Dans cet entretien exclusif avec le mensuel Financial Afrik (numéro 63) , Alexandre Benalla, l’ancien chargé de mission à l’Élysée, adjoint au chef de cabinet du président de la République, revient sur son parcours, ses nouveaux rapports avec Emmanuel Macron et ses projets d’investissements en Afrique. Loin des incidents de mai 2018 qui l’ont propulsé à la une des médias français, l’homme, analyste hors pair des enjeux sécuritaires du monde, aux antipodes de l’image de «l’arabe de service aux gros bras» qu’on lui avait affublé, a ouvert une nouvelle page, celle de l’entrepreneur.
Au delà de ce qui est relaté régulièrement dans la presse, qui est Alexandre Benalla ? Quel est son parcours ?
C’est un parcours riche, un peu sinueux, atypique, aux confins du monde politique et sécuritaire. Issu d’une famille monoparentale, j’ai grandi dans un quartier sensible à Evreux avec le rêve, comme tous les gosses, de devenir super héros (rires). A douze ans, mon projet d’avenir était formé : escorter la voiture présidentielle. J’ai évolué dans cette volonté en construisant mon parcours tout seul, en essayant de me dépasser, en étant curieux de toute chose et en refusant de me laisser abattre face à l’adversité. A quatorze ans, j’ai obtenu mon stage d’observation de trois jours auprès du Service de protection des hautes personnalités. Je suis entré dans la réserve opérationnelle de la Gendarmerie à l’âge de 18 ans et, à ce titre, j’ai consacré plus de 200 jours au service des citoyens. Sur le plan scolaire, j’ai suivi des études normales. Après un Master 1 en droit, Spécialité Sécurité Publique, mon rêve de toujours s’est matérialisé petit à petit. J’ai eu à officer en 2009 au Parti Socialiste aux côtés de Martine Aubry, maire de Lille, puis pendant la campagne présidentielle de François Hollande et enfin auprès d’Emmanuel Macron.
Comment vous est donc venu ce rêve de voiture présidentielle ?
C’est depuis que je l’ai vu «Dans la Ligne de Mire», le film de Clint Eastwood (sourire). J’ai sans doute ce côté protecteur qui me vient peut-être de l’univers d’un enfant qui a grandi avec sa mère, sans la présence du père. Dans une telle situation, l’enfant veut se muer en homme pour protéger sa mère. Il y a certainement un sens caché à tout. Mon prénom, Alexandre, qui m’a été donné à l’âge de trois ans, veut dire «guerrier protecteur» en grec. (Rires)
Vous avez côtoyé le président Emmanuel Macron de près. Quel est l’état de vos relations aujourd’hui?
Je n’ai plus aucune relation ni avec le président ni avec son entourage. Après, il y a le respect que j’ai toujours pour la personne, le souhait qu’il réussisse dans sa mission. Emmanuel Macron a la vertu de la jeunesse et le courage des ambitieux. Et je sais pour avoir travaillé à ses côtés, qu’il a une grande ambition pour la France.
Depuis quelques mois, on vous annonce en Afrique avec une certaine insistance. Quelles sont vos activités sur le continent ?
J’ai effectivement fondé une société en novembre 2018 qui ambitionne de se développer en Afrique et au MoyenOrient. L’entreprise dénommée Comya Group (www.comya.group) a pour vocation d’être un intégrateur global de différents métiers de la sécurité en accompagnant les entreprises et les organisations en général. Nous avons une fine compréhension des enjeux liés à la sécurité en général, à la sûreté, à la cyber-sécurité et à l’intelligence économique et stratégique de par notre expérience et la capacité d’aborder les marchés avec une démarche spécifique, en partenariat avec les acteurs locaux. Il ne s’agit pas de supplanter les acteurs locaux qui maîtrisent le sujet mais d’apporter un savoir faire et un œil qui peut être différent et complémentaire, cela peut passer par de la formation et du conseil.
Comya a-t-elle vocation à ouvrir son capital ?
Pour le moment, je suis l’unique actionnaire de Comya, société de conseil et de sécurité créée au Maroc et appelée à devenir un géant sur l’axe EuropeAfrique. Je fonctionne en fonds propres. Je ne vous le cacherai pas, je suis en discussions avec plusieurs banques et fonds d’investissements séduits par le projet. Mais chaque chose vient en son temps. Il y aura des développements l’année prochaine.
Le secteur de la sécurité reste une affaire d’initiés surtout en Afrique. Comment comptez-vous y prendre pour contourner les obstacles ?
Je pense que l’obstacle est d’abord psychologique. C’est aussi une affaire de capacité économique. Le reste relève du fantasme. La plupart des observateurs confondent sécurité et barbouzerie. La gestion de la sécurité n’est pas délimitée à la garde présidentielle et n’est pas non plus une affaire de mercenaires. C’est un secteur économique dynamique qui a besoin d’évoluer dans la transparence tout en n’oubliant pas ce sans lequel il n’a pas sa raison d’être : la confidentialité. Certes, l’exigence de la confidentialité concerne tous les secteurs, mais il doit être encore plus strict dans le domaine de la sécurité.
La transparence et la confidentialité
font-elles bon ménage ?
C’est une dualité intéressante qui concerne le sécurocrate mais aussi le médecin, l’avocat, le notaire, le banquier, l’assureur et de nombreuses professions. L’exigence de confidentialité concerne tous les secteurs. Idem pour la transparence qui doit s’exprimer à travers des règles, de la clarté sans pour autant tomber dans la dictature de la transparence.
Vous êtes devenu une célébrité. Cela ne gêne-t-il pas le business ?
C’est une bonne question. Mon rêve a la base ce n’était pas d’être célèbre. Je l’ai subi, je le pratique sans vouloir en rajouter. C’est quelque chose de positif. Encore une fois, personne n’a remis en cause mon professionnalisme. D’ailleurs je suis fier d’avoir contribué, avant mon départ, à la refonte complète de la sécurité de l’Elysée en permettant la création de la Direction de la Sécurité de la Présidence de la République (DSPR), qui a vu le jour récemment.
Pourquoi votre choix s’est-il porté sur l’Afrique et non sur l’Asie par exemple ?
Mes parents sont originaires d’Afrique. Mon père est professeur à Oujda (au Maroc). Ma mère est arrivée en France dans les années 80. C’est une chance et une fierté d’être originaire de ce continent, une fierté de participer à son développement et à son essor. C’est là où ça se passe. De mes plusieurs séjours sur le continent, j’ai compris qu’on est au croisement de plusieurs phénomènes. Notre société ira naturellement dans un premier temps dans les pays francophones puis progressivement dans les pays anglophones.