Par Samir Bouzidi.
Ethnomarketer & expert international en mobilisation des diasporas africaines, Samir Bouzidi est un entrepreneur engagé, fondateur de la startup solidaire “Impact Diaspora”. Dans cette chronique, il revient sur l’opération d’accueil de la diaspora marocaine par la mètre patrie.
La campagne publique « Marhaba » (bienvenue) d’accueil des Marocains de l’étranger (dits « MRE ») à l’occasion de leurs retours estivaux n’a jamais aussi bien porté son nom et illustré son esprit originel. Traditionnellement disposée dans les ports marocains et européens (Espagne, France..) pour assister les MRE lors de leur périple routier de plusieurs milliers de kms et leur faciliter l’accès au pays d’origine, la campagne 2021 leur offre plus qu’ils pouvaient espérer : rentrer au Maroc en avion au prix d’un autocar ! Ainsi et sur instruction royale, la RAM (Royal Air Maroc) propose depuis le 13 juin, plus de 3 millions de sièges, dont 600 000 en affrètement, du 15 juin au 30 septembre 2021, avec des tarifs aller/retour débutant à 97 euros, pour une famille d’au moins 4 personnes. Sur la période citée, ce sont 3,5 millions de sièges aériens qui seront mis à la disposition des voyageurs, soit près des trois quarts de la capacité proposée lors de la même période de 2019 ! De mémoire de diasporas africaines, de c’est tout simplement inédit et historique !
Le pragmatisme diplomatique et économique marocain
Avec cette annonce que personne n’avait vu venir, le royaume chérifien a réussi là un véritable coup de maître. D’un, les autorités marocaines se réconcilient avec une diaspora qui s’était sentie lâchée ces derniers mois avec le blocus sanitaire du pays et la conséquente parcimonie des vols de rapatriement. Deux, avec plus de deux millions de MRE réputés dépensiers attendus pour l’été grâce à cette campagne, la menace d’une saison touristique sèche et bien plus est éloignée. Trois, le pays réussit un coup de communication retentissant que les contre-feux des puissantes compagnies aériennes européennes n’ont pas éteint ; ces dernières victimes collatérales de la campagne d’annulation massive de voyageurs voulant profiter de la promotion de la RAM ont été les plus promptes à crier à la concurrence déloyale à coups de subvention publique, oubliant au passage qu’elles-mêmes avaient largement profité des milliards en subsides du plan Covid-19 consenti par leurs gouvernements respectifs.
Surtout le Maroc donne à l’Afrique une leçon de pragmatisme économique pour le présent et l’avenir… Puisque les MRE si essentiels à l’économie et au tourisme (autour de 10% du PIB tout compris et 40% des visiteurs touristiques) veulent massivement rentrer pour retrouver leur famille après 24 mois de privation suite à la pandémie ; puisque l’actuelle brouille diplomatique avec l’Espagne s’est soldée sur le terrain par la fermeture des principaux hubs terrestres et maritimes par où transitent habituellement plus de 3 millions de MRE ; la solution « technique » toute trouvée est dans le pont aérien et dans la campagne de promotion du tourisme diasporique qui verra cet été toute le filière (transports, hôtels, loisirs, banques…) déployer avantages préférentiels et remises tarifaires aux MRE !
En dépit de quelques couacs techniques au démarrage, avec un million de billets déjà réservés en moins de dix jours, le pari calculé du Maroc devrait même dépasser toutes les attentes. Et le meilleur est encore à venir… A voir les jubilations unanimes des MRE sur les forums, le pays devrait gagner beaucoup plus que des vacanciers venus se ressourcer en famille et dépenser leurs devises au pays. Avec le capital de reconnaissance et confiance ainsi reconstitué voire renforcé, les autorités pourront compter sur ces partenaires réputés loyaux et devenus incontournables dès lors qu’il s’agira d’engager le pays sur les chemins tortueux de la relance post Covid-19.
Une énième opportunité gâchée par les pays qui comptent sur leur diaspora…
Ces enjeux au Maroc sont communs à une majorité de pays africains aux économies très affaiblies par la pandémie et toujours plus dépendantes des flux financiers contracycliques de leur diaspora…Dans un contexte émotionnellement chargé pour des diasporas collectivement désireuses de venir se ressourcer familialement au pays d’origine après des mois et années de privation, il y avait là pour les pays d’origine, un temps politique propice à un nouveau départ avec la diaspora. Cette occasion en passe d’être manquée par quasi-tous est d’autant plus navrante que ce tournant des retrouvailles post Covid-19 n’était pas le plus compliqué à opérer et potentiellement le plus fertile pour l’avenir (économie, moral des diasporas et de leurs familles, confiance…).