La Cour de cassation française a rendu, ce vendredi, un arrêt donnant gain de cause au Maroc dans l’affaire d’extorsion de fonds dans laquelle sont impliqués les 2 journalistes français Eric Laurent et Catherine Graciet.
Saisie une première fois, la Cour de cassation avait estimé que ces enregistrements avaient été menés avec la « participation indirecte » des enquêteurs français « sans le consentement des intéressés », ce qui portait « atteinte aux principes du procès équitable et de la loyauté des preuves ». Cette fois réunie en assemblée plénière, c’est-à-dire devant toutes ses chambres pour une décision qui ne pourra plus être contestée, la Cour de cassation a estimé que le concept de » ‘participation’, même indirecte », supposait « l’accomplissement, par les enquêteurs d’un acte positif, si modeste soit-il » et que le rôle « passif » des policiers » ne pouvait « suffire à caractériser un acte constitutif d’une véritable implication ». Le dossier va désormais retourner entre les mains des juges d’instruction, qui pourront soit renvoyer l’affaire devant un tribunal, soit prononcer un non-lieu.
Dans une déclaration à l’issue de l’audience, Me Patrice Spinosi, avocat du Maroc, a qualifié cet arrêt de ‘‘très grande victoire’’ pour le Royaume ‘‘puisqu’il n’existe plus aucun obstacle à la poursuite de ces journalistes laquelle ne pourra conduire qu’à leur condamnation’’. ‘‘Au-delà du cas du Royaume du Maroc, cette décision consacre le droit de toute victime à recourir à tout moyen de preuve, y compris les enregistrements, sans que le principe de la loyauté de la preuve ne vienne remettre en cause l’enquête policière’’, a-t-il ajouté.
Pour rappel, la Chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de Paris avait rejeté, en février dernier, la requête des avocats des 2 journalistes d’annuler les enregistrements selon lesquels ils auraient réclamé une somme d’argent en contrepartie de la non publication d’un livre critique sur le Royaume.
Les enregistrements établissent de façon ‘‘incontestable’’ l’opération de chantage, avaient souligné alors l’avocat de la partie marocaine.
Les avocats des journalistes reconnaissent un accord financier. Catherine Graciet, 42 ans, et Éric Laurent, 69 ans, sont mis en examen pour chantage et extorsion de fonds. Ils sont soupçonnés d’avoir voulu soutirer trois millions d’euros au roi du Maroc en 2015, en échange de l’abandon d’un livre censé contenir des révélations gênantes pour Rabat. Les deux journalistes avaient été interpellés le 27 août 2015, en possession de 80.000 euros en liquide, au sortir d’une réunion avec un émissaire du Maroc enregistrée à leur insu par ce dernier. Éric Laurent avait déjà été enregistré lors de deux rencontres précédentes avec l’émissaire, l’avocat Hicham Naciri. Les avocats des deux journalistes, qui reconnaissent un accord financier mais réfutent tout chantage, demandaient l’annulation des deux derniers enregistrements au motif qu’ils sont « illégaux » car réalisés par l’émissaire marocain alors même qu’une enquête était déjà ouverte.