Par Fabrice Kom Tchuente, Auteur du recueil « Engagements Poétiques » publié aux éditions Persée
Il était midi, un été, lorsqu’une dame d’origine africaine, habillée d’un joli boubou couleur argentée nous dîmes « Bonjour » à la sortie d’une épicerie de quartier. Situation plutôt inédite pour que nous lui demandâmes si elle avait un problème. « Oui » nous répondit-elle, « besoin 18 € pour mon transport ». Nous lui donnâmes un billet de 20 € et au moment de rejoindre notre voiture, elle nous suivit en nous remerciant, répétant à plusieurs reprises « Merci, c’est gentil », donnant l’impression que c’était les rares mots qu’elle connaissait de la langue de Molière.
Et lorsque nous fumes prêt à démarrer la voiture, elle déboutonnât son chemisier et nous montra le haut de sa poitrine, où apparaissait une cicatrice chirurgicale. Elle nous expliqua avec ses mots qu’elle venait d’arriver en France et avait besoin de se soigner le cœur mais recherchait pour l’heure simplement de quoi manger. Elle qui parlait à peine la langue française, avait compris que dans notre société, il valait mieux être propre sur soi et prétendre manquer de quoi payer son transport pour obtenir de quoi se nourrir. Hélas…
Nous sortîmes de notre poche 10 malheureux € supplémentaires et elle se mit à chanter. Sa virtuosité vocale dans cette langue qui nous est étrangère nous mit les larmes aux yeux. Nous baissâmes la tête, et lâche, nous nous en allâmes. Nous réalisâmes que nous avions cédé aux stéréotypes validant la thèse selon laquelle « migrant » ne pouvait rimer avec « talent ». Et pourtant…
A pied, sans papier, sans parler français et malade, elle était « Capable ». Capable d’éblouir, Capable d’attendrir par cette autre chose qui est en elle mais qui ne se voit à l’œil nu. A défaut de ne pouvoir s’alimenter, elle nous alimentait d’émotions.
On dit, pour vivre bien vivons caché,
Dans ce contexte nous dirons, pour vivre bien vivons voilé,
Avec ce voile qui dissimule à nos yeux, les malheurs qui nous entourent,
Avec ce voile qui dissimule à nos yeux, tant de contre-vérités et qui nous abreuve de clichés et de préjugés,
Avec ce voile qui nous permet de sentir, mais nous empêche de ressentir.
Combien sont-elles ? Combien sont-ils ? Si on prenait le temps de faire un inventaire de leurs passions, de leurs talents, techniques, artistiques, physiques, moraux, peut-être comprendrions nous mieux la valeur d’une vie humaine d’où qu’elle vienne.
Ces êtres que l’on brade sur le comptoir des arbitrages politiques, voire personnels. Pour ces Hommes, qui ne demandent qu’à accoster après une « croisière meurtrière », on se croirait au temps des Gladiateurs, qui, arrivés en fin de combat, attendent leur sentence dictée par la direction du « pouce vertical » du roi et fils indigne « Commode ».
Dans cette Union Européenne, fière de s’afficher comme une Association d’Etats de droit pour Tous, pour ces Hommes venus d’ailleurs, touchés dans leurs chairs, parce qu’affamés et souvent en manque de soins, aussi court qu’il sera jugé de la durée de leur séjour, qu’ils aient juste droit à un traitement « Digne » et « Commode ».
Un commentaire
Histoire touchante… sauf qu’elle s’adresse à ceux qui reçoivent et ne veulent plus le faire. Quid de ceux de chez qui ils partent? Dans l’actualité de ces jours, il est question d’un fils de chef d’Etat d’Afrique Centrale qui aurait détourné au préjudice dudit Etat 50 millions de dollars US. Seulement 50 millions suis-je tenté de dire, quand il peut en prendre 1000 fois plus? Et d’ailleurs 50 millions qu’est ce que cela représente pour lui? De l’argent de poche pour s’offrir un énième appartement luxueux dans le 16ème à Paris ou sur la 5ème à NYC? Le drame, c’est que si cela est avéré (forte probabilité), ce ne sera ni la 1ère ni la dernière fois, tant que papa sera président (pas d’inquiétude de ce côté la constitution est verrouillée à cet effet, et la succession monarchique préparée). Alors cessons d’accuser toujours les mêmes, qui, malgré tout reçoivent. Et chez eux quand il y en a qui ne veulent pas recevoir, vous en avez qui se battent pour recevoir. Nous, pays « pauvres » de départ, que font nos chefs d’États? Que disent-ils? Vous avez certainement entendu les propos d’un ancien président d’un pays d’Afrique de l’ouest où la question est très sensible voire explosive, accuser tout récemment » les étrangers de faire main basse » sur son pays? Aucune réaction de nulle part…un silence assourdissant, pourtant prélude à une stigmatisation en règle qui a déjà eu lieu et qui reprendra si jamais ce dernier qui aspire à reprendre le fauteuil, y revient. On se tait. Mais quand ce sont ceux qui sont de l’autre côté, on accuse à tout va, on critique, on fulmine mais… on cherche toujours à aler chez eux, à n’importe quel prix ! Et quand on y est, peu importe ce qu’on y vit, « nous pas bouger » comme le chante cet artiste qui est chez eux depuis des décennies et dont la fille fait du sport sous les couleurs bleu-blanc-rouge et qui parle le bambara avec l’accent parisien… Quand rendra-t-on des comptes pour avoir utilisé la carte bancaire du ministère pour avoir acheté du simple…chocolat en Afrique? Ici, même pour avoir déraciné le cacaoyer, on vous encouragera à déraciner le suivant, pour peu que vous donniez quelques cabosses à des personnes bien choisies…