place des centres de PME à Kinshasa, Lubumbashi, Goma et Matadi.
Il dirige aujourd’hui un cabinet de conseil et d’investissement, implanté au Gabon, ciblant principalement l’essor de l’écosystème entrepreneurial.