Selon un nouveau rapport de la Banque mondiale, la croissance économique dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) devrait ralentir en 2019, pour s’établir à 0,6 % contre 1,2 % en 2018. Les perspectives de croissance pour l’année en cours ont été rabaissées de 0,8 point de pourcentage par rapport aux projections du mois d’avril dernier, sous l’effet de la baisse des prix du pétrole et de la contraction plus forte que prévu de l’économie iranienne.
Des risques de dégradation substantiels assombrissent les perspectives économiques de la région, dont notamment l’intensification des difficultés de l’économie mondiale et la montée des tensions géopolitique.
Voici les facteurs à l’origine de cette croissance au ralenti : réductions de la production pétrolière, faiblesse de la demande mondiale d’or noir et contraction plus sévère qu’anticipé en Iran. Le rapport révèle aussi cependant que la relance de l’activité non pétrolière dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) — Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït Oman et Qatar —, surtout dans le secteur du bâtiment, a partiellement atténué l’impact négatif du ralentissement de l’économie iranienne sur les performances moyennes de la région.
Le PIB égyptien continue par ailleurs de tirer la croissance régionale, à la faveur d’un cadre macroéconomique national renforcé par les réformes du régime de change, des finances publiques et du secteur énergétique. L’Égypte a ainsi affiché au premier semestre 2019 une croissance de 5,4 %, en hausse par rapport à 2018 (5,2 %).
« Alors que les pays de la région ont mis en œuvre des réformes ambitieuses afin de restaurer leur stabilité macroéconomique, leurs perspectives de croissance sont très en deçà du niveau nécessaire pour créer les emplois dont ils ont besoin pour faire face à l’augmentation rapide de leur population en âge de travailler, souligne Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Les dirigeants doivent aujourd’hui faire preuve de courage et de vision pour approfondir les réformes, lever les barrières qui entravent la concurrence et libérer l’immense potentiel que constitue une population régionale de 400 millions d’habitants qui, collectivement, pourraient créer une demande source de croissance et d’emplois. »
À moyen terme, la Banque mondiale prévoit une progression du PIB réel de 2,6 % en 2020 et 2,9 % en 2021 dans la région MENA. Ces projections positives reposent en grande partie sur l’accroissement des investissements consacrés aux infrastructures dans les pays du CCG et sur la reprise de l’économie iranienne à mesure que s’estompent les effets des sanctions américaines.
Le rapport signale toutefois les risques de nouvelle escalade des tensions régionales, qui pourraient gravement affaiblir l’économie iranienne et se répercuter sur d’autres pays de la région. Alors que nombre des pays exportateurs de pétrole de la région MENA devraient tirer profit d’une hausse des prix pétroliers à court terme, celle-ci devrait globalement nuire au commerce, à l’investissement et à l’infrastructure à l’échelle régionale.
Concurrence loyale
La domination des marchés de la région par les entreprises publiques et des opérateurs jouissant des bonnes connexions politiques décourage l’investissement privé, réduit le nombre d’emplois et exclut de la prospérité un nombre incalculable de jeunes gens talentueux, rapporte la Banque Mondiale.
«L’absence de concurrence loyale dans la région freine le développement du secteur privé, alors qu’il s’agit du moteur d’une croissance généralisée et de la principale source d’emplois, explique Rabah Arezki, économiste en chef de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Les pays de la région pourraient transformer leur économie en instaurant des règles du jeu équitables et en fournissant un environnement qui encourage la prise de risques et récompense les efforts d’innovation et de productivité».
Une demande régionale libérée, conjuguée à une réglementation qui favorise la concurrence et lutte contre les pratiques contraires, pourrait empêcher la perpétuation des oligarchies — ces puissantes élites qui prennent souvent le contrôle des tentatives de libéralisation, ternissant l’idée même de toute réforme auprès des citoyens. Le rapport appelle au renforcement des lois sur la concurrence et des organismes chargés de les faire respecter. Il préconise aussi d’assurer une gouvernance plus efficace des entreprises publiques, de promouvoir le secteur privé et de mettre en place des autorités de régulation chargées de rééquilibrer la contestabilité entre ces différents acteurs.