Par Christian Kazumba
Conseil en management et en organisation pour des entreprises implantées en Afrique Représentant de la RD Congo pour le Think Tank Club 2030
Comme le souligne tout afro-optimiste convaincu, l’Afrique constitue aujourd’hui l’un des moteurs les plus puissants de la croissance économique mondiale. Les investissements directs étrangers réalisés sur le continent ont été multipliés par plus de six au cours des quinze dernières années.
Néanmoins, en dépit d’un environnement macro-économique de plus en plus propice, l’Afrique subsaharienne demeure la région la plus faiblement bancarisée de la planète.
En effet plus de 85% de ses habitants, en moyenne, ne possèdent pas de compte bancaire, contre moins de 45% au nord du Sahara à titre de comparaison.
Certains facteurs, liés aux réalités historiques et démographiques du continent, peuvent être invoqués afin d’expliquer un phénomène de sous-bancarisation qui pèse sur l’inclusion financière des populations locales et ne permet pas de lutter efficacement contre le fléau de l’extrême pauvreté.
D’une part, la jeunesse de la population fait incontestablement obstacle à une diffusion rapide de l’utilisation des services bancaires. Rappelons, à ce sujet, que l’âge médian en Afrique noire ne dépasse pas 18 ans (contre plus de 40 ans en France et en Allemagne) et que, selon les dernières estimations de la BAD, seuls 3,6% de sa population a plus de 65 ans…
D’autre part, l’analphabétisme demeure une réalité consternante dans cette région du monde. Selon l’Unesco, 190 millions d’adultes en Afriques subsaharienne ne savaient ni lire ni écrire en 2012, ce qui conduit à une estimation de 41% pour le taux d’analphabétisme dans les pays africains.
Outre ces raisons, que nous qualifierons d’exogènes, beaucoup d’établissements bancaires implantés en Afrique semblent ne pas avoir encore complètement appréhendé toute l’importance de la mise en place d’une stratégie commerciale, pouvant leur permettre d’instaurer, pour un investissement raisonnable, une communication de proximité avec leur clientèle et donc de favoriser la bancarisation.
La culture financière étant encore embryonnaire en Afrique noire, un grand nombre de particuliers ou de PME-PMI éprouvent, très logiquement, le besoin d’obtenir des informations fiables quant au fonctionnement général d’un compte en banque, d’être guidés sur l’utilisation de tel ou tel service financier, ou tout simplement d’être rassurés sur la capacité de leur intermédiaire financier à honorer ses engagement (la RD Congo a connu une demi-douzaine de faillites bancaires entre 2002 et 2007…).
Très concrètement, un réseau classique d’agences ne répond pas, de manière satisfaisante, à cette problématique.
En effet :
• Le déficit des infrastructures rend couteux et très complexe le déploiement d’un nombre suffisant de guichets bancaires pour satisfaire pleinement la demande. En conséquence, la densité bancaire en zone CEMAC peut être estimée à une agence pour 60 000 habitants seulement (contre une pour 5 800 au Maroc et une pour 1 700 en France).
• La dispersion géographique de la population en Afrique subsaharienne constitue une donnée essentielle dont il faut tenir compte. Ainsi, plus de 60% de la population vit encore dans des zones rurales ou « péri-urbaines ». Ainsi, selon les estimations de la BAD en 2006, à peine un tiers des habitants des régions rurales vit à côté d’une route.
Il existe un moyen simple permettant aux banques de communiquer, à moindre coût, avec un maximum de leurs clients : le centre d’appels externalisé. En effet, comment ne pas profiter, dès à présent, de l’essor que connait le téléphone portable en Afrique ?
Alors qu’à la fin des années 90, le secteur des télécommunications sur le continent n’en était qu’à ses premiers balbutiements, le taux de pénétration de la téléphonie mobile dépasse aujourd’hui 70% et atteindra 90%, selon certains experts, à l’horizon 2017. En particulier, l’Afrique subsaharienne reste la région de la planète la plus dynamique sur ce marché. En effet, un rapport réalisé en 2012 par l’association des opérateurs mobiles (GSMA) a souligné que le nombre d’abonnés aux services de téléphonie mobile y avait progressé de 18% par an entre 2007 et 2012 !
En clair, nous nous retrouverons rapidement dans une situation ou une immense majorité d’africains possédera son propre mobile et préfèrera, sans contestation possible, joindre par téléphone le service client de sa banque plutôt que d’être contraint de se déplacer à l’agence la plus proche …ou la moins éloignée.
Les longs embouteillages, qui restent bien souvent la particularité des grandes métropoles africaines, ainsi que les trajets sur des routes souvent en très mauvais état (l’Afrique possède moins du quart des kilomètres de routes revêtues des autres régions en développement selon une étude de la BAD) seront donc épargnés au consommateur africain grâce au « call center ».
Il est vital et stratégique que les banques panafricaines mettent rapidement l’accent sur une prestation qui peut leur offrir, sur des plages horaires beaucoup plus étendues que celles des agences et avec une productivité largement supérieure (un conseiller bancaire gère davantage de demandes clientèles au téléphone qu’en face à face), la possibilité de mettre en place systématiquement des campagnes à finalité commerciale, en émission ou en réception d’appels.
L’objectif sera d’améliorer les taux de transformation en termes d’acquisition, d’apporter de la pédagogie à la clientèle sur des produits et services qui peuvent paraître abscons, de lutter contre l’attrition dans un environnement de plus en plus concurrentiel ou de fidéliser la clientèle existante en lui proposant des produits d’équipement adaptés à ses besoins.
Le retail banking en Afrique subsaharienne doit franchir un cap, en termes de service et de relation client. Le centre d’appel l’y aidera et sera en parfaite adéquation avec une culture de l’oralité encore omniprésente dans les pays du continent.